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Refus d’embauche fondé sur les antécédents judiciaires

À l’occasion de l’embauche d’un employé, plusieurs renseignements lui sont demandés par l’employeur éventuel afin qu’il puisse déterminer si cette personne satisfait aux exigences du poste. Cet exposé traitera particulièrement du refus d’embauche qui serait fondé sur l’existence de déclarations de culpabilité à une infraction pénale ou criminelle. Une certaine protection est offerte au candidat dont la candidature est refusée au motif de l’article 18.2 de la Charte des droits et libertés de la personne[1] qui prévoit un régime particulier concernant une telle discrimination en emploi.

24 février 2015
France Rivard

Ainsi, cet article énonce ce qui suit :

18.2. Nul ne peut congédier, refuser d’embaucher ou autrement pénaliser dans le cadre de son emploi une personne du seul fait qu’elle a été déclarée coupable d’une infraction pénale ou criminelle, si cette infraction n’a aucun lien avec l’emploi ou si cette personne en a obtenu le pardon.

[Le gras est de la soussignée.]

Des décisions importantes rendues par la Cour suprême fournissent certaines balises en matière de refus d’embauche fondé sur des déclarations de culpabilité dont la personne a obtenu le pardon et en matière de congédiement fondé sur l’indisponibilité de la personne à fournir une prestation de travail en raison de sa condamnation à une peine d’emprisonnement.

Des décisions de la Cour suprême qui ont établi les principes encadrant l’application de l’article 18.2 de la Charte seront d’abord présentées, notamment quant à sa portée, au régime qu’il crée ainsi qu’au fardeau de preuve du candidat et de l’employeur. Puis, des décisions de la Cour d’appel, du Tribunal des droits de la personne et des arbitres de griefs illustrant des situations concrètes où ces principes ont trouvé écho seront exposées. La présentation des décisions mettra ensuite en lumière les conditions d’application qui figurent au libellé de l’article visé et qui sont les suivantes : 1) un congédiement, un refus d’embauche ou une pénalité quelconque, 2) la mesure a été décidée dans le contexte d’un emploi, 3) du seul fait qu’une personne ait été déclarée coupable d’une infraction pénale ou criminelle et 4) alors que cette infraction n’a aucun lien avec l’emploi ou la personne en a obtenu le pardon.

Il faut également noter que, puisqu’en matière de refus d’embauche, les exemples issus de la jurisprudence sont peu nombreux, des décisions mettant en cause un congédiement examiné à la lumière de l’article 18.2 serviront également d’exemples, car cette disposition vise à la fois le congédiement, le refus d’embauche ou toute pénalisation dans le contexte d’un emploi.


1. Therrien (Re), (C.S. Can., 2001-06-07), 2001 CSC 35, SOQUIJ AZ-50086978, J.E. 2001-1178, [2001] 2 R.C.S. 3

Principes
L’article 18.2 de la Charte ne s’applique pas conjointement à ses articles 10, 16 ou 20.

Les antécédents judiciaires, même pardonnés, ne font pas partie des motifs énumérés à l’article 10. Les juges majoritaires sont tous d’avis que l’article 18.2 n’interdit pas de questionner un candidat sur ses antécédents judiciaires.

L’interprétation de l’article 18.2 de la Charte doit être large et libérale tout en étant compatible avec son libellé et son objet, lesquels consistent à protéger l’employé contre les stigmates sociaux injustifiés découlant d’une condamnation antérieure.

Les conditions d’application à établir sont les suivantes : 1) un congédiement, un refus d’embauche ou une pénalité quelconque, 2) la mesure a été décidée dans le contexte d’un emploi, 3) du seul fait qu’une personne ait été déclarée coupable d’une infraction pénale ou criminelle et 4) alors que cette infraction n’a aucun lien avec l’emploi ou la personne en ayant obtenu le pardon.

Fardeau de la preuve
Une preuve détaillée et concrète du lien entre les antécédents judiciaires et l’emploi n’est pas requise dans les situations qualifiées de « poste sensible », étant donné qu’il existe de façon inhérente ou quasi automatique.

Condition d’application « emploi »
La fonction de juge ne constitue pas un emploi au sens de l’article 18.2 de la Charte.

Condition d’application « du seul fait de la déclaration de culpabilité à une infraction criminelle »
Les recommandations formulées par le Conseil de la magistrature[2] et la Cour d’appel[3] ne l’ont pas été « du seul fait que l’appelant a été déclaré coupable d’une infraction criminelle », mais exclusivement parce que celui-ci a omis de révéler ses antécédents judiciaires au comité de sélection. Ce critère n’est pas rempli, donc la protection qu’accorde l’article 18.2 ne s’applique pas.

Condition d’application « pardon » et discussion sur le droit de nier ses antécédents judiciaires
Le pardon obtenu par l’appelant conformément à la Loi sur le casier judiciaire[4] ne l’autorisait pas à nier son dossier judiciaire et à répondre négativement à la question portant sur ses « démêlés avec la justice » posée par le comité de sélection des personnes aptes à être nommées juges. Une analyse objective de cette Loi ne permet pas de soutenir que le pardon anéantit rétroactivement sa condamnation. Sans faire disparaître le passé, le pardon en efface les conséquences pour l’avenir.

Décision
En 1970, l’appelant a été condamné à un an d’emprisonnement pour avoir illégalement fourni une aide quelconque à quatre membres du Front de libération du Québec. De 1976 à 1996, il a pratiqué le droit et, en 1987, à sa demande, le gouverneur général en conseil lui a accordé un pardon en vertu de l’article 5 b) de la Loi sur le casier judiciaire. Il a soumis sa candidature à cinq concours visant l’obtention d’un poste de juge, à l’occasion desquels il a révélé ses condamnations antérieures et a mentionné qu’il avait fait l’objet d’un pardon. Sa candidature n’a pas été retenue à cause de ses antécédents judiciaires. Lors du dernier concours, à la question « Avez-vous eu des démêlées avec la justice? », il a omis de divulguer ses antécédents judiciaires ainsi que l’existence d’un pardon. En septembre 1996, il a été nommé juge à la Cour du Québec. À la fin d’octobre, la juge en chef adjointe de la Cour du Québec et présidente du comité de sélection ayant recommandé la candidature de l’appelant a appris que celui-ci avait eu des démêlés avec la justice, ce qui a entraîné une recommandation de la part du Conseil de la magistrature du Québec d’engager des procédures de destitution à l’endroit de l’appelant en présentant une requête en ce sens à la Cour d’appel.


2. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Maksteel Québec inc. (C.S. Can., 2003-11-14), 2003 CSC 68, SOQUIJ AZ-50206959, J.E. 2003-2125, D.T.E. 2003T-1124, [2003] 3 R.C.S. 228

Principes
La Cour suprême dit que la protection contre la discrimination fondée sur les antécédents judiciaires ne s’applique que dans le domaine de l’emploi et ne vise que les cas où les antécédents judiciaires constituent le seul motif justifiant la décision ou la mesure imposée.

L’article 18.2 de la Charte contient son propre régime de justification et, partant, échappe à l’application de l’article 20. Dans le contexte du mécanisme de justification autonome prévu à l’article 18.2, le volet « accommodement raisonnable », relativement à l’exigence professionnelle justifiée, n’a pas sa place.

Elle établit que si la personne a obtenu un pardon pour l’infraction commise, qu’il y ait ou non un lien entre celle-ci et l’emploi, la protection est absolue. De plus, s’il n’y a pas de lien entre l’antécédent judiciaire et l’emploi, la protection est également complète. Les aptitudes de l’employé ou son apport potentiel à l’entreprise ne sont pas pertinents.

Fardeau de la preuve
La Cour suprême souligne qu’en matière de discrimination, il appartient au demandeur d’établir une preuve prima facie de l’atteinte à un droit protégé. Dans le contexte de l’article 18.2 de la Charte, le demandeur doit établir qu’il a des antécédents judiciaires, qu’il a subi des représailles dans le contexte d’un emploi et que ces antécédents judiciaires ont été le motif réel ou la cause véritable de la mesure prise par l’employeur. À cela, s’ajoute la preuve qu’un pardon a été obtenu, le cas échéant.

Exiger de l’employé qu’il prouve que sa condamnation constitue l’unique cause pouvant être à l’origine du congédiement risquerait d’éroder le droit garanti à l’article 18.2. Il suffit donc que le plaignant établisse que le motif de discrimination invoqué est la cause véritable du congédiement. Quant à lui, l’employeur a le fardeau d’établir l’existence d’un lien objectif entre l’infraction commise et le poste occupé ou convoité.

En ce qui concerne la notion de « lien avec l’emploi », la détermination du lien est essentiellement contextuelle. Le degré de responsabilité associé au poste convoité et la nature particulière des activités d’un employeur peuvent être source d’exigences variables selon la Cour.

Décision
Il s’agit d’un congédiement motivé par l’incapacité du salarié de fournir sa prestation de travail en raison de sa indisponibilité parce qu’il avait été condamné à une peine d’incarcération. L’article 18.2 de la Charte ne protège pas contre le congédiement dont le motif réel est l’indisponibilité d’un employé en raison de son incarcération.

Dans la présente affaire, deux motifs étaient susceptibles d’être à l’origine du congédiement : l’existence des antécédents judiciaires ou l’indisponibilité en raison de l’incarcération. La Cour d’appel a conclu qu’il n’était pas possible de déduire de la connaissance qu’avait l’employeur que son employé était incarcéré que celui-ci avait été congédié uniquement en raison de sa déclaration de culpabilité. La Cour d’appel n’a pas commis d’erreur justifiant l’intervention de la Cour suprême.


3. Montréal (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), (C.S. Can., 2008-08-01), 2008 CSC 48, SOQUIJ AZ-50505405, J.E. 2008-1536, D.T.E. 2008T-632, [2008] 2 R.C.S. 698

Principe
La Cour suprême rappelle que le législateur a créé, par l’article 18.2 de la Charte, un régime particulier pour les stigmates associés aux déclarations de culpabilité. Il ne s’agit pas d’un régime qui pourrait être écarté par suite de l’application du régime plus général de l’article 20 de la Charte, qui permet à l’employeur de prétendre qu’un employé ne satisfait pas aux exigences professionnelles de l’emploi du fait de l’existence d’antécédents judiciaires même pardonnés. Elle réitère que l’employeur n’a aucune obligation d’accommodement à l’égard des antécédents judiciaires.

Condition d’application « dans le cadre d’un emploi »
La fonction de policier constitue un emploi au sens de l’article 18.2 de la Charte; une personne qui a obtenu un pardon relativement à une infraction criminelle et qui postule un emploi de policier bénéficie donc de la protection accordée par l’article 18.2.

Condition d’application « pardon »
La réhabilitation obtenue en vertu de la Loi sur le casier judiciaire et résultant du seul écoulement du temps depuis l’ordonnance d’absolution constitue un pardon visé à l’article 18.2 de la Charte. Le terme « pardon » vise tant le pardon accordé par prérogative royale en vertu du Code criminel (art. 748 C.Cr.[5]) que la réhabilitation prévue par la Loi sur le casier judiciaire.

Condition d’application « refus d’embauche du seul fait de la déclaration de culpabilité à une infraction pénale ou criminelle »

L’employeur peut prendre en considération le critère des « bonnes mœurs » prévu à la Loi sur la police [6] dans l’évaluation de la candidature d’un futur policier. La réhabilitation n’efface pas le passé. Un employeur est donc en droit de prendre en considération les faits qui ont entraîné la déclaration de culpabilité lorsqu’il évalue le candidat. Il peut établir qu’une candidature n’a pas été retenue ou qu’un employé a été congédié parce que l’intéressé n’avait pas de « bonnes mœurs ».

Décision
En 1991, la plaignante a plaidé coupable sous une accusation de vol portée par voie de déclaration sommaire et a reçu une ordonnance d’absolution conditionnelle en vertu de l’article 730 C.Cr. (alors l’art. 736 [1992]). En 1995, elle a soumis sa candidature à un poste de policière auprès du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal (SPCUM), mais sa demande a été rejetée parce qu’elle ne satisfaisait pas au critère des « bonnes mœurs » prescrit par la Loi de police[7] et le Règlement sur les normes d’embauche des agents et cadets de la Sûreté du Québec et des corps de police municipaux[8]. La plaignante a informé l’agent du personnel qu’elle avait fait l’objet d’une réhabilitation en vertu de l’article 6.1 de la Loi sur le casier judiciaire. Le SPCUM a maintenu sa décision.

Devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la plaignante a allégué que l’on avait refusé de l’embaucher du seul fait de la déclaration de culpabilité et malgré l’obtention d’un pardon, en violation de l’article 18.2 de la Charte. Le Tribunal des droits de la personne[9] a estimé que le SPCUM avait contrevenu à l’article 18.2 et a accordé des dommages moraux. La Cour d’appel a confirmé ce jugement[10]. Cette décision s’est rendue devant la Cour suprême, dont la décision a été majoritaire, avec dissidence.

La majorité composée de six juges a d’abord mentionné qu’il s’agit ici d’un refus d’embauche, mais que cette condition d’application ne fait pas l’objet du litige. Les moyens d’appel de l’appelante portent sur les trois autres conditions : 1) La fonction de policier au sein du SPCUM s’exerce-t-elle dans le contexte d’un emploi au sens de l’article 18.2 de la Charte? Oui. 2) La réhabilitation résultant du seul écoulement du temps est-elle un pardon au sens de l’article 18.2? Oui. 3) Le refus d’embauche est-il dû au seul fait des antécédents judiciaires de la plaignante? Non.

La Cour suprême, à la majorité, a décidé que le rejet de la candidature de la plaignante contrevenait à la Charte.


4. École nationale de police du Québec c. Robert (C.A., 2009-08-19), 2009 QCCA 1557, SOQUIJ AZ-50571955, J.E. 2009-1604, D.T.E. 2009T-624, [2009] R.J.Q. 2167

Condition d’application « dans le cadre de son emploi »
L’École nationale de police du Québec a rejeté la demande d’admission d’un postulant ayant fait l’objet de condamnations antérieures pour lesquelles il avait bénéficié d’une absolution conditionnelle et d’une réhabilitation. L’argument de l’École, selon lequel ce dernier ne peut bénéficier de la protection prévue à l’article 18.2 de la Charte au motif qu’il n’est pas pénalisé « dans le cadre de son emploi », n’est pas retenu.

Décision
La Cour d’appel a décidé que l’exclusivité de la formation donnée par l’École, le fait que l’accessibilité à un corps de police soit assujettie à l’acquisition du diplôme de l’École et la similarité des conditions d’admissibilité à l’École ainsi que des conditions minimales d’embauche créent un lien explicite, continu et nécessaire entre l’embauche et l’accès à la formation. La conséquence de cette situation est l’obligation d’interpréter les conditions d’entrée à l’École de la même manière que celles de l’emploi dans un corps de police.

Comme le postulant bénéficie de la protection accordée par l’article 18.2 de la Charte à la lumière de l’arrêt Montréal (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse[11], celui-ci ne pouvait être exclu de l’École au seul motif d’une déclaration de culpabilité puisque sa réhabilitation avait été acquise.


5. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Montréal (Communauté urbaine de) (Ville de Montréal), (T.D.P.Q., 2014-04-23), 2014 QCTDP 7, SOQUIJ AZ-51079750, 2014EXP-2108, 2014EXPT-1255, J.E. 2014-1190, D.T.E. 2014T-463

Principe : portée de l’article 18.2 de la Charte
L’article 18.2 de la Charte ne permet pas d’étendre sa protection à une simple accusation ni même à un acquittement.

Condition d’application « dans le cadre de son emploi »
Quant au stage d’observation et de sensibilisation en milieu policier, non rémunéré et faisant partie d’un cours du programme de techniques policières auquel le plaignant était inscrit, ce stage n’est pas considéré comme un « emploi » au sens de l’article 18.2 de la Charte.

Condition d’application « pardon »
Le mot « pardon » utilisé à l’article 18.2 de la Charte vise autant celui accordé par la prérogative royale en vertu de l’article 748 C.Cr. que la réhabilitation prévue par la Loi sur le casier judiciaire. La réhabilitation en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents[12] constitue également un pardon au sens de l’article 18.2.

Condition d’application « refus d’embauche du seul fait de la déclaration de culpabilité à une infraction pénale ou criminelle »
Conformément aux enseignements de la Cour suprême dans Montréal (Ville), précitée, le Tribunal des droits de la personne a décidé que l’employeur pouvait, en application de la Loi de police et du règlement sur les normes d’embauche, refuser d’embaucher un candidat n’ayant pas de bonnes mœurs.

Décision
Le plaignant a des antécédents judiciaires juvéniles. Il a été condamné pour voies de fait et port d’armes. Il a postulé un emploi de cadet policier au SPCUM. Sa candidature a été rejetée. Sa demande de stage ultérieure l’a également été en raison de son passé judiciaire et parce qu’il n’a pas été considéré comme ayant de bonnes mœurs au sens du règlement sur les normes d’embauche. Après avoir fait détruire les dossiers juvéniles détenus par la SPCUM, le plaignant a de nouveau postulé le poste de cadet policier et a demandé un stage. Ces deux demandes ont été rejetées pour le même motif.

Quant aux bonnes mœurs que doit avoir un policier, le Tribunal des droits de la personne a fait la distinction entre la déclaration de culpabilité, effacée par le pardon et visée par l’article 18.2 de la Charte, et les faits ayant entraîné cette déclaration de culpabilité, qui subsistent après le pardon et échappent au champ d’application de cet article.

L’article 18.2 n’impose pas à un employeur d’engager une personne dont les agissements criminels passés révèlent des traits de caractère incompatibles avec l’emploi recherché, même si elle a obtenu un pardon. Toutefois, ces traits de caractère doivent transparaître des actes commis par cette personne et ne pas lui être simplement imputés sur la base de préjugés ou de stéréotypes découlant de la présence d’un casier judiciaire. Par contre, pour respecter l’article 18.2, un employeur ne peut inférer qu’un candidat n’a pas de bonnes mœurs de la seule existence d’antécédents judiciaires ayant fait l’objet d’un pardon.


6. Fédération des caisses Desjardins du Québec et Syndicat des employées et employés professionnels et de bureau, section locale 575 (SEPB-CTC-FTQ), (T.A., 2012-09-28), SOQUIJ AZ-50940767, 2013EXPT-689, D.T.E. 2013T-247, [2013] R.J.D.T. 661

Condition d’application « déclaration de culpabilité à une infraction pénale ou criminelle »
Le Tribunal des droits de la personne a interprété l’article 18.2 de la Charte comme ne permettant pas d’étendre sa protection à une simple accusation ni même à un acquittement. À plus forte raison, l’article 18.2 ne s’applique pas à la décision d’une instance administrative, tel le Bureau de décision et de révision, lorsque celle-ci rend des ordonnances ne constituant pas une déclaration de culpabilité d’une infraction pénale ou criminelle au sens de la Charte.

Condition d’application « lien avec l’emploi »
Les décisions du Bureau de décision et de révision demandées par l’Autorité des marchés financiers ont des liens avec le travail de conseiller à la clientèle au service d’un établissement financier que le plaignant exécutait.

Décision
Le plaignant a omis de divulguer, au moment de son embauche, qu’il avait été visé par une ordonnance du Bureau de décision et de révision demandée par l’Autorité des marchés financiers. Le plaignant ne peut bénéficier de la protection qu’accorde l’article 18.2 de la Charte puisqu’il n’a pas commis d’infraction pénale ou criminelle.


7. Lévesque et Québec (Ministère de la Justice), (C.F.P., 2012-08-24), 2012 QCCFP 37, SOQUIJ AZ-50891231, 2012EXP-3344, 2012EXPT-1884, D.T.E. 2012T-638

Condition d’application « lien avec l’emploi »
Le congédiement imposé au directeur d’un palais de justice à la suite de la déclaration de sa culpabilité sous des chefs d’agression sexuelle à l’endroit d’un enfant âgé de moins de 16 ans est confirmé même s’il a invoqué la protection prévue à l’article 18.2 de la Charte.

Décision
La Commission a rappelé que l’employeur doit démontrer que « la mesure imposée a une justification réelle et raisonnable ». Le critère d’un lien objectif, réel et raisonnable doit donc s’appliquer. En outre, la détermination de ce lien est contextuelle. Il faut tenir compte de la nature des activités d’un tel lieu, du degré des responsabilités du plaignant et des liens étroits que celui-ci doit entretenir avec les partenaires du ministère de la Justice ainsi qu’avec sa clientèle; un lien entre les déclarations de culpabilité et son emploi a été établi.


8. Syndicat québécois des employées et employés de service, section locale 298 et Oasis St-Damien inc. (T.A., 2012-09-05), SOQUIJ AZ-50892597, 2012EXP-3498, 2012EXPT-1984, D.T.E. 2012T-684, [2012] R.J.D.T. 1201

Condition d’application « lien avec l’emploi »
La salariée — une préposée aux bénéficiaires dans une résidence pour personnes âgées — ne peut bénéficier de la protection prévue à l’article 18.2 de la Charte pour faire annuler son congédiement imposé en raison de l’existence d’antécédents judiciaires de vol et de fraude; les infractions commises ont un lien avec l’emploi. Le congédiement est confirmé.

Décision
L’arbitre de griefs a été d’avis qu’il fallait tenir compte du contexte entourant la commission de l’infraction criminelle et ne pas se limiter au caractère générique de cette dernière. Il a conclu que la plaignante ne pouvait bénéficier de la protection qu’accorde l’article 18.2 de la Charte pour faire annuler son congédiement, car les infractions commises avaient un lien avec l’emploi en raison de la mission de l’entreprise, de la nature du poste et de la vulnérabilité de la clientèle. Or, la nature des infractions commises est reliée à cette valeur. Tout accommodement est exclu.


9. CSSS Drummond et Syndicat de la santé et des services sociaux Drummond – CSN (T.A., 2010-09-23), SOQUIJ AZ-50682258, 2010EXP-3586, 2010EXPT-2381, D.T.E. 2010T-722, A.A.S. 2010A-76

Condition d’application « lien avec l’emploi »
Un préposé à l’entretien ménager dans une résidence pour personnes âgées ne peut bénéficier de la protection accordée par l’article 18.2 de la Charte, étant donné le lien suffisant qui existe entre ses antécédents judiciaires de trafic de drogue, d’incendie criminel, d’introduction par effraction ainsi que d’extorsion et le poste occupé.

Décision
Le plaignant a fait une fausse déclaration à l’embauche en affirmant ne posséder aucun dossier judiciaire. Comme il avait omis d’indiquer son prénom complet, la recherche d’antécédents judiciaires effectuée auprès de la Sûreté du Québec n’a pas donné de résultat positif. Le plaignant a été congédié pour avoir délibérément trompé l’employeur quant à une question essentielle à son embauche et à cause de ses antécédents judiciaires.

Même si le plaignant n’était pas affecté aux soins, il travaillait dans une résidence pour personnes âgées sans supervision, souvent le soir, la nuit ou pendant les fins de semaine. Dans l’exercice de ses fonctions, il devait circuler partout dans l’établissement, dont il possédait les clés, les cartes magnétiques et les passe-partout.


10. Autobus Transbell inc. et Syndicat des salariées et salariés de Transbell (CSN), (T.A., 2009-03-03), SOQUIJ AZ-50547251, D.T.E. 2009T-377, [2009] R.J.D.T. 699

Condition d’application « lien avec l’emploi »
Le congédiement d’un chauffeur d’autobus scolaire dont le dossier judiciaire indiquait des infractions de possession de drogues en vue d’en faire le trafic et d’incitation à la sexualité à l’égard d’une mineure commises il y a plus de 30 ans est confirmé, car le lien entre les infractions et la fonction est établi, et le plaignant n’a plus la capacité juridique pour maintenir son emploi. L’absence d’antécédents judiciaires liés aux fonctions exercées auprès des jeunes est une condition d’emploi selon les nouvelles dispositions de la Loi sur l’instruction publique[13].

Décision
L’employeur a signé avec une commission scolaire un contrat de transport prévoyant le dévoilement des antécédents judiciaires conformément aux nouvelles dispositions de la Loi sur l’instruction publique. Lorsqu’il a appris les antécédents judiciaires du plaignant, l’employeur a congédié celui-ci avant même de transmettre l’information à la commission scolaire.

L’arbitre de griefs a cité la doctrine selon laquelle les nouvelles dispositions de la Loi ne viennent pas limiter le droit de l’employeur d’imposer un congédiement fondé sur une perte de confiance irrémédiable, peu importe que cette faute ait mené ou non à une déclaration de culpabilité.

L’arbitre a également mentionné que, bien qu’un chauffeur d’autobus ait sur les élèves une autorité moindre qu’un enseignant et qu’il n’ait pas le même degré de responsabilité, le lien avec la fonction existe. De plus, la réputation de l’employeur peut être entachée.


11. Commission scolaire crie c. Flynn (C.S., 2009-09-02), 2009 QCCS 4359, SOQUIJ AZ-50577117, J.E. 2009-1909, D.T.E. 2009T-743, [2009] R.J.D.T. 1141; requête pour permission d’appeler rejetée (C.A., 2009-10-30), 2009 QCCA 2088, SOQUIJ AZ-50581932

Condition d’application « lien avec l’emploi »
L’employeur était fondé à résilier le contrat d’engagement d’une enseignante en coiffure ayant omis de révéler ses antécédents judiciaires de consommation et de trafic de drogues dans le formulaire préembauche, car ces infractions ont un lien avec l’emploi.

Décision
L’arbitre de griefs qui a décidé du grief contestant le congédiement de l’enseignante a rendu une décision déraisonnable en ne se prononçant pas sur l’application de l’article 18.2 de la Charte. La Loi sur l’instruction publique prévoit expressément que les personnes qui travaillent auprès d’élèves mineurs ne doivent pas avoir d’antécédents judiciaires liés à leur emploi. Dans la présente affaire, ce lien est évident puisqu’il est de notoriété publique qu’il se fait du trafic de stupéfiants dans les écoles.


12. Commission scolaire crie c. Association de l’enseignement du Nouveau-Québec (CSQ), (C.A., 2009-03-12), 2009 QCCA 466, SOQUIJ AZ-50544820, J.E. 2009-653, D.T.E. 2009T-255; la Cour d’appel a rejeté la requête pour permission d’appeler - Commission scolaire crie c. Rondeau (C.S., 2009-01-20), 2009 QCCS 992, SOQUIJ AZ-50544766, D.T.E. 2009T-242, [2009] R.J.D.T. 75

Condition d’application « lien avec l’emploi »
Il était légitime de conclure que la nature des antécédents judiciaires du plaignant — un concierge et chauffeur dans une école primaire — n’étaient pas liée à son emploi; même si le secteur de l’éducation est particulièrement « sensible », la distinction qui a été faite entre son poste et celui d’enseignant est raisonnable et rationnelle.

Décision
Le plaignant a posé sa candidature à un poste de conducteur de véhicules légers et de concierge dans une école primaire. Dans le formulaire de demande d’emploi, il a répondu négativement à la question : « Avez-vous déjà été déclaré coupable d’une infraction pénale ou criminelle ayant un lien avec l’emploi [...]? » L’employeur l’a congédié aux motifs qu’il avait des antécédents judiciaires liés à son emploi et qu’il avait fait une fausse déclaration lors de son embauche.

L’arbitre de griefs[14], la Cour supérieure et la Cour d’appel ont reconnu l’existence du lien avec l’emploi. La Cour d’appel a ajouté un commentaire relatif à la fausse déclaration invoquée contre le plaignant à titre de motif de congédiement afin de distinguer la présente affaire de certains motifs donnés par la Cour d’appel dans Commission scolaire de Montréal c. Alliance des professeures et professeurs de Montréal[15].


13. Commission scolaire de Montréal c. Alliance des professeures et professeurs de Montréal (C.A., 2008-05-29), 2008 QCCA 995, SOQUIJ AZ-50494609, J.E. 2008-1224, D.T.E. 2008T-499; requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2008-12-04), 32763; fixation d’une indemnité (T.A., 2010-07-05), 2010-4832, SOQUIJ AZ-50656240, 2010EXPT-2233, D.T.E. 2010T-673

Condition d’application « lien avec l’emploi »
Une commission scolaire a congédié un enseignant après avoir appris que ce dernier avait été condamné pour homicide involontaire, ce qu’il n’avait pas révélé au moment de son embauche; la sentence arbitrale[16] ayant conclu à l’absence de lien entre le délit et le travail effectué à l’éducation aux adultes et ayant annulé la mesure n’est pas déraisonnable.

Décision
Le plaignant a rempli un formulaire d’embauche auprès de l’employeur, une commission scolaire. Il a alors affirmé qu’il n’avait jamais été condamné pour avoir commis une infraction reliée à la violence. Il a été engagé afin d’enseigner l’électricité de construction à une clientèle adulte. Après avoir appris qu’il avait été déclaré coupable de l’homicide involontaire de son épouse 13 ans plus tôt, le représentant de l’employeur a immédiatement avisé l’école de ne plus engager le plaignant.

L’arbitre de griefs a estimé que son antécédent judiciaire n’avait pas de lien avec l’emploi. La Cour supérieure a refusé d’intervenir[17].

Le juge de la Cour d’appel a confirmé la décision de la Cour supérieure et de l’arbitre de griefs. Il a rappelé que l’arbitr


France Rivard