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Entre l’arbre et l’écorce…

William travaille depuis cinq ans chez PharmaX à titre de conseiller en développement organisationnel. L’entreprise, en pleine croissance, doit effectuer d’importants changements pour faire face à une forte compétition. C’est ainsi que, depuis quelques mois, William s’emploie, avec la direction, à élaborer une nouvelle structure organisationnelle. Parmi les changements proposés, la refonte et même la suppression de quelques postes qui ne correspondent plus au profil de l’organisation. Son amie Michèle doit notamment perdre son emploi. Il en est bien malheureux, car il sait que Michèle vient de signer un prêt hypothécaire chez son notaire. William se demande quoi faire et vient vous consulter. À titre de conseiller en ressources humaines, que lui suggérez-vous de faire?

2 décembre 2008
Nicole Trudel-de Montigny, CRHA et Josée Lapolice, CRHA

Amitié et responsabilité professionnelle : deux réalités distinctes


Par Nicole Trudel-de Montigny, CRHA, consultante, NTD Ressources humaines / HR Inc.

Notre rôle consistera à accompagner William dans la compréhension de sa problématique ainsi qu’à identifier les solutions potentielles et leurs conséquences.

William a établi un lien d’amitié avec Michèle, ce qui le place en situation ambiguë. Il comprend bien ses obligations à titre de conseiller en développement organisationnel. Toutefois, il craint que son amitié avec Michèle ne se brise.

Quelles sont ses obligations envers son employeur? Existe-t-il un lien avec sa relation d’amitié?

Nous discuterons avec William de ses obligations à l’égard de son employeur. Son code de déontologie et le Code civil du Québec encadrent sa pratique professionnelle. Donc, il sait que la loyauté envers son employeur et l’obligation de confidentialité doivent mener ses actes.

Le code de déontologie stipule notamment que le membre de l’Ordre doit « sauvegarder en tout temps son indépendance professionnelle ». Il doit aussi « éviter toute situation où il serait en conflit d’intérêts ».

William doit aussi respecter le secret professionnel et ne pas se servir de renseignements qui viennent à sa connaissance pour obtenir des avantages pour lui-même ou pour une autre personne, une amie par exemple.

Pour sa part, le Code civil du Québec va dans le même sens en stipulant que le salarié d’une entreprise doit « agir avec loyauté et ne pas faire usage de l’information à caractère confidentiel qu’il obtient dans l’exécution ou à l’occasion de son travail ».

William pourrait donc s’exposer à des conséquences sérieuses, non seulement à un renvoi et à un recours possible de son employeur en cas de préjudice lié à la divulgation d’information, mais également à une atteinte sérieuse à sa réputation quant à son éthique professionnelle et son intégrité.

William doit prendre conscience que ses obligations professionnelles et son amitié pour Michèle sont deux réalités distinctes qu’il doit traiter séparément. Il gardera donc confidentiels les renseignements qu’il détient sur la fin d’emploi prochaine de son amie.

Comment William pourra-t-il aider Michèle? Il y a des solutions personnelles… Ainsi, à la suite de la fin d’emploi de Michèle, il pourra l’appuyer pendant ses heures de loisir dans sa recherche d’un nouveau défi.

L’amitié en milieu de travail met parfois les employés dans une situation délicate, comme celle que connaît William. Le fait de prendre conscience des embûches ainsi que de communiquer aux amis ses responsabilités professionnelles, entre autres l’obligation de confidentialité dans l’exercice de sa fonction, aide à établir une limite entre le travail et la vie personnelle.


Teinter d’humanisme les prochains changements organisationnels
Par Josée Lapolice, CRHA, consultante, ressources humaines, Daniel Déry et Associés inc.

William est tout à fait justifié de se sentir malheureux devant les impacts des prochains changements organisationnels. D’autant plus qu’ils auront des répercussions négatives pour une de ses amies, Michèle. Cela dit, nous proposons à William de faire une réflexion qui lui permettra de mettre quelques éléments en perspective.

Tout d’abord, il faut revenir sur l’importance de la confidentialité tant que les changements ne seront pas définitifs. Étant donné le rôle stratégique qu’il a à jouer dans l’organisation, William a évidemment accès à des informations privilégiées qu’il doit garder pour lui dans un premier temps. Le fait d’en glisser un mot à son amie Michèle ne ferait qu’aggraver le climat d’insécurité organisationnelle, étant donné que tout finit par se savoir.

Il faut également que William se remémore les efforts déployés par la direction et lui-même pour arriver à cette nouvelle structure organisationnelle. Les enjeux à la base de ces changements étaient-ils à ce point importants? Dans l’affirmative, ces décisions n’ont certainement pas été prises à la légère et doivent représenter la solution optimale tant pour l’organisation que pour les individus qui y travaillent. Si ce bref examen révèle que tel est le cas, il faut maintenant se concentrer sur le soutien à offrir aux employés qui perdront leur emploi, dont Michèle évidemment.

Nous suggérons donc à William de se mettre à l’action et de planifier l’annonce de ces changements dans l’entreprise. Il devient très important tant pour les employés qui partiront que pour ceux qui resteront d’être rassurés face à ces bouleversants changements. Des rencontres d’information seront nécessaires. Il faudra miser sur un climat d’ouverture, de confiance et de transparence. Chaque acteur de l’organisation devra être sensibilisé aux enjeux derrière ces décisions qui n’auront pas été faciles à prendre.

William peut également évaluer la pertinence de rencontres individuelles avec les employés qui perdront leur emploi afin d’évaluer leurs besoins spécifiques pour une réintégration au travail rapide et efficace. En fonction de la capacité de résilience de l’individu, différentes ressources pourront lui être proposées.

Finalement, il convient de se rappeler que l’entreprise ne remet pas en question la compétence des individus, mais bien le profil de poste qui ne correspond plus aux nouvelles exigences organisationnelles. Ainsi, William pourra aider Michèle et les autres employés concernés à mettre leurs qualités et habiletés en valeur pour qu’ils puissent rapidement dénicher un autre emploi à la hauteur de leurs aspirations.

Source : Effectif, Volume 11, numéro 5, novembre/décembre 2008


Nicole Trudel-de Montigny, CRHA et Josée Lapolice, CRHA