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La formation sur les produits dangereux - Peut-on la négliger?

Catherine Allard*, CRIA, est coordonnatrice, santé et sécurité du travail dans une entreprise manufacturière. En consultant son calendrier, elle remarque que la formation sur les produits dangereux (contrôlés) doit bientôt être donnée aux employés; c’est d’autant plus important que l’entreprise a embauché plusieurs nouveaux employés dernièrement. Elle propose donc à son employeur un plan de formation pour l’ensemble des employés. Celui-ci lui répond qu’une telle formation devra attendre à l’année prochaine, et ce, pour des raisons financières. Que peut faire Catherine, inquiète de cette situation?

* Nom fictif

15 décembre 2010
Marie-Claude Barrette et Luc Baillargeon, CRHA
L’ÉCLAIRAGE DÉONTOLOGIQUE - User de persuasion…
Par Marie-Claude Barrette, avocate

Devant concilier les contraintes financières de son employeur et la sécurité des employés, Catherine se trouve dans une situation délicate. Assurer la formation appropriée pour faire en sorte que le travailleur possède les habiletés et les connaissances requises pour accomplir son travail de façon sécuritaire fait partie des obligations de l’employeur prévues à la Loi sur la santé et la sécurité du travail. En ce qui concerne spécifiquement les produits dangereux, l’employeur doit appliquer un programme de formation et d’information (étiquetage, affiches, fiches signalétiques accessibles et visibles) qui doit être mis à jour annuellement.

Suivant le code de déontologie des CRHA et CRIA, Catherine doit, dans l’exercice de sa profession, tenir compte de l’importance des programmes de formation, des mesures d’accueil et d’initiation ainsi que de la santé physique des personnes placées sous son autorité. La formation sur les produits dangereux est essentielle pour assurer cette protection, d’autant plus que plusieurs nouveaux employés ne l’ont pas suivie et sont exposés à de tels produits. D’ailleurs, une initiation des employés qui tient compte de la santé et de la sécurité du travail envoie dès le départ le message que l’entreprise y accorde de l’importance.

Ainsi, Catherine ne peut pas baisser les bras devant le refus de son employeur de donner suite au programme de formation qu’elle lui a proposé.

Elle doit donc faire appel à ses aptitudes de persuasion pour convaincre son employeur d’adopter de bonnes pratiques. D’ailleurs, le code de déontologie prévoit que, lors de l’exécution de son mandat, elle doit exposer à son client la nature et la portée du problème et l’informer des risques inhérents et prévisibles associés à une solution envisagée. Dans le cas présent, ces risques concernent d’abord la sécurité des employés; en outre, dans le pire scénario, des accusations de nature criminelle pourraient être portées contre les personnes en position d’autorité tels les cadres supérieurs, s’ils ne font pas preuve de diligence raisonnable pour assurer la sécurité des employés. Si Catherine lui expose la situation de façon complète et en lui proposant différentes options, son employeur sera probablement plus enclin à adopter un programme de formation.

Enfin, rappelons que Catherine ne doit pas accomplir une tâche qui va à l’encontre de sa conscience professionnelle, sauvegardant ainsi son indépendance professionnelle.

À retenir
  • Tenir compte de la protection de la santé physique, des mesures d’accueil et d’initiation ainsi que des cours et des programmes de formation des employés et faire les recommandations pertinentes à son client [art. 6 (3°) (4°) (5°), art. 40 du Code de déontologie].
  • Exposer le problème au client et l’informer des risques possibles associés à la solution envisagée [art. 39].
  • Sauvegarder son indépendance professionnelle, notamment en évitant d’accomplir une tâche contraire à sa conscience professionnelle [art. 19 al.1 (2°)].

L’ÉCLAIRAGE DU PROFESSIONNEL – Une formation annuelle indispensable

Par Luc Baillargeon, CRHA, directeur, santé et sécurité du travail, Parmalat Canada inc.

Malheureusement, ce scénario risque de se produire dans plusieurs entreprises manufacturières. Dans le cas présent, la santé et la sécurité du travail ne sont pas intégrées dans les activités courantes de l’organisation. Plus inquiétant encore, l’employeur ne comprend pas les conséquences potentielles de cette lacune.

Catherine doit informer son employeur de son obligation en regard de cette formation. Elle doit lui exposer les risques auxquels il s’expose si un accident grave survient et qu’une enquête conclut à une faute de sa part. Personne n’a intérêt à subir des poursuites criminelles.

Ensuite, tout en veillant à respecter les contraintes financières de l’entreprise, Catherine doit faire preuve de créativité pour s’assurer que les employés sont formés à l’utilisation sécuritaire des produits dangereux. Une méthode simple et efficace est l’utilisation d’un quiz portant sur les produits dangereux utilisés dans l’entreprise. Une fois les questionnaires corrigés, on affiche les réponses visiblement et on rencontre les employés qui ne maîtrisent pas les notions de sécurité essentielles, individuellement ou en groupe selon le cas, afin de s’assurer qu’ils acquièrent ces compétences. Pour valoriser les comportements sécuritaires, on peut même reconnaître de façon tangible les employés qui ont obtenu une note parfaite au contrôle.

Une fois cette urgence réglée, il faut s’assurer de ne plus retomber dans le même pattern. Pour éviter que cela se reproduise, il est important de prévoir une formation dans le processus de recrutement et d’accueil. Les possibilités sont multiples. Pendant le processus de sélection par exemple, on peut, dans un test visant à évaluer la capacité à lire et à interpréter un texte simple, utiliser des notions de formation sur les produits dangereux et amener les candidats à faire un exercice sur le sujet. Ainsi, tout en choisissant le candidat idéal, on transmet des informations et on valide la maîtrise de ces notions par les candidats. D’autre part, il est simple et efficace d’inclure la formation sur les produits dangereux – comme toute autre notion de santé et sécurité du travail – dans l’initiation de base lors de l’embauche. Il est d’ailleurs important de compléter la formation en matière de santé et de sécurité et d’en valider les acquis avant l’entrée en fonction proprement dite. Il faut aussi s’assurer de conserver les preuves de formation, comme les questionnaires d’évaluation des compétences remplis, signés et datés.

Enfin, il faut savoir que la formation sur les produits dangereux doit être répétée annuellement, d’où l’intérêt particulier de l’utilisation d’un quiz qui est souvent moins redondant qu’une présentation formelle et qui permet en plus de vérifier les connaissances acquises.

Source : Effectif, volume 14, numéro 2, avril/mai 2011.


Marie-Claude Barrette et Luc Baillargeon, CRHA