Imputation des coûts relatifs aux visites médicales post-consolidation
Une controverse jurisprudentielle avait cours depuis plusieurs années à la Commission des lésions professionnelles (CLP) au sujet de l’imputation, aux dossiers financiers des employeurs, des frais relatifs aux visites médicales effectuées par des travailleurs après la consolidation de leur lésion professionnelle, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
La CLP a désigné exceptionnellement trois juges administratifs pour trancher cette question dans l’affaire Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux et Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il a été décidé que les frais afférents aux visites médicales effectuées par des travailleurs après la consolidation de leur lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles n’ont pas à être imputés aux employeurs.
Il faut retenir de cette décision les principes suivants :
- l’employeur a intérêt à demander le transfert d’imputation de visites médicales, considérant que les coûts imputés à son dossier détermineront par ricochet sa cotisation, même si ces frais peuvent paraître individuellement peu importants;
- l’employeur doit demander à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) de procéder au transfert d’imputation dans les trois ans de la connaissance de l’imputation des coûts qu’elle conteste;
- une lésion professionnelle consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles est guérie et ne nécessite plus de visites médicales; elle n’est plus sujette à l’indemnisation;
- l’employeur doit démontrer que les coûts des visites médicales imputées ont eu lieu après la date de consolidation de la lésion; il n’a pas à démontrer que la visite médicale n’est pas en lien avec la lésion pour remplir son fardeau; le tribunal mentionne même que la quête de ces renseignements contrevient à la garantie de la confidentialité des renseignements médicaux.
La CSST a déposé une requête en révision judiciaire devant la Cour supérieure à l’encontre de cette décision.
L’accès aux dossiers antérieurs d’un travailleurL’employeur peut présenter une demande de partage de coûts s’il peut démontrer que le travailleur souffrait d’un handicap avant la survenance de la lésion professionnelle, que ce handicap est une variante de la norme biomédicale et qu’il a joué un rôle dans la survenance et/ou la gravité de la lésion professionnelle. Il peut être difficile d’obtenir les antécédents médicaux du travailleur.
Dans la cause Ébénisterie Multi-Laques inc. et Biello, l’employeur a demandé à la CLP de lui donner accès aux dossiers antérieurs du travailleur détenus par la CSST, dans le cadre d’une demande de partage d’imputation. Ces dossiers concernaient des lésions professionnelles au bras droit survenues alors que le travailleur occupait un autre emploi.
Selon la CLP, puisque la demande de l’employeur ne visait que les dossiers concernant le même site de lésion, il ne s’agissait pas de ce qu’on appelle communément une « partie de pêche », soit une recherche de documents à l’aveuglette.. Le travailleur invoquait lui-même ses lésions antérieures lors de conversations avec l’agent de la CSST et une résonance magnétique mettait en lumière des séquelles d’une ancienne capsulite. Finalement, tous les médecins consultés ont fait état de ces lésions antérieures. Les antécédents du travailleur étant pertinents pour répondre à la question en litige, la CLP a donné à l’employeur accès à un dossier détenu par la CSST au sujet de cette lésion antérieure du travailleur.
L’employeur est obéré injustementL’employeur peut aussi demander un transfert des coûts à la CSST s’il peut démontrer que l’imputation des coûts d’une lésion professionnelle est injuste.
Dans le cadre d’une demande de transfert d’imputation, la CLP a déterminé, dans l’affaire Pièces de carrosserie BMC ltée, que l’employeur était obéré injustement. Lors de son embauche, le travailleur a omis de mentionner à son nouvel employeur qu’il avait conservé des limitations fonctionnelles à la suite d’une lésion professionnelle. Le travailleur a décidé d’occuper un emploi qui ne respectait pas ses limitations. Alors qu’il travaillait pour l’employeur, il s’est blessé de nouveau au même site de lésion.
Selon la CLP, cette seconde lésion professionnelle a entraîné des frais considérables et des conséquences disproportionnées eu égard à l’intensité du fait accidentel survenu chez l’employeur. La CLP a conclu que l’employeur serait injustement obéré s’il devait assumer les risques pour un accident du travail survenu alors que le travailleur occupait sciemment un emploi contrevenant à sa condition. Par ailleurs, la CLP a ajouté qu’il n’est pas nécessaire de démontrer que le travailleur a délibérément menti pour démontrer que l’employeur a été obéré injustement.
Ces décisions récentes illustrent bien qu’il existe diverses avenues, souvent ignorées des employeurs, pour diminuer les coûts reliés aux accidents du travail et aux maladies professionnelles dans l’entreprise.
Anne-Marie Bertrand, CRIA, avocate, Monette Barakett, s.e.n.c.
Source : Effectif, volume 15, numéro 4, septembre/octobre 2012.