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L’art d’aborder un sujet délicat

Les relations entre un gestionnaire et un employé aux comportements inappropriés sont souvent tendues et peuvent engendrer de grands malaises. Malgré tout, le gestionnaire se doit d’amorcer avec cet employé un dialogue utile et efficace; en effet, trop d’employés souffrent de troubles émotionnels parce que leur patron n’a pas su « mettre ses culottes » pour sensibiliser un de leurs collègues aux impacts négatifs de son comportement inadapté sur son entourage. Mais que faire pour que la conversation soit facilitée et contribue à éviter l’escalade du conflit ainsi que la détresse des autres?

7 décembre 2009
Fernand Bélair, CRHA

Les paliers de discussion

Une conversation portant sur un sujet délicat, concernant notamment des comportements jugés inappropriés, se déroule sur trois paliers bien distincts et, bien souvent,  de façon simultanée :

a)      la discussion factuelle;

b)      la discussion révélant la dimension affective sous-jacente;

c)      la discussion intérieure.

La maîtrise de la conversation à ces trois niveaux permettra au gestionnaire de dialoguer avec son employé tout en évitant l’escalade redoutée.

La discussion factuelle

La discussion factuelle porte, il va sans dire, sur les faits. D’abord et avant tout, le gestionnaire doit être en mesure de distinguer la personne du problème. Il n’appartient pas au gestionnaire de faire une évaluation de la personnalité de son employé; il doit plutôt se limiter à l’observation et à la description des comportements et se préparer à dialoguer avec l’employé et à écouter son point de vue pour tenter de comprendre les appréhensions et les intentions qui sous-tendent ses comportements. Dans un premier temps, cela va permettre au gestionnaire de démontrer son intérêt pour l’employé et pour la situation; cela lui permettra aussi de demeurer plus objectif devant cette situation et d’éviter d’ajouter inutilement de l’huile sur le feu.

La discussion révélant la dimension affective sous-jacente

Au moment de la discussion révélant la dimension affective, sous-jacente aux comportements difficiles, la personne peut communiquer beaucoup d’émotions et, inévitablement, un certain degré d’hostilité. Il se peut que le gestionnaire en éprouve lui aussi, alors même qu’il tente d’identifier celles qui se dissimulent sous les propos de l’employé et de les traduire en intérêts ou en besoins méconnus et insatisfaits. Il est important de nommer précisément ces besoins de manière à faire progresser la résolution de la situation. Les intérêts individuels de l’employé, jumelés aux besoins organisationnels que le gestionnaire continue à lui communiquer, font partie intégrante du terrain d’entente que ce dernier doit établir, en partenariat avec l’employé, afin d’aplanir les difficultés entre eux.

La discussion intérieure

Finalement, l’identité du gestionnaire est mise à l’épreuve dans le cadre de la discussion intérieure. Il doit donc s’imposer un peu de recul pour réfléchir à l’impact des difficultés relationnelles qu’il éprouve avec son employé et aux valeurs qui sont alors sollicitées chez lui. Il s’agit pour lui d’une excellente occasion de développer conscience et connaissance de soi en vue d’une action plus pertinente auprès de tous ses employés. Il sera peut-être alors plus apte à admettre certaines erreurs, à partager, avec courage, transparence et pertinence, lors d’un dialogue bien senti, respectueux et ouvert à l’apprentissage, les difficultés et les effets sur lui de toute cette situation, mais aussi à confirmer sa volonté de ne pas renforcer les comportements inadaptés.

Somme toute, le succès d’une conversation abordant un sujet délicat dépend de la maîtrise des trois paliers de communication qui se déroulent en même temps. Sinon, l’échange demeurera confus et ne réussira pas à cibler les améliorations nécessaires; il pourra même se révéler propice à l’éclosion, au développement ou au maintien d’un conflit relationnel persistant.

Comportements à privilégier chez un gestionnaire

  • Le refus de demeurer impuissant devant une situation impliquant une communication plus difficile et le courage d’établir un cadre et des limites.
  • L’évaluation de ses propres comportements et des impacts qu’ils peuvent aussi avoir sur ses employés.
  • L’identification des intentions et des besoins des employés qui sont sous-jacents à leurs comportements inadaptés.
  • La considération objective des impacts émotifs sur lui des comportements difficiles de certains employés.
  • La communication de ce qui est vrai et utile et l’implication des employés concernés dans une démarche de résolution en profondeur des irritants.
  • Le recul nécessaire pour réfléchir aux stratégies les plus appropriées et centrées sur les problèmes ou encore pour réclamer un soutien professionnel.
  • Le maintien du lien et la modélisation des comportements désirés.
  • Le soutien continu aux employés en difficulté et le suivi des progrès réalisés.

Faits saillants pour le gestionnaire des ressources humaines

  • La reconnaissance des dommages causés par les comportements inadaptés.
  • L’accompagnement et le soutien offert au gestionnaire dans le cadre d’une démarche de communication plus difficile.
  • La recommandation, au besoin, des mesures disciplinaires appropriées pour assurer le redressement permanent de comportements inadaptés.

Recommandations de lecture

L’entretien d’évaluation, par Jacques Teboul, Éditions Dunod

Comment négocier avec les gens difficiles, par William Ury, Éditions du Seuil

Travailler avec toi, c’est l’enfer!, par Katherine Crowley et Kathi Elster,Éditions Village Mondial

L’intelligence émotionnelle 2-Cultiver ses émotions pour s’épanouir dans son travail, par Daniel Goleman, Éditions Robert Laffont

Au sujet de l’auteur

Fernand Bélair, CRHA, LL.M., est consultant en gestion des conflits et médiateur. On peut le joindre par téléphone [418 682-1193] ou par courriel [fernand.belair@oricom.ca).


Fernand Bélair, CRHA Consultant en résolution de conflits Fernand Bélair

Fernand Bélair, CRHA, LL.M., possède un baccalauréat en relations industrielles et une maîtrise en prévention et règlement des différends. Il a consacré près de vingt-cinq ans à la gestion des ressources humaines au sein de grandes organisations fédérales. Depuis plus d’une quinzaine d’années, il intervient à titre de médiateur ou de consultant en résolution des conflits dans diverses organisations des secteurs privé et public. Il conseille également les gestionnaires supérieurs de ces organisations sur la conception de systèmes alternatifs de gestion des conflits. Monsieur Bélair a collaboré à la rédaction de l’ouvrage Psychologie de la négociation de Jean Poitras (psychologue et professeur à HEC Montréal), paru en 2007 aux Éditions Québécor.