Vous lisez : Stratégie de rémunération – Garder le cap dans le brouillard économique

Le contexte économique actuel est comparable au brouillard. Tel un marin, on sait quand on y pénètre, mais on ignore sa densité et le temps requis pour le traverser. Il faut utiliser une bonne boussole, éviter les récifs et garder le cap pour se rendre à bon port. Pour plusieurs employeurs, le moment est venu d’adopter de nouvelles stratégies de gestion financière tout en fidélisant les employés talentueux dont les services seront requis au moment de la reprise.

La rémunération, un outil à double tranchant

Dans un tel contexte, les deux fonctions de la rémunération deviennent plus évidentes. D’une part, gérée de façon stratégique, elle devient un levier important d’attraction, de fidélisation et de mobilisation. D’autre part, elle représente un outil majeur du contrôle des coûts fixes pour la majorité des employeurs. On pourrait donc penser que, pour réussir à attirer, fidéliser et mobiliser les employés, il faut perdre du terrain sur le plan financier et vice versa. On pourrait aussi croire avec raison qu’un positionnement à mi-chemin, qui consisterait à accorder à tous les employés de faibles augmentations de salaire générant de modestes économies et contribuant peu à la capacité d’attraction, de fidélisation et de mobilisation, entraînerait une perte sur les deux plans.

Quel parcours tracer?

La stratégie de rémunération optimale pour une entreprise est celle qui tient compte de ses caractéristiques propres ainsi que de ses environnements interne et externe qui seront déterminés en répondant aux questions suivantes :

  • Quelles sont les exigences de notre modèle d’affaires en matière de recrutement, de fidélisation et de mobilisation des employés talentueux?
  • Quelle promesse (employee value proposition) voulons-nous tenir envers nos employés?
  • Tous les emplois et tous nos employés ont-ils la même valeur stratégique?
  • Quelles étaient les caractéristiques de notre marché des talents avant la présente situation économique et qu’est-ce qui a changé depuis?
  • Quel était notre positionnement sur ce marché? Que voulons-nous qu’il soit lorsque l’activité économique reprendra?

La stratégie émanant d’une telle réflexion correspondra davantage au modèle d’affaires de l’entreprise, à sa capacité financière et au positionnement recherché sur les marchés d’emploi qui l’intéressent.

Stratégies en temps de brouillard

Conserver les effectifs talentueux et assurer une gestion intelligente des coûts de main-d’œuvre sont des finalités universelles dans le contexte actuel. On les atteindra plus en suivant une démarche où les stratégies de rémunération sont à la fois adaptées aux besoins de l’entreprise et solidement arrimées à la promesse faite aux employés. Voici quelques pratiques gagnantes qui se distinguent dans une très grande variété de contextes organisationnels.

Rémunération en lien avec la performance

Le succès ou la survie de l’entreprise dépendent de sa performance financière; il est donc essentiel d’établir des liens de cause à effet entre la performance et la rémunération, soit faire en sorte que la bonne performance se traduise par un effet favorable sur la rémunération individuelle ou collective. Les liens produisant les meilleurs résultats sont les suivants :

Performance

Rémunération

Performance financière de l’entreprise
(capacité de paiement)

Budget d’augmentation de la masse salariale

Taux de progression salariale annuelle

Financement des régimes de bonification

Développement des connaissances, des compétences et de la maîtrise des fonctions

Taux de progression salariale annuelle

Contribution en résultats concrets et réalisation d’objectifs mesurables

Valeur des régimes de bonification

Performance individuelle et rémunération différenciée

Cette stratégie a pour but de créer des écarts importants entre les employés à fort potentiel et très performants et les autres. Conséquemment, la distribution des ressources financières limitées est concentrée sur un plus petit nombre d’employés dont la contribution à court et à long termes est nettement supérieure à celle des autres. Ces écarts sont créés au moyen de diverses composantes de la rémunération globale :



Employés à fort potentiel et très performants [1]

Autres employés

Taux de progression
salariale annuelle

De 6 % à 10 % pour une performance qui excède nettement les attentes de l’emploi

De 0 % à 2 % pour une performance qui correspond aux attentes de l’emploi

Ratio comparatif

De 105 % à 125 % du salaire cible de l’échelle salariale

De 95 % à 105 % du salaire cible de l’échelle salariale

Taux de rémunération
variable versé

De 125 % à 200 % du taux cible de l’emploi

Maximum de 100 % à 110 % du taux cible de l’emploi

Il va de soi que, dans le contexte d’une telle stratégie, on évitera des augmentations salariales égales (en %) pour tous les employés. Quoique cette pratique soit facile à administrer et à communiquer, elle affaiblit la capacité de l’entreprise à fidéliser ses employés très performants. En contrepartie, la mise en œuvre et la gestion soutenue de cette stratégie de différenciation requiert du courage de la part des dirigeants et des gestionnaires.

Communiquer la valeur de la rémunération globale

Dans un contexte où les ressources financières sont limitées, il devient essentiel de communiquer à tous les employés la valeur économique de certaines composantes et la valeur en expérience-employé d’autres composantes de la rémunération globale.

La clarté et la fréquence des communications des dirigeants et du service des ressources humaines, la reconnaissance non pécuniaire et la confiance exprimée à l’égard des employés sont toutes des façons d’améliorer l’expérience-employé au cours d’une période plus exigeante.

Ne jamais perdre de vue la promesse faite aux employés

L’employeur qui aura maintenu l’essence de sa promesse envers ses employés pendant cette période difficile aura un net avantage sur ses concurrents quand il s’agira d’attirer et de fidéliser les ressources requises au moment de la reprise. Même si des fins d’emploi et un gel salarial ont été nécessaires pour pallier les effets de la crise, le fait d’avoir gardé le cap sur la philosophie de gestion et sur les valeurs organisationnelles conférera à l’employeur un positionnement solide sur son marché d’employés talentueux au moment de la reprise.

Souplesse dans l’organisation du temps de travail

Quoique moins stratégique, une organisation du travail plus souple permet des réductions de masse salariale tout en réduisant au minimum les fins d’emploi de ressources qualifiées. Voici quelques exemples d’organisation du temps de travail qui favorisent de tels résultats :

  • emploi partagé;
  • horaire réduit, flexible ou compressé;
  • politique de congé sans solde avec règles d’admissibilité et de durée assouplies;
  • télétravail;
  • anticipation des vacances et utilisation des heures supplémentaires accumulées.

Poursuivre la réflexion

Parmi ces stratégies de temps de crise, lesquelles seront encore optimales quand l’économie reprendra?

Normand Fafard, M.B.A., CRHA, agit à titre d’associé chez Normandin Beaudry, une firme d'experts-conseils en actuariat, ressources humaines et communication stratégique. On peut le joindre par téléphone 514 285-1122, poste 305 et par courriel nfafard@normandin-beaudry.ca.


[1] Les pratiques présentées sont des exemples pour illustrer les écarts possibles.

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