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Le défi : fixer de vrais objectifs de résultats

Toutes les entreprises se fixent des objectifs… Mais est-ce que ce sont vraiment des objectifs de résultats? La majorité des gestionnaires croient de façon quasi absolue qu’ils mesurent les vrais résultats.

20 décembre 2010
Charles Haddad

Malheureusement, ce n’est pas le cas. On veut des résultats et, pourtant, on se limite à n’évaluer que les moyens pour y parvenir.  

Un résultat se rapporte au but ultime. Tandis qu’un moyen concerne les ressources à déployer, les outils à mettre en place, les projets à réaliser, les tâches à accomplir et les compétences à acquérir pour atteindre le résultat visé.

Les membres de la haute direction fixent des objectifs de résultats en fonction de l’augmentation des revenus de ventes, des bénéfices nets et des parts de marché. Par la suite, la direction des ressources humaines élabore des outils d’évaluation du rendement centrés sur les moyens tels l’appréciation des compétences clés (capacité de travailler en équipe, initiative, créativité, communication, sens du service à la clientèle), des attitudes (respect), des comportements (assiduité, effort), des valeurs (loyauté, intégrité) et l’accomplissement des tâches quotidiennes, qui ne sont pas des résultats en eux-mêmes.

Des approches axées sur les moyens
Il y a une forte tendance parmi les professionnels de la gestion des ressources humaines à élaborer des outils d’évaluation du rendement axés sur les moyens plutôt que sur les résultats. Les trois approches les plus répandues sont : l’approche par compétence, la technique SMART et les indicateurs clés de performance.

L’approche par compétences est centrée sur l’appréciation des attitudes, comportements, compétences et valeurs. Or, ce sont des moyens pour atteindre des résultats et non des résultats en soi. Un personnel compétent n’est pas une finalité. Les dirigeants n’investissent pas des milliers de dollars en formation pour avoir des employés plus compétents. Ils investissent ces sommes dans le but d’avoir des employés plus performants.

Pas si SMART… Selon la technique SMART, un objectif doit être spécifique, mesurable, atteignable et doit comprendre un échéancier (réviser 100 % des profils de compétences d’ici avril 2010). La principale lacune de cette technique est qu’elle ne fait pas de distinction entre un moyen et un résultat. On peut ainsi appliquer tous les critères de la technique SMART, sans avoir défini un vrai objectif de résultat.

Indicateurs de performance, vraiment? L’approche par indicateurs clés de performance permet surtout de mesurer des activités et des processus (atteindre un indice de mobilisation du personnel de 85 %, etc.) et non pas des résultats.

Ce n’est pas en évaluant les compétences, attitudes, comportements, valeurs, tâches, activités et processus que les professionnels de la gestion des ressources humaines pourront contribuer à l’augmentation des revenus de ventes, des bénéfices nets et de la part de marché de leur entreprise.

Pourquoi évalue-t-on les moyens plutôt que les résultats?
Tous les dirigeants veulent des résultats et, pourtant, on se limite à évaluer les moyens pour les atteindre. Pourquoi? Voici six hypothèses.

Premièrement, plusieurs dirigeants ont beaucoup de difficulté à faire la différence entre un moyen et un résultat. Or, peu importe la fonction dans l’entreprise, qu’il s’agisse du service des finances ou du service des ressources humaines, cette difficulté est omniprésente. Le fait de chiffrer un objectif ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’un résultat. On peut très bien quantifier un moyen.

Deuxièmement, la certitude que l’on exerce plus de contrôle sur un moyen que sur un résultat est un mythe très répandu dans les entreprises. Mais contrairement à la croyance populaire, les individus ont plus d’emprise sur les résultats que sur les moyens. La mise en application des moyens requiert une collaboration des autres membres de l’organisation (collègues, patron, subalternes). En raison de cette interdépendance, un individu ne peut pas exercer le plein contrôle sur le déploiement d’un moyen. La réussite d’une activité ou d’un projet dépend du pouvoir et du vouloir de plusieurs collaborateurs et non seulement de l’individu qui en a la responsabilité. En revanche, la définition d’un objectif de résultat, selon les règles de l’art, doit être sous l’emprise de l’individu (son atteinte ne peut pas dépendre de la volonté ou de la compétence d’un autre membre de l’organisation), sinon il ne peut en être tenu responsable.

Troisièmement, bien des dirigeants présument que, si on emploie un personnel compétent et motivé, qu’on met à sa disposition des outils de travail adéquats et qu’on crée un bon climat de travail, on obtiendra de meilleurs résultats. C’est rarement le cas. Pourquoi? Parce qu’on ne peut pas atteindre un résultat si on ne l’a pas défini. Tout comme un marathonien ne peut traverser la ligne d’arrivée si elle n’a pas été tracée. À moins que l’on définisse de vrais objectifs de résultats pour chaque individu, la ligne d’arrivée ne sera pas connue. Les gestionnaires et les employés travailleront très fort et auront malgré tout le sentiment de tourner en rond.

Quatrièmement, un style de gestion émotif et un manque de rigueur et d’objectivité constituent souvent le talon d’Achille des processus d’évaluation de la performance.

Cinquièmement, comme elle est enseignée dans le programme de formation universitaire en gestion des ressources humaines, l’approche par compétences est celle que les professionnels maîtrisent le mieux.

Finalement, la définition d’objectifs de résultats, selon les règles de l’art, exige une expertise très pointue. Il ne serait pas rentable pour la plupart des entreprises d’y créer un poste de travail permanent.

Définir d’abord les résultats à atteindre
Dans les entreprises, on consacre énormément de temps et d’argent à gérer les moyens, sans trop se questionner sur les résultats attendus. Le service des ressources humaines consacre une bonne partie de son temps à élaborer des descriptions de poste, des profils de compétences, des plans de formation, des programmes de fidélisation, des plans de relève, des sondages de satisfaction, des plans de mobilisation, des plans de gestion des talents, un manuel de l’employé, etc. Toutes ces initiatives ne sont que des moyens qui peuvent favoriser, mais ne garantissent pas l’atteinte des résultats visés par la direction.

La direction investit dans tous ces moyens dans l’unique but d’obtenir de meilleurs résultats. Mais peu importe la quantité et la qualité des moyens déployés, si le résultat visé n’a pas été préalablement défini, il est peu probable qu’on l’atteigne.

Le défi est donc d’aider les dirigeants à fixer de vrais objectifs de résultats, pour tous les gestionnaires et employés, en lien direct avec chaque objectif du plan d’affaires de l’entreprise, avant de déterminer la panoplie des moyens à déployer pour atteindre ces résultats.

Comment contribuer à l’atteinte des objectifs d’affaires de l’entreprise
Les professionnels de la gestion des ressources humaines peuvent contribuer à l’atteinte des trois objectifs d’affaires clés de la haute direction en :
  • définissant, pour chaque gestionnaire et chaque employé, de vrais objectifs de résultats, qui contribuent directement à accroître les revenus de ventes, les bénéfices nets et la part de marché de l’entreprise;
  • mesurant les résultats obtenus par chaque gestionnaire et chaque employé, en se basant sur des faits;
  • récompensant seulement les individus qui ont contribué à l’atteinte des objectifs de l’entreprise;
  • suivant, en temps réel, la performance de l’entreprise et de chaque individu.
Comment définir un objectif de résultat
Comment peut-on savoir si l’objectif que nous avons défini est un moyen ou un résultat? Voici les quatre caractéristiques d’un résultat…
  1. Finalité : l’objectif doit correspondre au but ultime visé par la haute direction (et non à un moyen pouvant favoriser son atteinte).
  2. Contrôle : l’objectif doit être sous l’emprise de l’individu (son atteinte ne peut pas dépendre de facteurs externes tel le manque de ressources, de collaboration et d’encadrement).
  3. Mesure : l’objectif doit être mesurable objectivement en se basant sur des faits (et non sur des perceptions, des opinions ou des interprétations).
  4. Cible : la cible d’amélioration doit être à la fois ambitieuse pour contribuer à l’amélioration de la performance de l’entreprise et réaliste (en fonction de l’offre et de la demande et des ressources matérielles, financières et humaines disponibles) pour ne pas démotiver et épuiser le personnel.

Pour qu’un objectif soit un résultat, il doit correspondre à ces quatre caractéristiques.

Concrètement…
Voici trois exemples d’objectifs de résultats individuels qui contribuent à accroître les bénéfices nets de l’entreprise.
  • Recherche et développement (chef de produit) : atteindre le ratio de rentabilité pour chaque nouveau produit commercialisé dans un délai maximal de 9 mois.
  • Directeur des ressources humaines : atteindre un taux de fidélisation de 85 % des employés ayant réalisé plus de 90 % de leurs objectifs de résultats individuels.
  • Chargé de projet : générer une marge de profit brute minimale de 37 % pour chaque projet.

Voici maintenant deux exemples d’objectifs de résultats individuels qui contribuent à accroître les parts de marché de l’entreprise. Il y a deux façons d’accroître les parts de marché : la fidélisation de la clientèle existante et l’acquisition de nouveaux comptes clients. Le respect des délais et des spécifications du client sont deux facteurs qui contribuent à sa conservation (la satisfaction de la clientèle n’est qu’un moyen, la fidélisation est le but ultime).

  • Manufacturier : livrer 100 % des commandes conformément aux spécifications techniques du client (selon le devis).
  • Distributeur : compléter 100 % des livraisons sans réclamation de dommage à la marchandise.

Voici enfin un exemple d’objectif de résultat individuel qui contribue à accroître les revenus de l’entreprise.

  • Services professionnels : atteindre un ratio de facturation/rémunération de 3.0 (le conseiller doit facturer des honoraires professionnels à ses clients qui sont au moins trois fois supérieur à son salaire de base).
Aucun « moyen de moyenner »
Dans toutes les entreprises, on veut des résultats et, pourtant, on se limite à évaluer seulement les moyens pour les réaliser. Peu importe la quantité et la qualité des moyens déployés, si le résultat visé n’a pas été préalablement défini, il est peu probable qu’on l’atteigne.

Les entreprises qui cherchent véritablement à atteindre un niveau d’excellence et de rentabilité plus élevé doivent d’abord définir les résultats que chaque individu doit atteindre et, par la suite, identifier les meilleurs moyens à déployer pour atteindre ces résultats.

Charles Haddad, président, Intelligere inc.

Source : Effectif, volume 13, numéro 5, novembre/décembre 2010.


Charles Haddad