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Client insatisfait : une réaction excessive?

Josée Bleau*, CRHA est consultante en ressources humaines. Un nouveau client lui ayant confié un mandat de recrutement, elle s’est rapidement mise à la tâche afin de trouver le bon candidat. Toutefois, dès le début, le client s’impatiente devant la lenteur du processus. Josée lui recommande un candidat, mais il n’est pas satisfait et refuse catégoriquement de payer le compte d’honoraires qu’elle lui a fait parvenir. En plus, il lui demande de lui transmettre son dossier dans les plus brefs délais. Josée est exaspérée. Elle décide de retenir le dossier jusqu’au paiement de ses honoraires et songe même à poursuivre son client.
* Nom fictif

26 novembre 2014
Louise Charette, CRHA | Edith Rondeau

L’éclairage déontologique - Agir avec modération
Me Édith Rondeau, conseillère juridique, Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

Tout d’abord, Josée doit se questionner sur les démarches qu’elle souhaite entreprendre. En effet, elle doit être consciente que son Code de déontologie comporte des règles concernant les conditions d’exercice du droit d’accès du client à son dossier. Elle doit respecter le droit de son client de prendre connaissance des documents qui le concernent dans tout dossier constitué à son sujet et d’en obtenir copie. Elle ne peut donc pas retenir le dossier de son client jusqu’au paiement de ses honoraires.

En plus d’être tenue de donner accès à son client aux documents qui le concernent, Josée a le devoir de donner suite à cette demande dans les vingt jours de sa réception. C’est donc dire qu’elle ne peut pas attendre le paiement de ses honoraires pour lui transmettre une copie de son dossier. Toutefois, elle pourra facturer au client des frais raisonnables pour effectuer une copie des documents qui constituent son dossier. Toutefois, si elle exige de tels frais, elle doit informer le client du montant approximatif qu’il sera appelé à débourser avant de procéder à la reproduction des documents.

Par la suite, si Josée décide d’entreprendre des poursuites pour récupérer les honoraires que le client n’a pas payés, elle doit avant tout s’assurer d’avoir épuisé tous les autres moyens dont elle dispose pour recouvrer les sommes d’argent qui lui sont dues. Elle doit faire preuve de modération dans ses pratiques. Il serait excessif de procéder tout de suite à des poursuites judiciaires sans avoir tenté de régler la situation autrement. Ainsi, Josée doit essayer de communiquer avec son client pour trouver un terrain d’entente. Elle doit lui expliquer les honoraires qu’elle lui facture et pourquoi ils sont justifiés par les services qu’elle lui a rendus.

Il faut donc que Josée fasse preuve de patience et use de son pouvoir de persuasion pour arriver à une entente avec son client. Elle pourra intenter une poursuite afin de recouvrer ses honoraires seulement si elle n’y parvient pas et qu’elle a épuisé tous les recours possibles.

À retenir
  • Le membre doit donner suite à toute demande faite par un client d’obtenir copie de son dossier (article 54 du Code de déontologie).
  • Le membre ne peut facturer au client que des frais raisonnables pour le coût d’une reproduction ou d’une transcription (article 55 du Code).
  • Avant de recourir à des procédures judiciaires, le membre doit épuiser les autres moyens dont il dispose pour obtenir le paiement de ses honoraires (article 27 du Code).
 

L’ÉCLAIRAGE DU PROFESSIONNEL - Pour améliorer une relation compromise
Louise Charette, CRHA, c.o. organisationnel, présidente, Multi Aspects Groupe Inc.

Il est évident que la relation de coopération s’est détériorée entre le client et sa consultante. Voici comment Josée pourrait rétablir la situation.

Il semble qu’elle ait manqué de méthode depuis le début de son mandat. Une démarche claire, avec des délais raisonnables, un prix bien ventilé et une entente écrite sont les gages de la réussite de la relation client-consultant.

Au départ, Josée aurait dû mieux gérer les attentes de son client. Elle doit maintenant mettre cartes sur table avec ce dernier, lui expliquer que, le marché étant plus difficile, il est normal que le délai pour trouver le meilleur candidat soit plus long. Rendre le processus plus transparent pour son client, lui expliquer la démarche en détail pourrait peut-être l’aider à comprendre la situation.

Sentant la pression du client, Josée s’est peut-être un peu trop dépêchée de trouver un candidat à lui proposer, en négligeant de s’assurer qu’il répondait aux critères fixés. Voyant que le processus prenait plus de temps que prévu, elle aurait pu demander à rencontrer son client afin de lui demander s’il souhaitait se contenter d’une candidature moins conforme à ses critères ou si elle devait continuer à chercher le candidat idéal. Le fait d’avoir un choix aurait donné au client le sentiment de conserver le leadership, donc la responsabilité du processus.

Josée doit donc guider et accompagner son client, et comprendre qu’il a le dernier mot, même si elle fait la plus grande partie du travail. De fait, lorsqu’une consultante accepte de « faire à la place de… », elle se retrouve dans la position délicate où c’est de sa faute si ça ne fonctionne pas. Elle a accepté un mandat d’exécution, mais le client doit continuer de sentir qu’il a du pouvoir sur les décisions. Peut-être s’est-il senti impuissant dans le cas présent... Être attentive à l’état d’esprit du client est la responsabilité de la consultante. Cela lui permet d’ajuster la teneur de ses communications.

Josée en est rendue à ce que son client insatisfait exige le retour de son dossier « dans les plus brefs délais » et refuse de payer ses honoraires. C’est le moment de changer d’attitude. Elle doit parler ouvertement avec son client, lui démontrer qu’elle comprend sa hâte à pourvoir le poste en question et son sentiment d’urgence. Si elle parvient à le convaincre que le travail est fait dans les règles de l’art, qu’elle lui explique bien sa démarche, il pourra prendre une décision éclairée. C’est l’angle le plus porteur pour rétablir une relation gravement compromise et, pour Josée, probablement le seul moyen de conserver son client.

Source : Effectif, volume 17, numéro 5, novembre/décembre 2014.


Louise Charette, CRHA c. o., présidente-directrice générale Multi Aspects Groupe inc.
Louise Charette, CRHA, c.o., fondatrice et PDG de Multi Aspects Groupe Inc. est consultante pour des organisations publiques, parapubliques et privées qui vivent des changements organisationnels. Possédant plus de 30 ans d’expérience en gestion de projets, elle se passionne pour l’intervention auprès des équipes, pour le rôle-conseil et la formation des formateurs. Présidente de la Société québécoise de psychologie du travail et des organisations (SQPTO), elle est également chargée de cours à l’Université Laval et l’Université du Québec à Chicoutimi. Son approche stratégique de la consultation et de la formation et sa façon dynamique de travailler et de favoriser le partage entre les participants lui ont valu la reconnaissance de ses pairs et de ses clients. Elle a deux publications à son actif : Pour des équipes responsables, une démarche d’acquisition de l’autonomie (2013) et Diagnostic organisationnel et analyse de besoins, la clé de vos interventions (2020), tous deux édités aux PUL.

Edith Rondeau Conseillère juridique Ordre des conseillers en ressources humaines agréés