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Au croisement d’un dossier disciplinaire et d’un dossier d’accident du travail

Dans un monde idéal, la gestion d’un accident du travail, de sa survenue à sa conclusion, se déroule sans anicroche. Toutefois, il arrive que les gestionnaires en ressources humaines doivent intervenir à l’égard d’un autre volet de leur compétence, en complément au processus de gestion de la santé et de la sécurité. En effet, que faire lorsqu’un employé blessé, mais présent au travail (que ce soit dans le cadre d’un retour progressif dans son emploi prélésionnel ou d’une affectation temporaire à des tâches autorisées par le médecin traitant), contrevient aux politiques de l’entreprise? Chose certaine, il est impératif d’agir de la même façon à l’endroit de cet employé qu’à l’égard des autres membres du personnel, tout en prenant en considération le contexte de l’incident suscitant l’intervention.

2 décembre 2015
Valérie Gauthier, CRIA

D’abord, lorsque l’organisation est syndiquée et que les conditions de travail sont régies par une convention collective, les mesures disciplinaires doivent être imposées dans le respect de cette dernière. Puis, en tout temps, le principe de la gradation des sanctions doit être pris en compte. La mesure doit donc être proportionnelle à la nature et à la gravité de l’offense commise, tout en étant conséquente avec l’état du dossier disciplinaire du fautif. Le professionnel en ressources humaines doit également s’en remettre à sa jurisprudence interne, et ce, par souci d’équité et de cohérence. Bref, la mesure disciplinaire doit être imposée sans égard au fait que l’employé soit blessé.

Par contre, il peut être judicieux de prendre quelques précautions afin d’éviter que la gestion du dossier disciplinaire du salarié ait une incidence négative sur le déroulement de son dossier d’accident du travail; tel que la gestion de l’absentéisme, non-respect des politiques de l’entreprise, etc. En effet, lorsqu’un salarié est blessé, il est protégé par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), de même que par la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST). Ces lois comportent des articles auxquels les employeurs ne doivent pas contrevenir et protègent les droits des travailleurs accidentés, notamment l’article 32 de la LAMTP[1] qui prévoit que :

« 32. L'employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la présente loi[1]. »

Ainsi, avant d’imposer sa mesure disciplinaire, l’employeur doit s’assurer, notamment lors de sa collecte de renseignements auprès des gestionnaires de premier niveau (il est recommandé de faire preuve de diligence et donc, de faire enquête avant d’imposer une mesure disciplinaire, et ce, peu importe le contexte), que la mesure est bel et bien fondée et qu’il ne s’agit pas d’un moyen subversif de pénaliser l’employé blessé. En cas de plainte en vertu de cet article, l’employeur doit savoir que le fardeau de la preuve lui appartient, soit qu’il devra démontrer la pertinence, la justesse et la nécessité de la mesure, car il y aura présomption que la mesure où la sanction a été imposée à cause de l’exercice d’un droit prévu par la loi.

Peu importe les politiques internes de l’entreprise en matière d’intervention de nature disciplinaire, il est préférable, lorsqu’un dossier combine santé et sécurité et relations du travail, que le gestionnaire des ressources humaines travaille de concert avec le gestionnaire de premier niveau, à partir de l’étape de l’enquête, jusqu’au choix de la mesure disciplinaire et jusqu’à la rédaction de la lettre et à sa remise en mains propres au salarié fautif. Pour ce dernier, ces étapes semblent alourdir le traitement du dossier, mais elles s’avèrent néanmoins essentielles afin que les intervenants soient sur la même longueur d’onde en ce qui a trait à la stratégie à adopter et ainsi éviter un faux pas (que les émotions s’en mêlent lors de la rencontre avec l’employé, par exemple). De plus, lorsque l’entreprise est syndiquée, il convient d’informer le délégué syndical de la situation, voire de lui demander d’être présent au moment de la communication de la mesure disciplinaire au salarié.

Par ailleurs, lorsque surviennent des incidents de nature disciplinaire, ou que les relations du travail s’enveniment entre l’employeur et l’employé blessé, il est essentiel que le responsable du dossier auprès de la CSST en soit informé. En effet, cela peut modifier son plan d’intervention, notamment en choisissant de s’adjoindre un conseiller en réadaptation afin de favoriser la bonne continuité du dossier ou en planifiant des rencontres entre l’employeur et l’employé.

Lorsque la nature de l’incident et le contenu du dossier disciplinaire du salarié font en sorte que la mesure choisie consiste en une suspension, voire un congédiement, cela n’annule en aucun cas le dossier d’accident du travail en cours. Celui-ci demeure, malgré la rupture du lien d’emploi. C’est pourquoi il peut être approprié de s’en remettre aux personnes compétentes (un avocat spécialiste en droit du travail, par exemple) avant de procéder, et ce, afin de s’assurer d’un dossier solide advenant un recours du salarié en vertu des lois susmentionnées.

Finalement, dans le cadre de mesures disciplinaires, en contexte d’accident du travail ou non, le responsable des ressources humaines doit tenir compte des autres textes de lois protégeant le travailleur, outre ceux mentionnés précédemment, ainsi que des dispositions de la convention collective (le cas échéant), afin d’éviter de devoir se justifier devant les instances juridiques ou administratives compétentes.

Source : VigieRT, décembre 2015.


1 http://soquij.qc.ca/fr/ressources-pour-tous/articles/la-plainte-en-vertu-de-l-article-32-latmp-et-la-competence-de-la-clp page consultée le 12 novembre 2015

Valérie Gauthier, CRIA