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Évaluer son programme de mentorat : une tâche essentielle pour en assurer la pérennité

Un récent sondage d’Insala, intitulé Current trends in mentoring programs, a révélé que le plus grand défi des organisations qui ont un programme de mentorat est d’en faire l’évaluation. D’un autre côté, la plus grande appréhension des entreprises qui songent à implanter un programme de mentorat est de trouver les indicateurs qui vont permettre d’en mesurer le succès. Donc, l’évaluation semble être au cœur des préoccupations des responsables de programmes de mentorat, et avec raison.

28 octobre 2013
Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow

L’importance d’évaluer
L’évaluation d’un programme de mentorat est cruciale si les personnes qui en sont responsables veulent entreprendre les actions requises pour en atteindre les objectifs et en assurer la pérennité.

Mesurer est toutefois difficile
Mesurer l’impact d’un programme de mentorat demeure cependant un défi, car en général, ce qui est évaluable à court terme représente seulement un dixième de l’impact total, les neuf autres dixièmes étant les retombées intangibles à long terme.

Mais dans sa grande sagesse, le gourou de la gestion Peter F. Drucker a déjà dit, que « si vous ne pouvez le mesurer, vous ne pouvez pas le gérer ». Donc, pour connaître la valeur réelle générée par un programme de mentorat, il est crucial de trouver les moyens d’en évaluer les résultats, et cette décision doit être prise avant même que le programme ne débute.

Commencer par la fin
Une bonne manière d’aborder l’évaluation d’un programme de mentorat est de commencer par la fin. En effet, si vous savez quels résultats vont indiquer que votre programme de mentorat est une réussite, il est plus facile de déterminer comment vous devriez l’évaluer.

Qu’est-ce qu’on veut savoir...
On veut obtenir différentes informations, les plus importantes étant :

  • ce que les gens en retirent;
  • ce que l’organisation en retire;
  • comment améliorer le programme;
  • comment maximiser le rendement de l’investissement.

L’importance des objectifs clairs
Il va de soi que l’évaluation sera facilitée par l’existence d’objectifs clairement formulés. Chaque organisation doit les déterminer en fonction de ses besoins. Parmi les objectifs que l’on retrouve habituellement, en voici quelques exemples :

  • favoriser l’intégration à la fonction de gestion;
  • préparer et fidéliser la relève;
  • retarder le départ des gestionnaires d’expérience;
  • favoriser le développement professionnel et personnel;
  • transférer des connaissances et des expertises;
  • réduire les effets de cloisonnement entre des services;
  • favoriser l’innovation;
  • améliorer le climat de travail et l’engagement.

Le choix des indicateurs
Une fois les objectifs bien énoncés, il faut ensuite choisir les bons indicateurs de succès. Ceux-ci sont de deux ordres, soit les indicateurs reliés au programme lui-même (satisfaction, nombre de participants, perceptions, etc.) et les indicateurs reliés à l’organisation (climat de travail, promotions, diversité, etc.).

Deux méthodes de mesure
Dans le but d’assurer une évaluation efficace du programme, il est recommandé d’employer deux méthodes de mesure, soit le suivi continu du programme et une évaluation générale qui peut se faire sur une base annuelle.

1 . Les objectifs du suivi continu – Le suivi continu est généralement assuré par le coordonnateur du programme. Il s’agit, sans aucun doute, de l’action la plus importante pour garantir le succès du programme. Les objectifs du suivi sont généralement les suivants :
  • s’assurer que les dyades se rencontrent régulièrement;
  • savoir si les dyades progressent vers l’atteinte de leurs buts;
  • identifier les relations qui ne vont pas bien (aider les dyades);
  • donner aux participants le sentiment que le programme est bien soutenu;
  • favoriser la responsabilisation des mentors et des personnes accompagnées;
  • vérifier l’efficacité du processus;
  • informer/former/conseiller;
  • faire des ajustements au programme.

Selon la richesse des informations recherchées, il faut décider de la fréquence des suivis, de la méthode de suivi et du contenu des suivis. En général, on fait des suivis plus fréquents lors d’un programme pilote ainsi qu’au début des relations mentorales.

Quelques signaux d’alarme qui peuvent compromettre une relation mentorale

  • Les rencontres n’ont pas lieu.
  • Le mentor ou l’employé accompagné se plaint d’être ignoré par l’autre.
  • Le mentor se sent débordé en raison des exigences de temps requises pour remplir son rôle de mentor.
  • Le mentor ou la personne accompagnée semblent manquer d’intérêt pour le programme.

2. L’évaluation générale – L’évaluation générale est plus élaborée et tourne autour des questions suivantes :

  • Quels seront les facteurs et variables mesurés?
  • Comment seront-ils mesurés?
  • Qui fournira l’information?
  • Quand seront-ils mesurés?
  • Qu’est-ce qu’on fera des résultats?

Le modèle d’évaluation Kirkpatrick
Le modèle de Kirkpatrick demeure la référence la plus utile pour réaliser l’évaluation d’un programme. Même s’il existe depuis 1950 et que son auteur lui a apporté quelques raffinements depuis, l’évaluation à quatre niveaux permet de recueillir autant des données quantitatives que qualitatives :

  • RÉACTION – Ont-ils apprécié le mentorat? En sont-ils satisfaits?
  • APPRENTISSAGE  - Quelles sont les connaissances, habiletés et/ou attitudes (savoir, savoir-faire, savoir-être) acquises?
  • COMPORTEMENTS – Les personnes accompagnées utilisent-elles ce qu'elles ont appris? Quels sont les nouveaux comportements professionnels mis en application?
  • RÉSULTATS–Quel est l'impact du mentorat sur les résultats de l’organisation?

Des outils simples comme des sondages et des entrevues permettent de recueillir des données très riches.

Rendement de l’investissement versus retour sur les attentes
Que ce soit en formation, en coaching ou en mentorat, bien des gens s’évertuent à développer des formules de calcul pour connaître le rendement de leur investissement, mais Kirkpatrick croit que c’est méthodologiquement impossible. Selon lui, il faut plutôt examiner le retour sur les attentes (RSA) et, à cet égard, les attentes doivent être énoncées dès le départ en impliquant les décideurs au plus haut niveau de l’organisation.

Conclusion
Finalement, toute entreprise d’évaluation d’un programme de mentorat doit réunir les conditions essentielles suivantes :

  • avoir des objectifs clairs et mesurables;
  • fixer des objectifs reliés à des objectifs organisationnels spécifiques;
  • déterminer comment le programme sera évalué dès le départ;
  • posséder une  structure de coordination solide, faire des suivis constants et consigner les données importantes en vue de l’évaluation générale.

Pour aller plus loin : suggestions de lecture

  • Allen, T. D, L. M. Finkelstein et M. Poteet (2007). Designing Workplace Mentoring Programs. An Evidence-Based Approach, Chichester, U.K., Wiley-Blackwell.
  • Fortin, J. et C. Cuerrier (2003). Évaluer un programme de mentorat, Québec, Les Éditions de la Fondation de l’entrepreneurship.
  • Jones, R. (2007). Measuring the Success of Coaching and Mentoring, HCI White Paper, Human Capital Institute.

Références

  1. Current trends in mentoring programs (2011). Insala Survey Whitepaper. http://www.insala.com/whitepapers.asp
  2. Kirkpatrick, D. L. et J. D. Kirkpatrick (2007). Implementing the Four Levels: A Practical Guide for Effective Evaluation of Training Programs, Berrett-Koehler Publishers.

A propos de l’auteur
Yvon Chouinard, CRHA, ACC, est un coach exécutif et d’équipes de direction au sein du Groupe Pauzé. Il est aussi consultant en implantation de programmes de mentorat. On peut le joindre par téléphone [514 951-6714] ou par courriel [ychouinard@groupepauze.com].


Author
Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow