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Comment réaliser une mise à pied dans les règles de l’art

Jessica Beaudry, CRHA, travaille comme directrice des ressources humaines chez Avion2000, une entreprise qui emploie cinq cents personnes. Voici qu’à la dernière rencontre de direction, le président présente des résultats financiers plutôt alarmants. C’est d’ailleurs la première fois que l’organisation fait face à une telle situation. Les conclusions de la rencontre sont accablantes, mais claires : il faut mettre à pied 15 % de l’effectif. Mandatée pour accomplir cette douloureuse tâche, Jessica se demande comment intervenir pour bien préparer les employés mis à pied et comment encadrer et rassurer ceux qui restent. Y a-t-il des moyens de se détacher professionnellement? Doit-elle communiquer les scénarios envisagés? Jusqu’où s’étend son rôle?

25 février 2009
Bernard Lapointe, CRHA, Renée Gagnon et Annie Cloutier, CRHA

Y a-t-il une bonne manière d’annoncer une mauvaise nouvelle?


Par Bernard Lapointe, CRHA, c.o., directeur, Innovation, et Renée Gagnon, M.A.P., conseillère en gestion de carrière et coach, André Filion & associés inc.

La réponse est oui. Une mauvaise nouvelle est toujours difficile à transmettre ou à recevoir mais, paradoxalement, l’être humain a un réel besoin d’obtenir l’heure juste et d’être informé, particulièrement en période d’incertitude ou de crise.

Il est vrai que la tâche n’est pas facile pour le responsable des ressources humaines, dont le rôle premier est de doter son organisation des meilleures ressources disponibles sur le marché, puis d’entretenir leur mobilisation et leur bonheur au travail.

Dans le cas présent, la situation exige le licenciement de soixante-quinze personnes et l’annonce doit être faite de la meilleure manière possible. Afin de concilier courage de gestion, respect et délicatesse, la directrice des ressources humaines doit agir de façon responsable. Nous lui recommandons de procéder de la façon suivante : 

  • impliquer les gestionnaires : ils doivent participer, si possible, à l’analyse de la situation et à la prise de décision, pour contribuer à minimiser les impacts tant sur les personnes que sur les activités de l’entreprise;

  • convenir ensemble de la meilleure façon de procéder : informer les gestionnaires sur les réactions éventuelles, planifier et préparer le déroulement des rencontres individuelles afin de bien encadrer les personnes touchées; il est impératif d’organiser, dès que possible, des rencontres avec les différentes équipes pour les informer de la situation et obtenir leur adhésion au plan de relance;

  • rassurer ceux qui restent : en contexte économique précaire, personne ne peut garantir l’avenir; pour les «survivants», le choc est grand et les préoccupations sont vite dirigées vers leur situation personnelle; il faut préciser la situation maintenant ainsi que le plan d’action des prochains mois en précisant qu’avec l’implication de chacun, il devrait être suffisant.

Y a-t-il des moyens de se détacher professionnellement lors de mises à pied ou de licenciements? Oui, en faisant ce qui doit être fait du mieux possible, tout en agissant avec empathie et délicatesse… On reconnaît les bons gestionnaires dans les situations corsées et complexes… C’est ainsi que le gestionnaire doit faire preuve de courage et de détermination pour garder les objectifs dans sa mire, tout en démontrant de la compassion envers les employés. De plus, comme il faudra mobiliser et soutenir les équipes de travail, la stratégie qui consiste à partager les solutions envisagées avec les employés et à recevoir leurs suggestions apparaît gagnante, car faire plus et mieux avec moins n’est pas toujours évident.


Une cascade continue de communication…
Par Annie Cloutier, CRHA, MBA, directrice principale, développement organisationnel, Dolmen Capital Humain

Respect et transparence sont ici les mots d’ordre. Le plan d’action doit être réalisé dans l’optique de maintenir la confiance des employés envers l’entreprise. Jessica doit assumer auprès des cadres un rôle de conseil stratégique et de soutien. Ces derniers auront à prendre les responsabilités et le leadership en ce qui concerne la communication aux employés.

Jessica doit notamment élaborer un plan de communication soutenu, appuyer la direction dans la définition de la nouvelle structure, définir les conditions de séparation et identifier les stratégies de fidélisation des survivants.

Plusieurs facteurs doivent modeler son approche, soit la nature des postes touchés, la philosophie et le climat de l’entreprise, la présence d’une convention collective et la nature temporaire ou permanente des mises à pied.

Selon la philosophie de l’entreprise, une communication à l’ensemble des employés est habituellement prévue le plus rapidement possible, et ce, afin de préserver la confiance et atténuer les rumeurs. Les faits et le contexte doivent être transmis honnêtement et avec empathie. Il est important que les employés comprennent la légitimité de la décision tout en percevant que c’est une décision difficile pour l’organisation. Les employés doivent savoir ce qui arrivera de ceux qui partiront. Quel soutient recevront-ils? Comment les décisions seront-elles prises?

Le choix des employés qui doivent quitter l’organisation ne doit pas se faire uniquement en fonction de l’ancienneté ou pour réduire uniformément chacun des services. Jessica doit travailler de concert avec la direction et prendre en compte des facteurs tels le plan d’affaires, les postes clés et la rareté des compétences, le service à la clientèle, le temps de formation nécessaire à l’embauche (en prévision de la relance) et les retraites anticipées. Elle doit également appuyer les gestionnaires dans la redéfinition et la redistribution des tâches. Les règles de gouvernance devront être revues et communiquées si des postes de gestion sont concernés.

Il est recommandé de rencontrer individuellement les employés touchés par les mises à pied, afin de préserver leur dignité. Les mesures de soutien pourront alors être expliquées : PAE, soutien offert en transition de carrière et reclassement, indemnité de départ, assurances et régimes de retraite.

Les survivants seront sensibles à la façon dont les employés touchés auront été traités et au soutien offert par leur gestionnaire. Il est donc important de prévoir une cascade continue de communication : donner espoir en donnant un sens et une direction à suivre.

Source : Effectif, volume 12, numéro 1, janvier/février/mars 2009.


Bernard Lapointe, CRHA, Renée Gagnon et Annie Cloutier, CRHA