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Gestion du changement : êtes-vous assurés?

Peu importe le soin investi dans la préparation et dans l’exécution d’un plan de changement, le litige demeure toujours un risque présent et réel. Si ce risque ne peut pas être éliminé, il faut voir comment il peut être géré.

25 octobre 2005
Isabelle Pierre, CRIA

La face cachée de la gestion du changement


La littérature sur le sujet de la gestion du changement est abondante, voire foisonnante. L’importance d’une saine gestion du changement en entreprise n’est plus à démontrer et la majorité des professionnels de la gestion des ressources humaines et des relations industrielles en maîtrisent les subtilités.

À cet égard, tous les plans visent à obtenir le consentement, l’adhésion et même l’engagement de tous les employés envers la réalisation du changement proposé. Toutefois, il faut aussi être conscient que, peu importe le soin investis dans la préparation et dans l’exécution d’un plan de changement, le litige demeure toujours un risque présent et réel. Si ce risque ne peut être éliminé, il faut donc se demander comment il peut alors être géré.

Par analogie, on peut comparer l’importance respective de la gestion du changement et du potentiel litigieux du changement à l’investissement nécessaire à la construction d’un immeuble. L’édification de l’immeuble n’est possible que par la réalisation de travaux de construction soigneusement planifiés. Dans des conditions favorables, cette planification est suffisante pour transformer un investissement financier en immeuble. Mais de nos jours, qui entreprendrait la construction d’un immeuble sans avoir la prudence élémentaire de l’assurer convenablement? Un professionnel de la gestion des ressources humaines doit non seulement planifier et superviser la mise en chantier du projet de changement, mais aussi avoir les solutions appropriées en cas de pépin.

Certains plans de gestion du changement omettent complètement cet aspect de la dynamique du changement. Leurs auteurs se placent ainsi dans une approche seulement réactive, à savoir que le litige ne sera envisagé et par la suite traité que s’il se matérialise. Il est évident qu’en l’occurrence, la défense ne pourra être basée que sur les moyens alors disponibles. Il est inutile de préciser que ceci est, de loin, la moins confortable des positions dans laquelle un gestionnaire pourra se retrouver. Il suffit, par exemple, de penser à la documentation de chacune des étapes du processus de changement qui n’aura probablement pas été préparée avec le souci d’avoir un jour à la présenter à une tierce partie, pour démontrer le chemin suivi par l’agent de changement.

Une stratégie proactive vise à placer l’employeur dans la situation la plus avantageuse possible, dans l’éventualité où un litige devait se déclarer, afin de maximiser ses chances d’avoir gain de cause. Ainsi, le gestionnaire qui veut adopter une stratégie proactive doit non seulement appliquer les principes de gestion du changement généralement reconnus, mais également réunir, utiliser et documenter les meilleurs atouts à sa disposition afin de maximiser ses chances de succès à l’occasion d’un litige potentiel, le tout bien entendu avant que le litige ne se produise.

Problématique
Il n’existe pas de système législatif détaillé et articulé autour du changement, définissant les rôles et les obligations de chacune des parties. Aussi faut-il se référer au droit commun et, par analogie, puiser à même des concepts de droit civil et en particulier de droit du travail, pour trouver les règles de conduite applicables. Les concepts de bonne foi, d’absence de faute, d’absence de préjudice ou de balance des inconvénients, de contrat de travail et de consentement, entre autres, sont tous empruntés au droit civil et sont utilisés par les décideurs pour évaluer la conduite d’un employeur lors de l’exécution d’un changement. Pour cette raison, il n’existe pas de grille d’analyse définitive des règles de conduite lors de l’implantation de changements. De son côté, la jurisprudence ne nous est pas d’un très grand secours pratique non plus, puisqu’elle constitue surtout une suite de solutions factuelles particulières, jugées acceptables ou non par un décideur, dans un cas particulier. En quelque sorte, il n’y a jamais deux situations parfaitement identiques et il y a autant de solutions appropriées que de situations. Nous désirons dans ce texte indiquer au professionnel de la gestion des ressources humaines les concepts qui guideront sa conduite dans les paramètres les plus susceptibles d’être jugés acceptables.

Cet article se veut donc à la conjonction de la théorie sur la gestion du changement et du droit qui y est applicable. Il identifie trois axes de réflexion pour articuler la pensée du professionnel et propose pour chacun des outils concrets de gestion du risque. Les facteurs qui seront pris en considération par un décideur ayant à valider la conformité aux lois d’un changement peuvent être regroupés dans les trois catégories suivantes : la cause, le temps et le consentement.

La cause
La cause d’un changement est la considération traditionnellement étudiée en premier lieu par les décideurs dans leur analyse du mérite d’une contestation. Il est donc important pour un professionnel de la gestion des ressources humaines de procéder à l’identification de toutes les causes du changement en vue d’un litige potentiel et, sur la base des éléments généralement considérés favorablement par les décideurs, de sélectionner et de documenter les causes susceptibles de favoriser le succès de l’employeur lors d’une contestation du changement.

La cause de changement peut être interne ou externe à l’entreprise : elle peut résulter d’un processus décisionnel amorcé purement en interne ou être le résultat d’une réaction de l’entreprise à des pressions externes provenant de ses salariés, de tiers, de l’environnement ou du marché dans lequel évolue l’entreprise.

La cause peut être de nature administrative, économique, légale, normative ou technologique.

Les décideurs attachent généralement une importance particulière au niveau de contrainte imposé par la cause sur l’entreprise : la cause rend-t-elle le changement simplement désirable, souhaitable ou carrément impératif? La cause est-elle une action préventive ou proactive à une situation ou est-elle réactive?

En général, il sera probablement plus aisé pour un employeur de justifier le bien-fondé d’un changement de méthode de travail par la volonté de se conformer à de nouvelles dispositions législatives visant à combattre la pollution que par le simple désir, quoique légitime, d’augmenter la rentabilité de l’entreprise. Les décideurs considèrent souvent plus favorablement les changements dont la conséquence prévisible est d’avantager les employés, que ce soit sur le plan de l’amélioration prévisible des conditions de travail, de la mise à niveau de leurs connaissances ou de l’amélioration de la sécurité du travail.

La plupart des changements en entreprise sont le résultat de plusieurs considérations d’importance et de nature souvent différentes. Certaines sont clairement exprimées, alors que d’autres demeures tacites, latentes ou sous-entendues. Parfois, seules les causes plus importantes, au moment du changement, aux yeux du membre de la direction qui pilote le projet de changement sont exprimées.

Il est important pour le professionnel de la gestion des ressources humaines qui entreprend de planifier la gestion d’un changement de s’assurer, de concert avec la direction, que toutes les causes du changement proposé sont clairement identifiées. Les causes plus susceptibles d’emporter l’adhésion d’un décideur au changement devraient être dûment documentées et communiquées. La saine gestion du changement impose que les causes d’un changement soient expliquées aux employés, afin d’obtenir leur adhésion et leur engagement. L’annonce du changement aux employés devrait donc faire mention des causes ainsi sélectionnées.

Une telle approche a entre autres l’avantage de ménager à l’employeur une preuve de sa bonne foi, lorsqu’il voudra justifier ce changement devant un décideur. À l’inverse, un employeur négligeant de communiquer une cause, latente ou non exprimée au moment de la prise de décision, donnerait au décideur l’impression que la cause invoquée n’est qu’une excuse de mauvaise foi inventée en vue du litige et qui n’était pas une considération au moment de la décision initiale de procéder au changement.

Enfin, des notes personnelles ou le procès-verbal de réunions de la direction ont une force probante à tout le moins douteuse et, devant certaines instances, seront tout simplement inadmissibles en preuve. En effet, il est fort probable que, devant la plupart des instances civiles, ce genre de document soit considéré comme un écrit interne de l’employeur qui ne peut être substitué à son témoignage ni le corroborer et dont la date ne peut être établie de façon indépendante avec certitude. Dans ces circonstances, le meilleur atout de l’employeur est une déclaration initiale et publique des causes du changement, qui corroborera de façon efficace et convaincante un témoignage éventuel sur la question.

Le temps
Un changement s’exécute dans un cadre temporel défini comprenant généralement des échéances fixées à des dates butoirs spécifiques. En tant que conseiller stratégique de l’entreprise, le professionnel de la gestion des ressources humaines devrait, à l’occasion de l’élaboration de cet agenda, s’assurer que l’allocation du temps et des échéances soit faite de manière non seulement à s’assurer d’une exécution harmonieuse et efficace du changement, mais aussi à démontrer à un décideur chargé de réviser la validité du projet que celui-ci a été exécuté en donnant un délai raisonnable d’adaptation aux salariés affectés. Il est donc important d’étudier ce qui constitue un préavis valide, la mesure d’un tel préavis et comment documenter le tout.

La notion de préavis revêt toute son importance dans le cadre de changements modifiant les conditions de travail à un point tel qu’il est possible de considérer qu’il y a eu novation du contrat de travail; c’est le cas par exemple d’un changement affectant la rémunération à la baisse ou encore d’un changement requérant l’acquisition de nouvelles compétences par le salarié. Une telle situation serait fort probablement qualifiée de congédiement déguisé par un décideur civil et le temps dont dispose l’équipe de direction pour implanter le changement devrait donc aussi tenir compte du temps de préavis à donner dans le cas de la terminaison d’emploi des salariés concernés.

Sans revenir en détail sur ce que la jurisprudence considère être un préavis raisonnable, notons que l’âge de l’employé, son ancienneté et sa capacité de se retrouver un nouvel emploi sont des facteurs déterminants. De même, l’historique de l’entreprise et du secteur dans lequel elle évolue devra également être considéré.

Le préavis commence au moment où l’employé est avisé de façon définitive d’un changement et de sa date effective, ainsi que du contenu de ce changement de façon suffisamment précise pour qu’il en comprenne l’impact et soit en mesure d’entreprendre de s’y adapter. Ainsi, un changement de territoires de vendeurs dont la rémunération est en tout ou en partie constituée de commissions, ou même un changement à la méthode de calcul desdites commissions, devrait être accompagné de suffisamment d’information pour que les salariés affectés puissent en mesurer l’impact prévisible sur leur rémunération. Un avis ne contenant que l’annonce du changement de territoires ou de la méthode de calcul, mais sans les détails nécessaires pour permettre une évaluation précise de l’impact sur la rémunération du salarié pourrait ne pas être considéré comme un préavis valide. Un avis indiquant le détail des conséquences de ces changements, mais omettant d’en indiquer l’échéancier précis de mise en vigueur pourrait également être jugé insuffisant.

Le contenu relativement détaillé de l’avis et les considérations quant à la preuve énoncées à la section précédente amènent à conclure qu’il serait judicieux d’aviser les employés par écrit d’un changement requérant un préavis. De plus, si les changements ont des effets plus marqués pour certains salariés ou groupes de salariés, il peut aussi être utile, selon les circonstances, de songer à obtenir un accusé réception de l’avis.

Est-ce donc à dire que toutes les communications au sujet du changement et de son implantation doivent être faites par écrit? Certainement pas. Les communications verbales durant la période précédant le changement sont aussi cruciales et leurs comptes rendus devraient aussi être documentés avec autant de soin.

La période précédant la mise en place d’un changement est généralement utilisée pour la mobilisation des effectifs vers ce changement et leur formation en vue de sa réalisation. Plusieurs auteurs recommandent le déploiement du changement de façon progressive à chacun des niveaux hiérarchiques de l’entreprise, du haut vers le bas. Si, en théorie, il est souhaitable que le salarié entreprenne de façon autonome, sur réception d’un simple avis, d’entreprendre une préparation adéquate au changement annoncé, il bien rare dans les faits que les choses se passent ainsi. Par conséquent, le manque de soutien personnalisé au salarié et le manque d’engagement du supérieur immédiat d’un employé pourraient être interprétés par un éventuel décideur comme une claire indication que l’employeur ne considérait pas l’intégration au changement comme un élément important de sa prestation de travail. On peut aisément imaginer l’effet dévastateur du témoignage du salarié à l’effet, par exemple, que son supérieur immédiat lui a déclaré que le changement ne devrait pas être la priorité ou encore qu’il ne sait pas comment aider l’employé à réagir valablement à ce changement. Dans cette perspective, il est donc important de noter non seulement que les communications verbales avec les salariés sont utiles au succès du changement, mais aussi que leur documentation soignée est une composante indispensable à une préparation complète à un litige potentiel.

À cet égard, il faut d’abord s’assurer que tous les superviseurs d’employés visés par le changement disposent d’outils efficaces de communication et soient en mesure d’aiguiller les salariés vers les ressources nécessaires à leur adaptation. Il serait, dans ce cadre, laborieux et contre-productif de confirmer par écrit avec l’employé toutes les communications verbales relatives au changement. Afin de pallier cet inconvénient, il est possible de recourir à quelques outils, tels que les réunions par exemple, même si les impératifs de la production imposent des réunions en petits groupes seulement. Un autre outil qui peut s’avérer utile pour confirmer une communication verbale avec un salarié sur un point pratique d’une certaine importance est tout simplement de dépersonnaliser et de généraliser le sujet de la communication avec le salarié et de le consigner dans une note de service datée et affichée à l’intention de tous. Par ailleurs, et nonobstant le fait que les notes de réunions ne puissent servir de preuve directe de l’existence ou même du contenu d’une communication verbale, un plan écrit des communications verbales à tenir et un journal des communications verbales ayant effectivement eu lieu constitueront quand même des aide-mémoire précieux lors d’un témoignage.

Le consentement
La panacée aux problèmes apportés par le changement est sans doute le consentement des employés visés, ou de leurs représentants, le cas échant. Les stratégies de gestion du changement rapportées par la littérature visent non seulement l’obtention du consentement des employés, mais aussi leur adhésion pleine et entière au changement. Pourquoi discuter de la planification de la défense à un litige en présence d’un consentement? En effet, on pourrait être porté à croire qu’à partir du moment où le salarié concerné par le changement y a consenti, le problème est réglé. Toutefois, une telle proposition fait abstraction de deux réalités pratiques que le professionnel de la gestion des ressources humaines bien avisé doit garder à l’esprit : le retrait du consentement et le vice de consentement.

Un consentement, pour être valable, doit avoir certaines caractéristiques, entre autres être libre, volontaire et éclairé. Il peut être donné de façon expresse ou tacite. Il peut être individuel ou collectif. Une analyse des caractéristiques d’un consentement valide, des modes de consentement et de l’identité de l’auteur du consentement sera suivie des méthodes à la disposition du professionnel de la gestion des ressources humaines désirant préparer de façon préventive une défense de consentement à un litige potentiel. Enfin, des suggestions de palliatifs à une absence de consentement d’un employé contestataire seront suggérées.

Un consentement doit être libre de toute menace ou contrainte. La notion de contrainte doit être interprétée très largement et inclure les pressions indues, le harcèlement, les représailles ou les conséquences désavantageuses. L’acceptation d’un changement pour éviter une rétrogradation, une diminution de rémunération ou pour se soustraire à un inconvénient majeur sera difficilement interprétée comme un consentement libre.

Un consentement doit aussi être éclairé. Le salarié doit connaître et comprendre les conséquences d’un changement proposé pour pouvoir l’accepter validement. Cette compréhension doit être basée sur des faits véridiques ou des prédictions réalistes. Les avantages, inconvénients et risques du changement pour l’employé doivent lui avoir été exposés. Ces représentations doivent être exemptes de mensonges, d’exagérations ou de fausses représentations. Un consentement dont la considération la plus importante serait un fait inexact ou inexistant serait nul et ne pourrait alors être invoqué par l’employeur.

Un consentement peut être exprès ou tacite. Un consentement exprès est celui exprimé verbalement ou par écrit par le salarié. Le consentement tacite est celui qui peut être déduit de la conduite de l’employé. Dans certaines circonstances, l’absence de contestation d’un employé peut être interprétée comme un consentement tacite. Par exemple, le fait d’exécuter une nouvelle tâche pendant une période prolongée sans protêt laisse présumer une acceptation de facto par le salarié de cette nouvelle tâche. La participation active du salarié au changement ou à son implantation pourrait aussi emporter son acceptation tacite.

La notion d’acceptation tacite doit cependant être combinée dans son interprétation avec la notion de consentement libre. On ne pourrait pas prétendre, par exemple, à un consentement tacite des employés à un changement si, à la fin d’une réunion de tous les employés où un changement leur est annoncé, aucun ne manifeste son opposition sur-le-champ… Le consentement tacite s’apprécie selon les faits de chacune des situations différentes. Il est sûr qu’il faudra toujours chercher à vérifier si la conduite examinée est compatible avec celle d’un individu raisonnable agissant de bonne foi et sans contrainte. Dans la négative, on peut raisonnablement douter de l’existence d’une acceptation tacite.

L’identité de la personne apte à donner un consentement au changement peut varier selon les circonstances. Retenons qu’en règle générale, l’employé donnera son consentement lui-même, sauf s’il fait partie d’un régime de rapport collectif des relations du travail, auquel cas le droit de consentir au changement appartient au syndicat.

Le consentement exprès à un changement est plus exceptionnel que le consentement tacite. Il est encore plus rarement écrit et il peut sembler malvenu de s’empresser d’exiger une confirmation signée et écrite d’un employé de son consentement. Dans ces circonstances, le superviseur de l’employé consentant peut prendre note du consentement verbal de l’employé, du contenu de la conversation de même que les témoins qui ont assisté à ladite conversation. Il est évidemment plus avantageux d’avoir un témoin pouvant corroborer une preuve de consentement exprès. Ces notes ne pourront être admises en preuve, mais seront un aide-mémoire utile dans la préparation d’une réponse à une contestation. Quant au consentement tacite, il est documenté par la collecte de preuves des différents comportements de l’employé qui font foi de son acceptation.

L’absence de consentement d’un employé contestataire peut être atténuée par les circonstances suivantes, qui devraient elles aussi être documentées.

Le consentement de la majorité des autres employés appartenant à la même classe ou au même groupe peut être utilisé pour démontrer le caractère déraisonnable du refus de l’employé contestataire de se soumettre au changement proposé. De plus, cet état de chose peut aussi tendre à démontrer la faiblesse des prétentions d’un contestataire à l’effet que le changement implanté est substantiel ou déraisonnable. Par ricochet, cela renforcera aussi le caractère raisonnable de la position de l’employeur. Cet argument ne peut être fait que s’il peut être démontré que l’employé contestataire est dans une situation similaire ou identique à celle des employés à qui on désire le comparer. Dès la première manifestation des signes précurseurs d’une contestation possible, il est utile d’identifier des caractéristiques d’appartenance du contestataire à un groupe et d’amasser des informations sur la réaction de ce groupe au changement. Pour ce faire, des données sur la performance des salariés depuis le changement, leur temps moyen d’adaptation au changement et la manifestation du consentement du groupe devraient être documentées.

Une consultation préalable des employés sur les causes du changement ou les moyens mis en œuvre pour agir sur ces causes peut aussi aider à démontrer le caractère déraisonnable de la position d’un contestataire. Ainsi, un problème identifié par des salariés, des solutions ou changements élaborés avec la participation des salariés seront d’autant plus susceptibles de recevoir l’approbation d’un décideur et placeront le contestataire en porte-à-faux avec le reste de ses collègues.

La réticence à consentir au changement est le plus souvent le symptôme avant-coureur du litige. Le professionnel de la gestion des ressources humaines prudent ne manquera donc pas de considérer ceci comme un signal d’alarme lui indiquant, si le besoin en était encore, la nécessité d’intensifier sa démarche de prévention et de préparation du litige.

Près de 80 % des projets de changements échoueraient. À la lumière de cette statistique alarmante, il semble impérieux pour le professionnel de la gestion des ressources humaines de gérer avec soin non seulement le changement, mais aussi le potentiel litigieux du changement. Son rôle est certes de faire accepter le changement. Ceci n’exclut en rien l’obligation de prévoir une solution de secours, en cas de refus d’un ou de plusieurs salariés d’intégrer le changement.

Il n’existe pas de règles de droit spécifiques applicables au changement. Par conséquent, à défaut de pouvoir lui indiquer un ensemble de dispositions concrètes, nous avons préféré tirer de ces considérations générales des conseils pratiques qui, nous l’espérons, sauront se montrer utiles pour le professionnel de la gestion des ressources humaines agissant à titre de champion du changement.

Dans ce rôle, le professionnel doit entreprendre son projet de changement en ayant à l’esprit trois pôles : la cause du changement, le temps d’implantation et le consentement des salariés. Il doit tenter d’agir sur ces facteurs afin d’obtenir la situation la plus équilibrée possible. Il doit aussi recueillir des preuves qui pourraient ne pas être disponibles à l’audition, évaluer les risques de litige que présentent des individus particuliers, gérer les échéances aussi en fonction des préavis à donner aux salariés, donner une orientation au dossier de litige en cernant les causes du changement, gérer de façon préventive les communications avec les employés.

Chaque projet de changement étant différent et gardant à l’esprit les trois axes de réflexions discutés et la nécessité d’atteindre une position équilibrée, le professionnel de la gestion des ressources humaines doit avoir comme souci constant d’identifier toute nouvelle opportunité de bonifier la position de l’employeur en prévision d’une contestation éventuelle et entreprendre toute mesure nécessaire à cet effet. Il est sûr, toutefois, qu’en l’absence de règles spécifiques, il faudra plus que jamais garder présent à l’esprit que le secret de la sagesse réside dans la conduite raisonnable.

Isabelle Pierre, CRIA, chef d'équipe, Centre National chez Financement d'équipement GE Canada

Source : VigieRT, numéro 2, octobre 2005.


Isabelle Pierre, CRIA