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Clause de préavis de fin d’emploi dans un contrat d’emploi

Il est de pratique répandue d’inclure dans un contrat d’emploi une clause prévoyant l’indemnité à laquelle un salarié aura droit advenant un congédiement sans cause juste et suffisante. Un récent arrêt de la Cour d’appel[1] suggère que l’employeur a tout à perdre et rien à gagner avec cette pratique.

12 mai 2015
Marie-Hélène Jolicoeur

Rappelons que l’article 2092 du Code civil du Québec stipule qu’un salarié congédié ne peut renoncer à l’indemnité à laquelle il a droit lorsque son délai de congé ou l’indemnité pour en tenir lieu sont insuffisants. Ainsi, même si des parties s’entendent par écrit dans un contrat d’emploi au versement d’une indemnité de fin d’emploi déterminée à titre de préavis de fin d’emploi, un tribunal pourrait accorder à un salarié qui en ferait la demande une indemnité de fin d’emploi plus avantageuse. Une telle indemnité est déterminée en fonction de différents critères tels l’âge, les fonctions occupées, les circonstances de l’embauche, les années de service, etc.

Par ailleurs, une autre disposition du Code civil du Québec prévoit qu’une victime qui souhaiterait obtenir réparation d’un préjudice qu’elle allègue avoir subi a l’obligation de réduire au maximum ses dommages (article 1479 du Code civil du Québec). Une telle obligation s’applique en droit du travail et se traduit généralement par l’obligation d’un salarié congédié de déployer des efforts raisonnables afin de se retrouver un emploi durant la période de préavis raisonnable. L’obligation d’un salarié de mitiger ses dommages vise à diminuer le préjudice qu’il pourrait subir par la perte de son emploi. Ainsi, si un salarié satisfait à cette obligation et qu’il retrouve un emploi durant la période de préavis raisonnable, l’indemnité de fin d’emploi peut être réduite par les revenus gagnés grâce à ce nouvel emploi.

Dans un arrêt récent de la Cour d’appel, ces principes ont été rappelés par la majorité des juges appelés à se prononcer dans un recours pour congédiement abusif. Dans l’affaire Structures Lamerain inc. c. Meloche[2], la Cour d’appel a confirmé en partie un jugement de première instance ayant condamné des entreprises à verser à deux salariés congédiés une indemnité de préavis de fin d’emploi équivalant à dix-huit (18) mois de salaire et une indemnité pour perte de l’utilisation d’un véhicule. La Cour d’appel a également condamné ces mêmes entreprises et leurs administrateurs à payer personnellement des dommages moraux s’élevant à 25 000 $ à chacun des salariés congédiés.

La Cour d’appel a apporté certaines précisions quant à l’obligation d’un salarié de mitiger ses dommages alors qu’une clause à son contrat d’emploi établit l’indemnité de fin d’emploi qui lui serait versée dans l’éventualité d’une fin d’emploi.

Résumé des faits
Les intimés travaillaient au sein d’une entreprise familiale œuvrant dans la fabrication de structure d’acier, et ce, depuis plusieurs années. Ils étaient actionnaires et administrateurs de cette entreprise jusqu’à la vente, en raison de difficultés financières, de 80 % de leurs actions à une autre entreprise fabriquant également des structures d’acier.

Le protocole d’entente conclu avec l’entreprise acquéreuse prévoyait notamment que les intimés demeureraient liés par un contrat d’emploi à durée indéterminée avec un salaire brut de 85 000 $ et la possibilité de toucher un boni annuel de l’ordre de 30 000 $ établi en fonction des bénéfices nets de l’entreprise. En cas de congédiement sans cause juste, le protocole d’entente prévoyait que les intimés auraient droit à une indemnité équivalente à douze (12) mois de salaire en plus du rachat de 20 % des actions qu’ils conservaient dans l’entreprise.

À la date de signature de la convention de vente d’actions et des contrats d’emploi des intimés, ceux-ci ont été avisés qu’ils étaient congédiés. À cette date, les serrures de leurs bureaux avaient déjà été changées, et les autres salariés avaient aussi été informés de leur congédiement.

Le juge de première instance a conclu à un congédiement abusif et a condamné les appelants à verser aux intimés une indemnité de fin d’emploi équivalant à un préavis de dix-huit (18) mois avec boni et une indemnité pour la perte de l’utilisation d’un véhicule, en plus de dommages moraux. Le juge de première instance n’a pas déduit de l’indemnité de préavis les revenus gagnés par les intimés durant les douze (12) premiers mois du délai de congé.

Les questions en litige
Les questions en litige devant la Cour d’appel étaient multiples. Aux fins du présent article, voici les questions soumises à la Cour d’appel sur lesquelles nous désirons attirer votre attention :

  1. Le juge de première instance a-t-il erré en écartant la clause de délai de congé équivalant à douze (12) mois de salaire alors que les intimés n’ont pas requis sa nullité?
  2. Le juge de première instance a-t-il erré en écartant la clause prévoyant un délai de congé de douze (12) mois de salaire au profit d’un délai de congé de dix-huit (18) mois, sans toutefois déduire l’ensemble des revenus d’emploi gagnés pendant la période du délai de congé?

L’obligation de réduire au maximum ses dommages
Quant à la première question, la Cour d’appel était d’avis que le juge pouvait réviser à la hausse le délai de congé prévu aux contrats d’emploi sans qu’il soit nécessaire de déclarer nulles les clauses d’indemnité de fin d’emploi. De fait, la Cour d’appel a estimé qu’en vertu des dispositions 2091 et 2092 du Code civil du Québec, le salarié a toujours droit à un préavis raisonnable. La Cour d’appel a rappelé que l’article 2091 du Code civil prévoit la résiliation unilatérale du contrat d’emploi moyennant un préavis raisonnable. L’article 2092 du Code civil du Québec prévoit, pour sa part, qu’un salarié ne peut renoncer à l’indemnité à laquelle il a droit lorsque ce préavis est insuffisant.

Quant à la deuxième question, la Cour d’appel a mentionné que « la jurisprudence reconnaît que l’obligation de mitigation des dommages commande généralement de soustraire les gains réalisés durant la période du délai de congé du montant de l’indemnité de départ à laquelle le salarié a droit »[3]. La Cour d’appel a toutefois indiqué qu’il existe une exception à cette règle dans le cas où les parties ont établi elles-mêmes une sorte de norme minimale contractuelle. Dans un tel cas, un salarié ne serait tenu à une obligation de mitiger ses dommages que pour la période excédant la durée de préavis prévue au contrat d’emploi pour équivaloir au délai de congé raisonnable auquel il aurait eu droit en vertu de la loi.

Conclusion
Ainsi, la Cour d’appel a considéré que les appelants ont renoncé à réclamer la mitigation des dommages pendant la période de douze (12) mois prévue au contrat d’emploi de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’en déduire les montants gagnés ailleurs. La Cour d’appel a refusé d’intervenir pour modifier la conclusion du juge de première instance sur ces questions. Par conséquent, seuls les revenus gagnés au cours de la période de six (6) mois suivant les douze (12) premiers mois de préavis pouvaient être déduits des indemnités reçues.

En conclusion, il peut être judicieux d’évaluer la nécessité d’inclure ou non une clause prévoyant le montant du préavis à verser dans le cas d’une fin d’emploi dans un contrat d’emploi à durée indéterminée. D’une part, prévoir une telle clause a comme conséquence que le salarié se voit libéré de son obligation de mitiger ses dommages pour la durée qui y est déterminée. Ensuite, la durée du préavis fixée contractuellement pourrait très bien être bonifiée par un tribunal en application des articles 2091 et 2092 du Code civil du Québec.

Source : VigieRT, mai 2015.


1 Structures Lamerain inc. c. Meloche, 2015 QCCA 476.
2 Ibid.
3 Id., note 1, paragraphe 46.

Marie-Hélène Jolicoeur