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Une Première Nation modèle : Ekuanitshit

Ekuanitshit est une petite communauté autochtone d’à peine 600 membres… Sa société de portefeuille, la Société de gestion Ekuanitshinnuat (SGE) réalise un chiffre d’affaires de 75 millions de dollars et génère des profits intéressants grâce à des activités dans plus d’une douzaine d’entreprises. Celles-ci embauchent près de 450 employés, dont plus de cent sont des Innus d’Ekuanitshit et plus de 80 proviennent d’autres communautés. Leurs partenaires commerciaux québécois et non québécois tirent profit de leurs relations d’affaires avec elles. Il s’agit d’un modèle intéressant de développement économique et d’embauche autochtone.

3 décembre 2014
Gilbert Leblanc, CRHA

Historique et portrait de la SGE
À l’époque de la création de la réserve en 1963, le gouvernement fédéral agit à titre de fiduciaire et est très impliqué dans l’administration des fonds consacrés aux différents programmes et services offerts aux Innus d’Ekuanitshit. Peu à peu, le Conseil des Innus d’Ekuanitshit prend progressivement en charge l’administration publique, entre autres les programmes d’infrastructures, les services sociaux, les services de santé et l’éducation.

Les contacts avec les différents acteurs économiques régionaux avant 1980 sont plutôt timides. Le Conseil, qui a peu ou pas d’expérience en affaires, emprunte la voie de l’association et du partenariat avec des gestionnaires compétents et des organisations sérieuses, sélectionnées avec rigueur.

Aujourd’hui, la SGE est active dans des domaines aussi variés que la construction, la foresterie, le service de pourvoiries, le service de restauration, le service du voyage, le service de la sécurité privée, les pêches commerciales, le transport par hélicoptère, le transport par camion, etc. Le rôle de la SGE est d’exercer un suivi administratif et financier sur les entreprises commerciales propriétés de la communauté d’Ekuanitshit (les entreprises communautaires), qu'il s'agisse d'entreprises que la communauté détient à 100 % ou en partenariat. Aussi, elle réalise des alliances et des partenariats commerciaux au gré des besoins.

Le contexte favorable
La communauté tire profit du nouveau contexte créé depuis une vingtaine d’année par les grandes entreprises qui, dans la foulée de nombreux jugements de la Cour Suprême du Canada favorables aux Autochtones, adoptent une approche plus respectueuse des communautés qui habitent le territoire de leurs activités commerciales.

Le chef Jean-Charles Piétacho exerce un leadership visionnaire en matière de développement économique. Il est en fonction depuis plus de vingt ans, ce qui témoigne de la stabilité politique d’Ekuanitshit.

Une entente conclue avec Hydro-Québec en 2009 est une étape charnière qui annonce le début des travaux du Complexe hydroélectrique sur la rivière Romaine avec une enveloppe de contrats réservés.

D’autres ententes (qu’on appelle ERA pour Entente sur les répercussions et les avantages) sont en cours de négociation avec différentes compagnies minières.

Les bonnes pratiques en matière d’entente ERA et de partenariat d’affaires

  • Une bonne ERA tient compte des préoccupations des membres de la communauté en matière d’environnement et de leurs intérêts en matière de bénéfices économiques et d’emplois. Pour ce faire, des consultations doivent être réalisées en continu tout au long du processus de négociation et du processus d’évaluation environnementale du projet. Pour conclure chaque entente, on tiendra un référendum dans la communauté.
     
  • Toute entente ERA doit prévoir des canaux de communication pour faciliter le respect des mesures d’atténuation, l’octroi d’un volume minimum de contrats, la mise en application de mesures d’emploi et pour divers autres sujets. Par exemple, un comité saumon, une société de gestion des fonds, un comité d’intégration en emploi, etc. Une participation active aux comités avec des représentations empreintes de franchise permet de faire progresser les dossiers à la satisfaction des deux parties.
       
  • Des opportunités d’affaires se dessinent pendant la négociation de l’ERA et après sa conclusion. Bien avant de saisir toute occasion de contrat ou d’investissement, la communauté choisit des partenaires avec le plus grand soin. Ces partenaires sont toujours minoritaires et ils comprennent qu’ils doivent favoriser l’acquisition de compétences des Innus d’Ekuanitshit par la formation et ils doivent offrir un encadrement approprié. Aussi, ils doivent soutenir les membres de la communauté qui ont un esprit d’entrepreneur en leur permettant de réaliser des contrats à leur portée et en facilitant leur développement.
     
  • À Ekuanitshit, la SGE s’est éloignée physiquement du Conseil des Innus. Des règles de gouvernance sont adoptées et appliquées respectueusement. Le népotisme est contenu avec discernement.
     
  • La SGE est une organisation apprenante et la persévérance dont elle fait preuve vient à bout de toutes les difficultés. Cette persévérance mène à la pérennité de chacune de ses entreprises.

Les bonnes pratiques en matière de GRH et d’intégration des Innus

  • De la diversification économique découle une offre d’emploi très variée qui répond aux aspirations de la majorité des membres de la communauté, donc qui maximise les emplois. 
     
  • Des journées d’information sont organisées régulièrement au profit des membres de la communauté qui s’intéressent aux résultats des entreprises communautaires et aux opportunités potentielles de carrière, ce qui a comme résultat de développer leur sentiment d’appartenance envers leurs entreprises en plus d’ouvrir leurs horizons de carrière.
     
  • Toute entente ERA doit prévoir des fonds de formation, indispensables pour le développement des compétences d’une main-d’œuvre qui a eu peu de contacts avec l’extérieur. 
     
  • Un conseiller en emploi innu est normalement prévu dans une entente ERA. Il est affecté à l’application de mesures en matière d’intégration et de maintien en emploi.
     
  • Les Innus d’Ekuanitshit sont invités à choisir une carrière à long terme avec le concours d’un conseiller en emploi et formation qui travaille étroitement avec les acteurs de l’éducation et de la formation professionnelle de la communauté ou de la région. La main-d’œuvre de la communauté développe progressivement des compétences de plus en plus spécialisées et les emplois sont de mieux en mieux rémunérés et aussi plus stables.
     
  • Un travailleur social à plein temps et un psychologue à temps partiel (l’un ne remplaçant pas l’autre) rencontrent les travailleurs innus, parfois pendant les heures de travail, pour les aider dans leur cheminement professionnel et personnel en mettant l’accent sur la qualité de la prestation de travail et l’équilibre de leur vie personnelle.
     
  • Toujours de mise, les pratiques courantes de toute bonne entreprise en matière de programmes d’intégration et de politiques de gestion des ressources humaines sont appliquées avec beaucoup de doigté et de discernement.
     
  • Un conseiller en suivi de projets accompagne les superviseurs et les gestionnaires des différentes entreprises communautaires relativement à l’encadrement des travailleurs innus, notamment en matière de gestion de la discipline qui présente des défis d’adaptation.
     
  • Certaines entreprises communautaires filiales de la SGE retiennent les services d’un agent de liaison innu pour soutenir les efforts des uns et des autres en matière d’intégration.
     
  • Un programme de reconnaissance accorde des distinctions aux gestionnaires méritants en matière d’intégration et aux employés performants en matière de développement de carrière.

Toutes les ressources d’encadrement au sein de la SGE forcent les superviseurs et les gestionnaires québécois à s’adapter à la réalité autochtone et à rechercher constamment des solutions innovantes et porteuses pour résoudre des problématiques particulières. La SGE identifie et forme des cadres affectés à la communauté et respectueux des employés innus.

En fin de compte, le programme mis en place par la SGE est un modèle intéressant parce que la société multiplie ses stratégies d’intégration et qu’elle utilise sans ménagement plusieurs types de ressources professionnelles pour s’assurer des meilleurs résultats.

Gilbert Leblanc, CRHA, consultant pour la Société des entreprises innues d’Ekuanitshit (SEIE)

Source : Effectif, volume 17, numéro 5, novembre/décembre 2014.


Gilbert Leblanc, CRHA Conseiller en ressources humaines Gilbert Leblanc, CRHA