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ANALYSE DES ÉTUDIANTS - ENCRE : une solution à long terme

Voici l’analyse du cas de Transcontinental, Secteur de l’impression des produits d’information, telle qu’elle a été présentée par l’équipe de l’Université Laval, gagnante du premier prix du tournoi. L’équipe était composée de Nicolas Lehoux, Joëlle Mathieu-Lessard et Alexandra Roy. Notons que les concurrents disposaient d’une heure et demie seulement pour étudier le cas qui leur était soumis.
13 septembre 2005
Équipe de l’Université Laval

Œuvrant dans le domaine de l’édition et de l’impression, Transcontinental a acquis récemment deux entreprises situées à l’Île-du-Prince-Édouard, qu’elle désire intégrer en une seule nouvelle usine. Pour favoriser l’intégration harmonieuse des employés non seulement dans ce nouveau lieu de travail, mais aussi à la grande famille Transcontinental, notre solution consistera à appliquer la « méthode ENCRE », qui permettra à Transcontinental de relever les défis qui se présentent à elle en appliquant une solution à long terme.

L’environnement de Transcontinental
Avec un chiffre d’affaires de deux milliards de dollars, Transcontinental est le plus important éditeur au Canada. L’entreprise a procédé par acquisitions pour croître. Elle met de l’avant des valeurs très bien définies tels le travail d’équipe, l’engagement des employés, le développement de chacun dans son travail, l’amélioration continue et l’entrepreneurship. Il faudra tenir compte de ces valeurs tout au long de l’intégration de la solution et du plan d’action proposés.

Le marché étant saturé au Québec, Transcontinental a procédé à l’acquisition d’usines à l’extérieur de la province. Pour que l’opération soit une réussite, il est important de s’assurer d’intégrer les employés au sein de Transcontinental. En outre, l’opinion publique locale étant cruciale, il est primordial d’acquérir une image positive dans la région.

Enjeux et solution
Transcontinental vient de faire l’acquisition de deux nouvelles usines. Désireuse d’intégrer leurs employés dans une seule entité, elle devra nécessairement procéder à des coupures d’effectif. Par ailleurs, l’entreprise veut aussi implanter de nouvelles technologies et elle doit pouvoir compter sur des travailleurs mobiles et polyvalents. Nous avons donc privilégié l’encouragement de l’acquisition de compétences non techniques (soft skills) plutôt que l’expertise technique dans la solution retenue.

Transcontinental veut également mettre l’opinion publique de son côté, ce qui est crucial pour garder ses clients. Et enfin, elle souhaite intégrer les différents styles de gestion qui étaient déjà en place dans les usines acquises, notamment une gestion familiale, qui ne cadrent pas tout à fait avec celui de Transcontinental. Mais c’est tout à fait possible de les intégrer, et ce, à l’aide de la méthode ENCRE, qui permettra d’agir sur l’engagement des employés, la notoriété de la compagnie, la culture de l’organisation, sur la résistance au changement ainsi que sur l’élaboration de la restructuration de ses processus.

ENCRE – Engagement des employés
Transcontinental a fait l’acquisition d’une entreprise de type familial où existe un fort sentiment d’appartenance qu’elle doit s’assurer de conserver. Cependant, ces employés doivent être transférés dans une nouvelle usine; et ils feront dorénavant partie de la très grande famille de Transcontinental. Comment alors conserver intact l’engagement des employés? Cela se fera en faisant la promotion des valeurs qui sont clairement définies chez Transcontinental ; pensons notamment à l’esprit d’équipe et à l’engagement qui sont des valeurs clés dans l’organisation. Cette façon de faire devrait engendrer une augmentation de la productivité des employés, qui se sentiront à l’aise dans leur nouvel environnement.

ENCRE – Notoriété de Transcontinental
La notoriété se situe à deux niveaux : ceux de l’image externe et interne projetée par Transcontinental. D’un côté, il y a l’image de l’entreprise auprès des employés : elle conditionne leur sentiment de bien-être et de confiance dans l’entreprise. Si Transcontinental dégage une image interne positive, si elle leur prouve qu’elle est un bon employeur, eux, en revanche, témoigneront à l’extérieur que Transcontinental est une bonne entreprise.

Pour ne pas perdre ses clients, Transcontinental doit agir sur son image externe. Et pour augmenter la productivité, elle doit travailler à améliorer son image interne. L’une ne va donc pas sans l’autre.

Par ailleurs, Transcontinental éprouve un problème sur le plan de la confiance des employés. L’entreprise n’est pas vraiment responsable de ce problème; c’est qu’il y a eu beaucoup de changements de direction. Que doit-on faire pour restaurer cette confiance ? Il faudra travailler sur la transparence, l’honnêteté, l’écoute de la haute direction, donc la communication. Encore une fois, tout cela se fera à double sens. Si Transcontinental veut que ses employés lui fassent confiance, il faut qu’elle aussi, en contrepartie, leur accorde du crédit et des responsabilités.

ENCRE – Culture
Transcontinental a déjà sa propre culture qui est excellente. Toutefois, les entreprises acquises à l’Île-du-Prince-Édouard ont, elles aussi, une culture distincte. Il faut s’assurer que ces deux entreprises acquièrent une culture adaptée à celle de Transcontinental. Pour ce faire, l’organisation doit donner les lignes directrices, servir de guide, de façon à créer ce qui sera sans doute une sous-culture dans la nouvelle usine, dont certains éléments seront différents de ceux d’une autre usine de Transcontinental à l’autre bout du pays, mais qui orientera les employés vers un but commun. Les employés auront ainsi une culture et des valeurs communes, ce qui devrait faciliter la prise de décisions ainsi que leur responsabilisation.

ENCRE – Résistance au changement
Transcontinental sait qu’il y a déjà une résistance au changement dans l’organisation, du fait qu’elle unit deux entreprises qui étaient concurrentes et qui auront donc de la difficulté à travailler ensemble. Nouvelle technologie, nouveau propriétaire, les employés sont déjà méfiants. Contrer la résistance au changement est toujours difficile à faire, même dans un environnement sans turbulence. Comment faire? Il faudra impliquer les employés dans l’ensemble du processus. Il est important de les consulter, de leur faire sentir qu’on est prêt à les écouter, à tenir compte de leur méfiance, de leurs craintes. Il faut leur demander de contribuer à la solution ; il faut les impliquer, ce qui permettra de surmonter leur résistance au changement.

ENCRE – Élaboration d’une restructuration
Il s’agit de former une nouvelle usine à partir de deux anciennes entités. On met en place de nouvelles technologies auxquelles les employés devront s’adapter. Ceux-ci devront également s’acclimater à une nouvelle culture.

Sur le plan de la restructuration, il sera important de trouver les bons employés, de s’assurer d’utiliser les employés au maximum de leur potentiel – ces individus auront à s’ajuster à un niveau technologique supérieur, ce qui n’est pas donné à tous. Il faudra donc bien cibler les employés dont le potentiel d’apprentissage et d’adaptation est supérieur. Tout ça devrait également contribuer à augmenter la productivité.

Mise en œuvre de la solution ENCRE
Maintenant que les grandes lignes de la solution ENCRE ont été présentées, comment mettre en place cette solution pour intégrer les employés? Disons de façon générale qu’il ne faut jamais oublier la nécessaire implication de la haute direction dans le soutien aux ressources humaines. Il faut que l’ensemble des employés sachent que la haute direction est derrière les ressources humaines et qu’elle les appuie dans tous les processus qu’elle veut implanter. Il faut aussi coller aux valeurs déjà présentes dans l’entreprise, les respecter pendant tout le processus. Et enfin, la communication est toujours essentielle : on doit informer les employés de tous les changements, les impliquer à chaque étape du processus.

  1. Respect de la culture
    Dans la mise en œuvre de la solution, il est important d’abord que la haute direction de Transcontinental travaille sur le plan de la culture de concert avec la direction des deux entreprises dont elle vient de prendre le contrôle. Elle doit faire en sorte que ces dirigeants adhèrent aux valeurs, à la mission et à la vision de Transcontinental, et ce, avant d’essayer de convaincre les employés. C’est la clé! Ce processus s’accomplira par l’entremise de rencontres avec la haute direction où l’on déterminera les lignes directrices que cette nouvelle division devra suivre.

    La communication de la culture, et ce, dans toutes les activités de l’entreprise, sera donc un moyen plus concret de s’assurer que les employés adhèrent aux valeurs de Transcontinental. On pourra aussi mettre sur pied un système de reconnaissance des valeurs : par exemple, les employés pourraient identifier la personne qui respecte de façon exemplaire l’esprit d’équipe dans son travail. Une façon de faire en sorte que les valeurs deviennent vraiment ancrées chez tous les employés de Transcontinental.
     
  2. Restructuration des postes
    On veut d’abord changer la gestion traditionnelle déjà en place. On recherche des employés plus polyvalents, capables de s’adapter aux innovations technologiques. Comment faire?

    Premièrement, il est important d’évaluer les besoins, avant revoir les descriptions des postes. Quelles sont les aptitudes et les compétences recherchées? On fera ensuite un recrutement interne. En effet, Transcontinental devra mettre de nombreuses personnes à pied, bien malgré elle. Il est donc primordial d’aller chercher le plein potentiel des employés actuels.

    Deuxièmement, on donnera de la formation à ces employés. Cette formation sera établie lors de l’évaluation des besoins. Quand on choisira les candidats, on leur fera passer des tests pour établir précisément les besoins de formation en fonction des aptitudes et des compétences techniques et non techniques recherchées pour le poste et dont la personne choisie aura besoin pour remplir ses fonctions. Il faut être conscient que le potentiel existe dans l’entreprise; il suffira souvent de donner de la formation complémentaire pour combler les besoins identifiés.

    Par ailleurs, malheureusement, Transcontinental devra licencier des employés. Comment contrer le fait que l’image de l’entreprise en souffrira sûrement? Comment également faire face à la méfiance qui augmentera sûrement parmi les gens au sein de l’entreprise? La solution consiste à créer un programme de réinsertion sociale. On mettra d’abord sur pied un comité composé des employés touchés et de personnes de la haute direction – pour démontrer son implication et son désir d’agir. Ce sera un programme continu (qui ne se résumera pas à une seule rencontre), annoncé aux employés, ce qui contribuera aussi à redonner confiance aux employés restants : ce programme leur donnera en effet l’impression que l’entreprise s’occupe d’eux, les suit tout au long de ce processus de changement organisationnel.
     
  3. Résistance au changement
    On ne peut se cacher que de grands changements sont amorcés. C’est réalisable, mais pas facile. Et il faudra utiliser de bonnes méthodes. Pour contrer la résistance au changement, il faudra notamment rassurer les employés qui craignent de perdre leur emploi, qui sont angoissés devant la nouvelle structure.

    Pour ce faire, il faudra rester à l’écoute des employés. Venant d’une entreprise à l’esprit familial, ils étaient probablement écoutés, leurs idées étaient sans doute reconnues. Il sera important de continuer à utiliser ce potentiel de créativité.

    Enfin, dernier élément important pour atténuer la résistance au changement, faire comprendre le bien-fondé de la démarche. Il faut faire savoir les raisons de l’acquisition, les objectifs poursuivis, ce qu’on attend des employés pour que l’entreprise connaisse le succès.

    En mettant en œuvre tous ces moyens, on pourra amenuiser cette résistance inhérente à tout changement et impliquer les employés dans cette restructuration, faisant ainsi en sorte qu’ils aient un vrai sentiment d’appartenance, qu’ils soient fiers de travailler pour Transcontinental et qu’ils soient responsabilisés à l’égard de ce processus de transformation.
     
  4. Engagement et notoriété
    L’engagement et la notoriété font partie du processus tout au long de la démarche. Ce qui est important, c’est de garder les valeurs de l’entreprise bien en tête. Le fait que l’entreprise respecte ses valeurs fera en sorte que les employés se sentiront en confiance, que leur sentiment d’appartenance se développera, parce qu’ils sauront que l’entreprise respecte les valeurs qui ont déjà été intégrées dans la nouvelle culture de l’entreprise.

    L’image de Transcontinental sera améliorée notamment par les actions entreprises sur le plan de la réinsertion sociale des employés congédiés. Cet engagement rehaussera certainement la notoriété de l’entreprise et l’engagement des employés qui sauront qu’on agit en les respectant. Par suite, les employés seront sans aucun doute fiers de travailler pour une organisation qui a une belle image d’employeur au sein de la société, parce que Transcontinental prend en compte les valeurs et les désirs des employés et qu’elle les responsabilise. D’autant plus que Transcontinental agira en considérant certaines problématiques concernant la réinsertion sociale des employés mis à pied.

Facteurs clés de succès
Pour mettre cette solution en œuvre, il faudra tenir compte de certains facteurs clés de succès. Premièrement, l’engagement de la direction est primordial. Les dirigeants sont les chefs de file de l’entreprise qui doivent respecter les valeurs de l’organisation et les communiquer à tous. Ils doivent donc être les premiers à croire au projet de façon inconditionnelle, en fournissant aux employés les ressources humaines, matérielles et temporelles nécessaires.

Par la suite, les dirigeants doivent impliquer les employés dans le projet, les consulter, les écouter, communiquer à tous les échelons de l’organisation l’importance d’écouter les travailleurs, et ce, pour recevoir leurs idées, être à l’écoute de leurs besoins et mieux communiquer leurs valeurs. Communiquer de toutes les façons possibles, c’est primordial!

Risques
Il est certain que tout projet comporte des risques qu’il faut tenter de minimiser. Ainsi, il est possible que la résistance au changement soit plus forte que prévu. Oui, il y a des méthodes pour la contrer, nous en avons parlé, mais il n’empêche qu’il n’est pas assuré que, dès le lendemain, les employés vont adhérer à tous les désirs de l’entreprise et ne pas résister au changement.

C’est un processus assez long en ce qui a trait non seulement à la résistance au changement, mais aussi à la mise en œuvre de l’ensemble du projet. Nous avions le mandat d’appliquer notre solution dans un délai de trois mois. Ce n’est pas long… Oui, on peut réaliser beaucoup de choses en trois mois, mais il faudra impliquer énormément de ressources. Un investissement est requis, non pas financier, mais bien en ressources et en temps, pour bien implanter la solution proposée au sein de l’entreprise. On peut donc éliminer les risques, mais en agissant ensemble et en faisant les sacrifices nécessaires.

Conclusion
Nous suggérons de prendre le temps nécessaire pour bien faire les choses. C’est possible de jeter les bases du projet en trois mois, mais la mise sur pied d’une culture organisationnelle gagnante à laquelle tous les employés vont adhérer, et ce, en continuant à respecter les valeurs qui sont déjà très bien définies doit être un processus continu.

Pour ce faire, nous recommandons d’utiliser la méthode ENCRE : l’engagement des employés, la notoriété de l’entreprise, sa culture organisationnelle bien définie et particulière, l’atténuation de la résistance au changement et la restructuration de certains processus. Et finalement, communiquer, communiquer et communiquer… à tous les échelons de l’organisation. Les dirigeants sont les premiers acteurs, qui doivent rester à l’écoute de leurs employés et les soutenir de façon inconditionnelle pour leur permettre de mettre sur pied cette solution de façon gagnante.

Source : Effectif, volume 8, numéro 4, septembre/octobre 2005


Équipe de l’Université Laval