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Début de carrière : l’entreprise ou la consultation?

Souvent, les finissants en gestion des ressources humaines se demandent, en sortant de l’université, comment orienter leur début de carrière : en entreprise ou en consultation? Ce choix aura un impact significatif sur leur cheminement professionnel, car chacun des deux milieux a sa réalité particulière. Qu’est-ce qui les différencie?

7 juillet 2014
Luc Hanna, M. Sc., CRHA

L’expertise : continuité ou variété

En gestion des ressources humaines, la principale différence entre le travail en entreprise et la pratique en consultation est le type d’expertise que chacun des deux milieux permet de développer.

L’entreprise offre la possibilité de s’établir dans un milieu singulier, de maîtriser des procédures de bout en bout, d’innover et de voir les résultats de ses efforts. Le jeune professionnel acquiert une expertise au niveau du contexte organisationnel; il apprend à gérer les tâches quotidiennes tout en menant des projets dans une optique de continuité. Il deviendra expert en matière de conception et de gestion de programmes, de conciliation d’intérêts divers et il maîtrisera l’aspect politique souvent inhérent à la gestion des parties prenantes. Il misera sur la continuité pour se développer.

La consultation offre pour sa part l’opportunité de devenir un spécialiste de processus, de champs de pratique ciblés et de gestion de projet. Comme le jeune professionnel sera appelé à travailler avec plusieurs organisations dans diverses industries, il aura la chance d’être exposé à toutes sortes de pratiques, bonnes et moins bonnes. La richesse de son expérience sera basée sur le fait d’être confronté à une foule de contextes et de problématiques complexes, et ce, de manière souvent très condensée. De plus, comme chaque mandat constitue un projet en soi, le professionnel travaillera avec différents collègues à l’interne et divers clients à l’externe; il développera assurément ses capacités d’adaptation et le risque de plafonnement sera théoriquement inexistant. Comme tout est à recommencer à chaque mandat, il deviendra parfaitement à l’aise avec une gestion serrée de projet avec le client. Il misera sur la variété pour se développer.

L’apprentissage
La taille de l’organisation est un facteur qui peut avoir un impact significatif sur le mode d’apprentissage.

Dans une grande entreprise où l’on retrouve une multitude de politiques, de programmes et de pratiques, le jeune professionnel aura la chance d’observer les meilleures pratiques. Il apprendra ce qui se fait dans son milieu et aura par la suite des repères pour implanter ou gérer de telles pratiques dans un autre contexte. Il risque en contrepartie d’être confiné à des responsabilités trop circonscrites et de ne toucher qu’à un seul champ d’activité.

Dans une petite ou moyenne entreprise, abstraction faite de certaines PME qui disposent de systèmes de gestion des ressources humaines très sophistiqués, le jeune professionnel apprendra souvent par lui-même, par essais et erreurs, en mettant en place des initiatives. Il sera appelé à faire preuve de créativité, de débrouillardise et de persuasion pour créer, implanter et gérer les programmes, politiques, pratiques. Dans ce genre d’entreprises, le professionnel est souvent appelé à toucher à plusieurs champs des ressources humaines; il n’est pas rare de voir une seule personne s’occuper de la paie, de la dotation, de la santé et de la sécurité, etc. Bien que cela soit fort stimulant pour certains et que cela puisse être une belle occasion d’apprentissage accéléré, d’autres y verront un manque de soutien de l’organisation, un stress important et – à cause de la charge de travail au quotidien – une impossibilité de traiter les choses en profondeur.

Au niveau de la consultation, certaines firmes se spécialisent dans un créneau particulier (rémunération, développement organisationnel, coaching, etc.). L’expertise y est alors extrêmement ciblée et le professionnel maîtrisera toutes les facettes du domaine en question. Il deviendra petit à petit un spécialiste de ce champ, mais ne travaillera que sur ce sujet. Il doit donc être certain de son intérêt envers ce domaine d’expertise avant d’y entamer sa carrière.

Dans un grand cabinet offrant différents services professionnels, le professionnel pourra toucher à une variété de domaines, ce qui lui donnera l’opportunité de découvrir et de valider ses intérêts et, s’il le désire, de se spécialiser dans un créneau. Le fait de côtoyer des experts de divers domaines lui permettra de se familiariser avec les multiples champs de la gestion des ressources humaines, et même avec d’autres domaines tels que la logistique, les technologies de l’information, la stratégie, etc. Cela lui donnera également la chance de travailler sur des projets qui font appel à diverses expertises, ce qui lui permettra d’avoir une vue d’ensemble des conditions de succès d’un projet d’envergure.

L’expérience du jeune professionnel aura également un impact significatif sur le genre et l’ampleur des responsabilités qui lui seront confiées à ses débuts. S’il n’a pas beaucoup d’expérience pertinente, il ne doit pas avoir peur de commencer au bas de l’échelle, malgré un sentiment de surqualification. Sa performance et son attitude détermineront la vitesse à laquelle il gravira les échelons.

Les conditions de travail
Il est bien connu que les conditions de travail dans une organisation peuvent fortement influencer l’attraction et la rétention des talents, et cela est encore plus marqué chez les jeunes professionnels.

De par la nature du travail de consultant, la flexibilité est une caractéristique clé de son quotidien. Selon qu’il est dans le cœur d’un mandat, qu’il est chez le client ou au bureau, qu’il fait du développement d’affaires ou est entre deux mandats, son horaire et son emploi du temps varieront. Il n’est donc pas rare de travailler le soir et la fin de semaine, mais également de travailler de la maison par exemple. La relation de confiance entre la direction et ses employés est cruciale. Bien que prisé par plusieurs, ce genre d’environnement atypique peut poser problème à d’autres qui recherchent une régularité.

En entreprise, les horaires de travail sont généralement d’une plus grande régularité. Certains y verront un contexte favorisant une meilleure planification de leur horaire, d’autres y verront de la monotonie et un manque de flexibilité de la part de l’employeur.

Au niveau de la rémunération, il est difficile de différencier les deux offres. La nature du rôle, l’expérience et l’expertise du candidat et le type d’organisation auront un impact beaucoup plus significatif sur le salaire du jeune professionnel que le fait d’être en entreprise ou en consultation. Les bonnes entreprises s’assurent d’être compétitives sur leur marché.

La décision
Afin de choisir judicieusement, il est important de bien se renseigner sur les deux milieux, et ce, suffisamment d’avance. La meilleure façon d’y parvenir est de discuter avec des professionnels qui pratiquent soit en entreprise, soit en consultation, de les questionner sur leurs projets, leurs défis, la culture, sur ce qu’ils aiment et n’aiment pas, etc. Toutes les entreprises affirment qu’elles offrent des défis stimulants, mais rien ne vaut le témoignage de ceux qui y travaillent au jour le jour. Il ne faut pas oublier non plus que les processus d’entrevue sont à double sens; ils constituent d’excellentes opportunités pour les candidats d’en connaître davantage sur un milieu afin de prendre la meilleure décision.

Le passage de l’un à l’autre
Bien qu’il s’agisse d’une décision importante, le choix entre les deux chemins n’est pas irréversible; bien au contraire. Alors que certains affirment que la sélection du premier « vrai » emploi est déterminante pour l’ensemble de sa carrière, on constate de nos jours qu’il est tout à fait possible, et de plus en plus fréquent, de passer de l’entreprise à la consultation et vice-versa.

Les compétences acquises par les professionnels en entreprise, notamment la compréhension du contexte organisationnel et des contraintes de la réalité du « plancher », sont recherchées et prisées par les cabinets de consultation. On reproche parfois à ces derniers d’être trop collés à des modèles conceptuels et de ne pas bien saisir la réalité des clients chez qui ils interviennent; le fait d’embaucher des employés venant de l’entreprise apporte donc une perspective appréciée des clients et une crédibilité aux recommandations émises. Il faut toutefois noter que le passage de l’entreprise à la consultation devient plus compliqué à partir des premiers échelons de direction, car les cabinets de consultation recherchent des professionnels connaissant déjà le milieu et ses façons de faire.

À l’inverse, les entreprises sont toutes à la recherche des meilleures pratiques de gestion et désirent généralement connaître ce qui se fait ailleurs. L’embauche d’ex-consultants leur permet d’une part de bénéficier de la connaissance de différentes façons de faire et de ces bonnes pratiques. D’autre part, comme les consultants sont constamment en mode projet, ils apportent avec eux une expertise en gestion de projet très intéressante pour l’entreprise.

En conclusion
Chaque contexte organisationnel est unique. Il est impératif de bien se renseigner sur chaque opportunité, spécialement en début de carrière. Bien qu’il y ait toujours des exceptions, les critères évoqués permettent de mieux évaluer ses options avant d’arrêter son choix. Dans cet article, l’accent est mis sur le début de carrière, mais la question peut aussi bien se poser plus tard dans le cheminement professionnel. Les facteurs décisionnels resteront pour la plupart les mêmes.

Le choix d’un emploi est une des décisions les plus importantes, car il aura un impact sur plusieurs facettes de sa vie. Une organisation offre un carré de sable et des outils et il revient à chacun d’y construire son château!

Source : Effectif, volume 17, numéro 3, juin/juillet/août 2014.


Author
Luc Hanna, M. Sc., CRHA Directeur adjoint, Gestion des talents Willis Towers Watson