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Les recherches portant sur la gestion du talent et la rémunération révèlent que des changements fondamentaux se produisent sur le marché mondial de la main-d’œuvre. Quelles sont les principales tendances qui ont une incidence sur la planification de la rémunération? Comment élaborer une stratégie de rémunération à long terme qui permettra de recruter, de motiver et de fidéliser la main-d’œuvre, tout en maintenant une gestion efficace des coûts de l’entreprise ? En anticipant ces tendances et les changements qu’elles apportent, une entreprise pourra mieux se positionner dans la course au talent, afin de se démarquer dans l’avenir.

Les tendances


Trois tendances principales influent sur les modèles habituels d’emploi tout en ayant des répercussions sur la planification de la rémunération.

Transformation du profil de la main-d’œuvre
Plusieurs raisons peuvent expliquer pourquoi les employeurs citent le recrutement et la fidélisation des employés clés comme faisant partie de leurs principaux défis à relever. Tout d’abord, le vieillissement de la main-d’œuvre est un phénomène planétaire. La cohorte des baby-boomers vieillit tandis que le taux de natalité diminue. Les jeunes talents se font rares et de nombreux travailleurs qualifiés s’apprêtent à quitter en masse la population active. En outre, il devient de plus en plus difficile pour les employeurs d’embaucher des employés ayant les habiletés techniques qu’ils recherchent. Sans oublier que la main-d’œuvre d’aujourd’hui est plus mobile, ce qui rend la fidélisation des employés plus ardue.  

Évolution des priorités des employés
Les éléments qui suscitent l’engagement et la motivation des employés diffèrent grandement selon l’endroit où l’on se trouve dans le monde. Par exemple, les travailleurs nord-américains valorisent davantage l’équilibre entre leur travail et leur vie personnelle, les avantages sociaux et les relations respectueuses au travail que leur salaire de base ; en Asie, c’est plutôt le salaire de base qui suscite la motivation et l’engagement des employés. On sait également que les priorités diffèrent selon les générations. Par exemple, les employés de plus de soixante ans valorisent la sécurité d’emploi et la loyauté à l’entreprise; pour leur part, les employés dans la tranche d’âge de dix-huit à vingt-neuf ans valorisent plutôt la contribution qu’ils peuvent apporter à une entreprise ainsi que les occasions de développement et sont donc plus enclins à changer d’emploi de façon régulière. De leur côté, les trente à quarante-deux ans semblent accorder plus de valeur à l’équilibre entre le travail et la vie personnelle. Cette diversité pousse les employeurs à rechercher des solutions en dehors des programmes de rémunération traditionnels, afin d’arriver à se démarquer dans la course au talent.

Escalade des coûts
Depuis quelques années, les dirigeants en ressources humaines indiquent que le maintien de coûts de rémunération abordables à long terme est un grand défi. Une escalade de coûts peut survenir lorsque les entreprises ne revoient pas régulièrement l’efficacité de chacun des éléments de leur offre de rémunération globale. Une bonne compréhension des coûts de la rémunération permet de cibler les éléments ayant le plus de valeur pour les employés et même de découvrir des solutions qui s’éloignent des programmes traditionnels de rémunération. En ces temps de compression budgétaire, il faut savoir répartir efficacement les dollars entre les éléments de rémunération ayant le meilleur pouvoir d’attraction et de fidélisation.

Comment relever ces défis?
Les entreprises devront aller au-delà des méthodes traditionnelles et concevoir une stratégie de rémunération globale qui permet une interprétation plus large de la rémunération et qui a le potentiel de considérer les divers besoins des employés. La plupart des entreprises adoptent une approche holistique, incluant plusieurs éléments de rémunération globale (rémunération directe et indirecte, avantages sociaux, développement professionnel, initiatives de conciliation travail/famille, etc.). Pour établir une stratégie de rémunération globale mieux ciblée, les dirigeants en ressources humaines doivent suivre quatre étapes.

1. Segmenter et récompenser les groupes d’employés selon la valeur qu’ils créent
Lorsque les entreprises alignent leur stratégie de rémunération globale sur leur stratégie d’affaires, elles veulent que leur investissement ait un rendement maximal. Cet alignement requiert une bonne compréhension des activités qui créent de la valeur pour l’entreprise, une analyse de la contribution de chaque groupe d’employés au processus de création de valeur et une allocation conséquente des récompenses et de la rémunération. Les groupes d’employés peuvent être segmentés comme suit :

  1. les leviers de performance, qui créent de la valeur pour l’entreprise et constituent son avantage concurrentiel (la recherche scientifique pour les compagnies pharmaceutiques);
  2. les facilitateurs de performance, qui appuient la création de valeur en favorisant l’efficacité des leviers de performance (les fonctions ressources humaines ou finance dans plusieurs entreprises);
  3. les leviers historiques, qui ont créé de la valeur dans le passé, mais qui ne constituent plus un avantage concurrentiel (la fonction de production dans une entreprise du secteur des médias écrits dont le contenu est de plus en plus diffusé sur le web).

La segmentation des groupes d’employés diffère d’une entreprise à l’autre et n’est pas toujours basée sur les familles d’emplois, les différents emplacements géographiques ou les habiletés des employés. La segmentation des groupes d’emplois dans une entreprise dépend plutôt des rôles tenus par ces groupes dans le processus de création de valeur et de leur contribution au chiffre d’affaires.

La détermination des segments d’emplois selon la valeur qu’ils créent pour l’entreprise permet de déterminer comment établir la structure d’un programme de rémunération globale de façon appropriée selon ces groupes. Au Québec, les employeurs doivent toutefois s’assurer que le potentiel de rémunération est le même pour les emplois de valeur similaire selon les dispositions de la Loi sur l’équité salariale. Ainsi, les éléments pécuniaires de la rémunération (structure salariale, programmes incitatifs à court et long termes) sont généralement appliqués de façon uniforme dans les entreprises.

Cependant, les multiples éléments non pécuniaires de rémunération constituent le moyen par excellence d’adapter l’offre de rémunération globale aux segments d’emplois selon les besoins organisationnels et les attentes des employés, tout en limitant les coûts. Ainsi, la planification de la relève et la planification de carrière, les programmes de développement professionnel et de formation, les formules de travail, les pratiques de conciliation travail/vie personnelle sont autant d’éléments qui rendent l’offre de rémunération globale attrayante pour les employés clés, en plus de leur montrer que des occasions intéressantes et prometteuses existent au sein de l’entreprise.

2. Comprendre et gérer les attentes des employés
La diversité et l’évolution des besoins de la main-d’œuvre rendent la planification de la rémunération globale très complexe. Les employeurs qui souhaitent que leur stratégie de rémunération globale réponde aux attentes de leurs employés doivent se familiariser avec ce qui motive ces employés. Plusieurs méthodes s’offrent à eux pour étudier les attentes des employés :
  • premièrement, il s’agit de sonder les intérêts et les attentes des employés à propos des différentes formules de travail et de la rémunération globale; il peut en résulter des initiatives peu dispendieuses – et parfois même sans frais – qui contribueront à améliorer l’attraction, l’engagement et la fidélisation des employés;
  • deuxièmement, certaines données provenant des systèmes d’information sur les ressources humaines (SIRH) peuvent être utilisées pour mieux comprendre les attentes et les comportements des employés et fournir un contexte plus solide aux décisions de rémunération globale;
  • troisièmement, les données provenant des sondages internes et des SIRH peuvent être comparées à des données externes sur les perceptions et les attitudes au travail des employés, afin de servir de guide à la conception d’un programme de rémunération globale.

Ces méthodes peuvent être combinées à la segmentation des emplois. En fait, elles permettent de vérifier que les éléments de rémunération globale (pécuniaires et non) répondent efficacement aux attentes et aux besoins des employés. Elles permettent également de mesurer s’ils réussissent, de manière efficace, à attirer, à motiver et à fidéliser la main-d’œuvre recherchée.

3. Cibler les plus performants et les rémunérer en conséquence
En plus d’harmoniser l’offre de rémunération globale avec les attentes des employés et de l’adapter aux différents segments d’emplois, les entreprises cherchent souvent à reconnaître la performance des employés en alignant la rémunération en conséquence, dans le but d’obtenir le meilleur rendement de leur investissement sur ce plan.

Selon l’Enquête sur la planification de la rémunération 2010 publiée par Mercer, au Canada, les employés les plus performants reçoivent de une fois à une fois et demie (en pourcentage du salaire de base) les augmentations salariales et les incitatifs à court terme versés aux employés ayant une performance soutenue. Certains employeurs recherchent une différenciation encore plus importante en offrant des régimes incitatifs dont le versement maximum est souvent deux fois plus élevé que la cible.

La différenciation et la reconnaissance des employés plus performants est importante pour éviter de miner leur motivation, de nuire à leur productivité et, éventuellement, de les perdre au profit de concurrents, surtout si les employés moins performants sont tolérés, voire récompensés de la même manière. Les entreprises doivent s’assurer que leurs processus et programmes d’évaluation du rendement réussissent à effectuer une telle différenciation. Les éléments suivants sont reconnus pour contribuer à l’efficacité des programmes d’évaluation du rendement :

  • obtenir l’engagement de la haute direction;
  • former les gestionnaires sur l’évaluation du rendement;
  • tenir des rencontres de calibration des cotes d’évaluation;
  • aligner le formulaire d’évaluation sur les objectifs organisationnels et les autres processus de gestion des ressources humaines.
4. Réviser et mettre à jour la stratégie de rémunération globale
Il peut être difficile de garder la stratégie de rémunération globale en parfaite harmonie avec la stratégie d’affaires, puisque celle-ci évolue sans cesse selon les forces du marché. La stratégie de rémunération globale doit donc être revue assez régulièrement si l’entreprise veut qu’elle continue à donner les résultats escomptés.
  • Réviser la stratégie de rémunération globale au moins une fois tous les trois ans. Étant donné la rapidité avec laquelle le contexte économique change, il est souhaitable de réviser et de mettre à jour la stratégie au moins une fois tous les trois ans. Cette révision devrait aller bien au-delà de la planification annuelle de la rémunération et inclure les quatre étapes mentionnées dans cet article.

  • Utiliser plusieurs moyens pour communiquer avec les employés. Il est très difficile de récolter les bénéfices d’une stratégie de rémunération globale si les employés ne sont pas au courant de ce qui leur est offert. Pour maximiser le rendement d’un tel investissement et bénéficier des avantages qui en découlent, il faut communiquer de façon efficace aux employés le contenu du programme de rémunération globale.
Un défi pour le service des ressources humaines
L’élaboration d’une stratégie de rémunération globale sur mesure constitue un défi de taille. Toutefois, les entreprises qui prennent les mesures nécessaires pour obtenir une meilleure compréhension de leur main-d’œuvre – attentes de leurs employés et contribution des différents segments d’emplois – en retireront des bénéfices importants : une stratégie de rémunération globale qui peut non seulement agir comme levier de performance, mais aussi comme outil de gestion et de maîtrise des coûts.

En ce sens, les éléments non pécuniaires de la rémunération s’avèrent essentiels pour former les employés, les motiver et les fidéliser. Dans un contexte où les employeurs ne peuvent pas garantir la sécurité d’emploi à leurs employés, les éléments favorisant le développement professionnel et la planification de carrière leur permettent toutefois d’assurer l’employabilité à leurs employés en leur fournissant l’occasion d’investir dans leur qualification.

Marie-Christine Piron, CRHA, conseillère principale, et Stéphanie Parent, CRHA, conseillère, Mercer (Canada) limitée

Source : Effectif, volume 12, numéro 5, novembre/décembre 2009.

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