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La médiation dans le monde des relations du travail

Même si ce n’est qu’en 1980 que le ministère du Travail a créé son Service de la médiation préventive, aujourd’hui appelé Direction de la prévention et des partenariats, il demeure que l’intervention en médiation était déjà utilisée par les professionnels de ce Ministère comme moyen pour résoudre des conflits se produisant dans le monde du travail.
14 novembre 2018
Yvan Saintonge

La médiation, une intervention à la mode

Avec le temps, la médiation a pris différentes formes telle la médiation offerte aux policiers et aux pompiers (art. 94 du Code du travail), celles qui sont prévues dans le secteur de la construction (art. 43.4 de la Loi c.R-20) ou dans le milieu artistique (art. 31 de la Loi c.S-32.1), la médiation-arbitrage dans les secteurs public et parapublic, etc. On entend parler aussi des cas où le ministre du Travail nomme un médiateur pour dénouer l’impasse dans un conflit particulier. Dans ce dernier cas, l’acte de nomination pourra préciser le mandat donné, à savoir rencontrer les parties, discuter avec elles et rédiger ou non une recommandation susceptible de mettre fin au conflit. Et toutes ces médiations s’apparentent plus à une conciliation, qui est justement l’intervention d’un tiers dans le cadre de la négociation ou du renouvellement de la convention collective

La médiation, objet de cet article

Dans le présent article, nous parlerons de la médiation qui intervient préférablement durant la vie de la convention collective, comme la médiation pré-arbitrale des griefs ou la médiation préventive. On vise l’intervention d’un tiers neutre, sensibilisé aux problèmes du milieu, demandé conjointement par les parties pour les  aider à  trouver des solutions aux problèmes qu’elles affrontent, ces dernières conservant le privilège de la décision finale sur  les solutions à mettre en œuvre à la fin de la médiation.

Et  après plus de trente années de pratique dans le milieu des relations du travail, nous avons la conviction que cette « définition » contient les éléments communs aux diverses interventions de médiation utilisées par les spécialistes du domaine. Ces intervenants ont pour objectif d’aider les parties à améliorer leur comportement  de façon à ce qu’elles puissent elles-mêmes résoudre les problèmes rencontrés dans leurs rapports quotidiens.

Et aujourd’hui, c’est ce type d’intervention médiatrice très utilisée qui contribue à améliorer les rapports entre les parties dans tous les milieux où on l’utilise. Pensons à la médiation familiale, la médiation devant les cours de justice et régies du Québec, la médiation dans les divers secteurs commerciaux, etc.

Caractéristiques de la médiation

  1. Un tiers aidant neutre. L’intervenant devra avoir la confiance des parties s’il veut comprendre les vrais enjeux du litige. Chaque partie doit être transparente dans ses échanges avec lui. Il doit connaître leurs intérêts réciproques, sensibiliser les deux parties à ces intérêts et les faire cheminer vers des solutions acceptables pour les deux. Il pourra utiliser des stratégies communes aux tiers intervenants (conciliateur, facilitateur, animateur, etc.) pour les faire progresser vers le compromis susceptible de les satisfaire. Aussi, on ne doit pas oublier la possibilité pour le médiateur de mettre fin à son intervention si les conditions de réussite ne sont pas ou plus présentes.
  2. Exercice volontaire pour les deux parties. C’est la grande particularité de ce type d’intervention : il faut l’accord des deux parties pour entamer et continuer la démarche. Chacune des parties a librement accepté l’exercice et, en tout temps, chacune pourra y mettre fin de façon unilatérale. Cela implique que chacune des parties doit déployer les efforts nécessaires pour solutionner les problèmes, sinon l’autre pourra être tentée de mettre fin à l’intervention. Par ailleurs, le respect des règles de fonctionnement convenues entre les parties revêt toute son importance, une partie pouvant avoir donné son accord à la médiation conditionnellement au respect de ces règles.
  3. Les deux parties doivent accepter la solution pour qu’elle soit effective. Cette autre caractéristique est à l’origine de la popularité grandissante de la médiation dans tous les secteurs d’activité. Contrairement à l’arbitrage où un tiers impose sa solution, lors d’une médiation, les deux parties ont fait consensus sur une solution qu’elles ont discutée et perçue comme respectant leurs intérêts respectifs et par le fait même acceptable pour leurs mandants. En s’appropriant la solution, les deux parties accepteront plus facilement ses conséquences et seront plus portées à la défendre, ce qui favorisera de meilleures relations du travail.

Conditions de réussite

Le succès de l’intervention dépendant du degré de confiance établi entre les parties, voici une énumération de quelques-unes des conditions susceptibles de favoriser une bonne communication entre elles et de bâtir par le fait même cette confiance.

  1. Avant la médiation
    • Les deux parties doivent se donner un signal clair de l’engagement de leur mandant respectif en faveur de la démarche de médiation. En faire un constat écrit.
    • Il y a lieu de bien choisir les participants à l’exercice :
      • personnes des divers milieux concernés;
      • personnes ouvertes aux nouvelles idées;
      • personnes capables de vendre les engagements qui seront pris;
      • personnes les plus près des problèmes à discuter.
    • Se donner des règles simples et efficaces de fonctionnement.
    • S’assurer que les parties ne sont pas pressées par le temps.
  2. Pendant la médiation
    • Échanger toute l’information nécessaire.
    • Être doux avec les personnes, « dur » sur le contenu.
    • Distinguer les personnes des problèmes et ne s’attaquer qu’à ces derniers.
    • Parler à la première personne, car le « tu » place l’autre sur la défensive.
    • Faire l’effort de comprendre, sinon questionner pour bien comprendre.
    • Ne pas hésiter à reformuler son opinion ou sa compréhension.
    • Aller au-delà des préjugés.
    • Pratiquer l’écoute active.
    • Commencer par les problèmes faciles et susceptibles de faire consensus.
    • Faire confiance au médiateur et à son processus.
  3. après la médiation
    • Former un comité de suivi.
    • Établir un plan pour la mise en œuvre des engagements pris.
    • Évaluer ensemble la médiation.

Voilà donc un bref aperçu de la médiation, destiné aux nouveaux venus dans le domaine des relations du travail. Nous espérons que cette intervention contribuera à faire de vous un adepte et un utilisateur de la médiation dans les milieux de travail où vous serez appelé à pratiquer. C’est l’approche médiatrice des relations du travail qui permettra aux parties patronale et syndicale de faire face à la mondialisation, les deux parties pouvant se reconnaître des intérêts communs en vue de la survie de nos entreprises au Québec.


Yvan Saintonge