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Un programme innovateur d’apprentissage en milieu de travail

Pour retenir ses jeunes employés et améliorer la transmission du savoir acquis par sa main-d’œuvre plus expérimentée, l'entreprise Les Bois de plancher PG a mis en place un programme innovateur d'apprentissage en milieu de travail. Sa démarche va jusqu'à recourir aux nouvelles technologies pour faciliter la formation.

27 novembre 2014
Entrevue avec Julie Garneau, CRHA

Chez Les Bois de plancher PG, les employés visionnent désormais des vidéos sur une tablette pour apprendre ou se rappeler comment réaliser une tâche. Cette approche inventive de formation est venue répondre à deux besoins importants pour la PME. La transmission du savoir et de l'expérience s'effectuait déjà depuis un moment chez le personnel de gestion, mais peu chez le personnel de la chaîne de production. Julie Garneau, CRHA, propriétaire de Les Bois de plancher PG et vice-présidente aux ressources humaines, a constaté qu'il fallait « écrire l'histoire de l'entreprise ».

De plus, l'entreprise gardait difficilement ses jeunes travailleurs. Or, la rétention de la main-d’œuvre constitue un enjeu crucial pour la PME d'environ 120 employés, située à Saint-Édouard de Lotbinière, une ville de moins de 1500 habitants de la région de la Chaudière-Appalaches. Même si elle donnait déjà des salaires concurrentiels, l'entreprise devait convaincre sa main-d’œuvre que le déplacement quotidien pour se rendre au travail en valait la peine. « On s'est aperçu que ces jeunes n'aiment pas la routine. Ils veulent toujours apprendre. Et ils ont développé un mode d'apprentissage autonome avec Internet. Lorsqu'ils se faisaient expliquer pendant une dizaine de minutes comment changer une tête sur une moulurière, par exemple, ils décrochaient ». Selon elle, les jeunes sont habitués d'obtenir immédiatement l'information qu'ils cherchent.

Julie Garneau a donc décidé de faire appel au Programme d'apprentissage en milieu de travail (PAMT) d'Emploi-Québec. Ce programme se base sur le principe du compagnonnage, c'est-à-dire que les travailleurs de l'entreprise les plus expérimentés forment leurs collègues en transmettant leur savoir-faire de manière individuelle et structurée. Aux entreprises qui s'inscrivent à ce programme, Emploi-Québec fournit des carnets d'apprentissage pour les apprentis, un guide et une séance d'information pour les compagnons et assure un suivi durant la démarche d'implantation.

« La plupart de nos employés n'ont aucun diplôme. On s'est dit qu'on voulait vraiment se servir de ce programme comme levier, comme base. À partir de ça, on a décidé de documenter les postes de travail partout dans l'entreprise ». La mise en place du programme a été réfléchie de façon à inciter les employés les plus anciens à expérimenter d'autres postes et à permettre aux débutants d'en maîtriser de nouveaux.

« On a commencé par écrire et prendre des photos. Puis, on libérait chaque personne affectée à un poste pour qu'elle écrive ses procédures ». En plus d'inscrire les étapes importantes reliées à la tâche, elle soulignait, dans les nouveaux manuels, les risques pour la santé et la sécurité qui lui sont associés. Puisque chaque employé avait sa propre façon d'écrire, les textes ont été retouchés pour respecter une même structure. « On a uniformisé la façon de transmettre le savoir et de l'enseigner, ajoute-t-elle. On entend de moins en moins dire que des gens ne sont pas capables de réaliser la tâche après avoir commencé à un poste. » D'autant plus qu'avec les nouvelles ressources, les employés ont accès à des références, humaines comme écrites, lorsqu'ils oublient un détail.

L'entreprise commence même à pousser la formule plus loin pour innover. Ainsi, elle a fait appel à la petite entreprise Poka qui a créé une plateforme sociale virtuelle à vocation industrielle. Celle-ci est justement conçue pour la transmission de l'information et la formation dans le secteur manufacturier. Les documents rédigés par les employés sont actuellement adaptés en vidéos. Ce sont les détenteurs des postes eux-mêmes qui montrent à la caméra les différents aspects de leurs tâches. Quelques courts films sont déjà en ligne. Un employé peut les visionner sur une tablette numérique alors qu'il s'exerce sur un nouveau poste de travail. « Ils ont plus d'outils pour apprendre, ce qui allège beaucoup le travail des superviseurs qui sont sur le plancher », constate Mme Garneau.

Reconnaissance

Le PAMT prévoit, pour les apprentis, un certificat de qualification professionnelle après l'apprentissage de plusieurs postes, soulignant, dans le cas présent, leur maîtrise de l'équipement dans le secteur du bois. « On est une usine de transformation. Donc, ceux qui sont sur la chaîne de production n'avaient jamais de formation à l'extérieur. Maintenant, ils en ont une et ils ont une reconnaissance de leurs acquis », dit Mme Garneau. L'entreprise a dépassé les standards du PAMT en ce qui concerne la reconnaissance. Chaque fois qu'un employé apprend les rudiments d'un poste de travail, il se voit remettre une attestation maison lors d'une réunion générale. Un « mur des gradués » affiche le nom de tous ceux qui ont été formés à un poste à côté de celui des compagnons qui leur ont enseigné. Il s'agit d'une manière de valoriser les efforts tant de ceux qui s'instruisent au sujet de nouvelles tâches que de ceux qui les ont accompagnés. « Il faut valoriser les efforts de tous ceux qui se sont engagés dans ce programme, juge-t-elle. La reconnaissance, c'est humain. Tout le monde aime ça. »

Des impacts concrets

Depuis l'instauration de ces mesures, Mme Garneau a remarqué des répercussions positives et concrètes. D'abord, son intuition ne l'avait pas trompée : le programme a amélioré la rétention de la main-d’œuvre. « On a réussi à garder davantage ceux qui sont impliqués dans le PAMT », confirme-t-elle. Conserver son personnel entraîne, du même coup, des économies. « La formation, c'est ce qui coûte le plus cher. Quand on forme des gens durant deux mois et demi et qu'ils partent après, c'est phénoménal ce que ça peut nous coûter. Maintenant, après deux mois et demi, plutôt que de se dire qu'ils ont tout appris et qu'ils trouvent ça ennuyant, ils apprennent un autre poste de travail. » Par la même occasion, le programme a amélioré la polyvalence des employés avec des répercussions notables sur l'organisation du travail.

Selon la propriétaire, les formations et les outils de référence ont augmenté la productivité de l'entreprise, mais ont aussi aidé à la standardisation de la production. Auparavant, certaines longueurs ou largeurs étaient évaluées approximativement dans la transformation des matériaux selon la personne à l'horaire. Aujourd'hui, les documents d'apprentissage et le compagnonnage ont rendu les mesures plus précises. Ainsi, le produit est identique, qu'il soit réalisé « le jour ou le soir, quand l'opérateur principal est présent ou en vacances, lorsque c'est l'apprenti ou le compagnon en poste. » Même constat pour l'uniformisation des tâches, désormais écrites et progressivement détaillées sur la plateforme numérique accessible sur tablette. « Ils suivent tous une méthode de travail et c'est la même », commente-t-elle.

L'implantation a été un tel succès que la PME a remporté, en 2013, un prix d'excellence remis par la Chambre de commerce de Lévis dans la catégorie « Proactif RH ». Selon Mme Garneau, la réussite du programme est due à la façon dont les employés y ont été impliqués. « On ne leur a pas imposé. Ils l'ont fait à leur manière. Les livres ont beaucoup de photos, pratiquement pas de texte ».

Son conseil auprès des personnes tentées de lancer un projet similaire? « Il ne faut pas essayer de le faire seul. Il faut le plus possible mobiliser tous les gens autour de nous. Ce qu'il faut comprendre, c'est que ceux qui ont le plus de savoir, ce sont ceux qui sont sur le plancher. Sans eux, on ne peut pas écrire l'histoire de l'entreprise ».


Entrevue avec Julie Garneau, CRHA