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Le porte-parole doit-il tout faire pour arriver à un règlement?

Tous ceux qui œuvrent en relations du travail vous le diront, seules les personnes qui ont de la patience et de la détermination aimeront travailler dans ce domaine et y demeureront. Il est vrai que les situations qui se posent en relations du travail sont parfois délicates, parfois déterminantes, mais toujours entourées de stress. C’est particulièrement vrai pour les porte-parole qui ont un rôle crucial à jouer. Les enjeux sont grands et plusieurs personnes vont souffrir d’une situation difficile que le porte-parole aura mal évaluée.

12 mai 2014
Michel Larouche, CRIA

Ce porte-parole doit-il pour autant prendre tout le poids de la négociation? Y a-t-il un point au-delà duquel il ne lui servira plus à rien de s’évertuer à trouver un règlement? La réponse est non. Il doit en effet tout tenter pour arriver à un règlement.

Pour illustrer cette affirmation, reportons-nous à une véritable situation.

La situation
Une entreprise alimentaire, en exploitation depuis seulement cinq ans, emploie une centaine de personnes dont la majorité sont à temps partiel, la plupart étant des étudiants. Une première convention collective de trois ans est arrivée à terme; aucune structure salariale ni aucune échelle salariale ne sont en place.

Le climat de travail des derniers mois est difficile, puisque l’économie locale est en difficulté. Les heures de travail ont été diminuées et sont attribuées selon la disponibilité et non l’ancienneté, ce qui crée de la frustration.

D’un côté, un employeur avec une attitude négative concernant l’ancienneté et une progression des salaires selon les heures travaillées. De l’autre, une organisation syndicale agressive et déterminée à obtenir des niveaux de salaire dans la tranche supérieure du marché.

Au menu : un cahier de demandes syndicales impressionnant et des demandes patronales visant exactement le contraire.

Une vingtaine de séances de négociation en quatre mois ont été nécessaires pour venir à bout des clauses « normatives », mais les clauses salariales posent problème dès le départ. Les parties se retrouvent donc en conciliation.

Lors de la toute dernière partie de la négociation, seule la structure salariale achoppe. L’employeur offre une échelle de salaire de huit échelons, avec un ajout d’échelons à chacune des quatre années de la convention. La proposition patronale comprend également l’élimination de l’échelon de salaire minimal pour les prochaines années, de manière à ce que l’échelle conserve huit échelons.

Les parties se contactent uniquement par l’intermédiaire du conciliateur qui fait la navette entre les deux. Le représentant syndical n’a pas compris ce dernier point et annonce qu’il rejette la proposition patronale et que les employés vont sortir en grève sous peu.

Le représentant patronal sait pertinemment, pour sa part, que l’offre faite au syndicat correspond exactement aux demandes de celui-ci et cherche le moyen de le convaincre de l’accepter. Comme les chefs syndicaux se trouvent dans l’hôtel où se déroulent les séances de négociation, il part à leur recherche. C’est à ce moment-là qu’il rencontre le président du syndicat, des pancartes à la main. Celles-ci sont destinées aux membres qui ont quitté leur lieu de travail pour se diriger vers l’hôtel afin de manifester. L’explication fournie par le représentant patronal au président du syndicat convainc celui-ci que l’offre faite par l’employeur correspond exactement aux demandes syndicales. Le président du syndicat demande alors au porte-parole syndical pourquoi cette information ne lui a pas été transmise. La réponse étonne tout le monde : le représentant syndical souhaitait tout simplement un conflit car, selon lui, l’employeur ne méritait pas mieux. Il avoue avoir caché cette information pour susciter le refus et le conflit qui devait s‘ensuivre. Un règlement a eu lieu dans les minutes suivantes et, du coup, le conflit n’a pas éclaté.

Ce cas illustre notre affirmation que le porte-parole doit tout faire pour en arriver à un règlement, au risque de mettre son vis-à-vis patronal ou syndical dans le pétrin. Tous les porte-parole ont un jour rencontré des situations délicates où il fallait à tout prix faire preuve de détermination.

En conclusion, on peut parfois trouver tentant de baisser les bras dans l’adversité, mais c’est précisément à ce moment qu’un négociateur aguerri doit s’assoir, réfléchir à ce qu’il fera comme geste, échafauder un plan d’action et le mettre à exécution.

Faut-il se poser la question sur les conséquences d’un geste ou d’une démarche qui pourrait mettre en jeu le processus de négociation et affecter un règlement? Oui, mais il faut bien se souvenir que, si on se pose cette question, c’est que le processus est déjà perturbé. Alors, on ne devrait pas hésiter à tout tenter pour remettre le processus en marche et obtenir un règlement. C’est le but ultime à atteindre.

Michel Larouche, CRIA, consultant en rémunération et relations du travail

Source : Effectif, volume 17, numéro 2, avril/mai 2014.


Michel Larouche, CRIA