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Vers une ville écoresponsable…

Le maire de Saguenay désirait l’adhésion de son personnel afin d’établir un réel partenariat et de diminuer la résistance au changement. Après de nombreuses recherches et discussions, une démarche participative est apparue comme l’outil à privilégier.

29 juin 2011
Nancy Bourgeois, André Barrette, François Hains

Les grandes étapes de la démarche


La philosophie même du développement durable implique la propre prise en charge de l’individu, sa responsabilisation, afin qu’il devienne un acteur et un agent de changement.

Le mode traditionnel de réalisation d’études dans une organisation de l’ampleur de Saguenay suit généralement un processus préétabli : nomination d’un chargé de projet, réalisation d’études spécifiques, présentation de résultats et définition d’un plan d’action. Lorsque le processus se veut plus élargi, on sélectionne des membres de l’organisation pour discuter des résultats et les sensibiliser à la démarche. L’organisation essaie, par la suite, de convaincre le personnel du bien-fondé du processus, souvent avec des résultats mitigés.

La démarche retenue par Saguenay se voulait simple et efficace. Aucune étude ne serait réalisée. Aucun résultat prédéterminé. Saguenay a fait le choix de faire confiance à son personnel, de miser sur la maturité des individus et de travailler avec l’intelligence collective.

C’est donc avec l’expérience et les connaissances de chacun que se réaliserait la démarche d’écoresponsabilité. L’objectif n’étant pas de réaliser un plan quinquennal d’intervention parfait, mais de cibler des actions rapides, à court terme, sur lesquelles on pouvait agir immédiatement. Les petites victoires partagées ont plus d’effet mobilisateur que les programmes de sensibilisation très complexes.

Une équipe réduite
Une des clés du succès de la démarche fut de confier sa coordination à une équipe de travail réduite composée d’un directeur et d’une professionnelle et de trois experts : une spécialiste en développement durable pour les questions de contenu, une employée du Service des communications pour appuyer le volet promotionnel de la démarche et un consultant spécialisé en processus collaboratifs.

Validation
Afin de s’assurer de l’adhésion de l’appareil administratif à la formule privilégiée, l’équipe a rencontré la Direction générale, les cadres des différents services, les représentants syndicaux et les élus municipaux. À ce stade, l’équipe de travail s’est adjoint des aidants (leaders) à la démarche et s’est assurée de la clarté des mandats, des objectifs à atteindre et des rôles de chacun.

De plus, une équipe de validation, formée d’employés provenant des divers services a été formée. Représentative de l’organisation municipale, elle valide l’équipe de coordination dans son approche, et ce, à tous les niveaux. De même, elle s’assure que tous les employés de la Ville qui désirent s’impliquer dans la démarche peuvent le faire, que les outils de communication utilisés sont efficaces et atteignent tout le monde.

Sensibilisation
Dans le but de sensibiliser les acteurs municipaux à la question du développement durable, de mettre leurs connaissances à jour et de les inviter à réfléchir sur l’écoresponsabilité, une douzaine de capsules vidéo ont été produites et diffusées dans le site Internet de la Ville.

Chacune des capsules aborde un thème de développement durable pour permettre à tous de s’en imprégner et d’augmenter ainsi leur sensibilité face aux enjeux qui y sont rattachés.

Participation
Ensuite, tous les employés, cols bleus, cols blancs, policiers, pompiers, cadres et élus municipaux ont été invités à participer à des ateliers au cours desquels ils devaient répondre à la question suivante : comment faire de Saguenay une organisation écoresponsable?

Pour la tenue de ces ateliers, l’équipe de coordination a retenu la formule du forum ouvert, une approche collaborative qui permet d’explorer et de prioriser les pistes de solutions d’un enjeu complexe en impliquant le maximum d’acteurs concernés, en temps réel. Cette approche maximise la responsabilisation des participants et fait appel à leur passion pour la thématique proposée. Le forum ouvert peut être utilisé avec des groupes allant de cinq à mille participants.

Au départ, il est important que tous les intéressés se sentent concernés. Ce n’est pas une obligation, mais bien une invitation à venir échanger qui a été lancée conjointement par le directeur général et le maire de la ville. Ainsi, les gens inscrits aux ateliers s’y sont présentés avec des préoccupations et des questions qui leur tenaient à cœur. Le déroulement des ateliers et la formule d’animation ont permis de créer un espace sécuritaire où chacun pouvait réfléchir et discuter des sujets qui le passionnent.

C’est lors de ces ateliers que la démarche est devenue concrète et bien réelle pour plusieurs employés et gestionnaires de la Ville, même s’ils en entendaient parler depuis plusieurs mois.

Les enjeux sur le plan des ressources humaines
Environ 1500 employés, alors à l’emploi, étaient susceptibles d’être intéressés à participer à la démarche. Le défi reposait sur la volonté réelle de libérer les employés de la municipalité afin qu’ils puissent y participer. Il fallait donc prévoir d’accorder du temps à tous ces employés tout en maintenant le service aux citoyens et s’assurer que tous ne soient pas pas libérés le même jour.

Une autre difficulté résidait dans la libération des employés qui travaillent la nuit ou le soir et de ceux, comme les policiers ou les pompiers, qui doivent être obligatoirement remplacés. De plus, allait-on payer des heures supplémentaires, le temps de déplacement, le repas du midi et les frais de kilométrage?

La Direction des ressources humaines a donc été sollicitée pour définir les règles à utiliser par l’ensemble des gestionnaires. On a d’abord établi qu’il appartient à chaque service de déterminer si les employés inscrits peuvent être libérés, en tenant compte de ses besoins opérationnels et du service aux citoyens. L’autre considération était de faire en sorte que la libération ne génère pas de coûts additionnels, tels que le remplacement de l’employé ou des heures supplémentaires.

L’équipe de coordination a rencontré les directeurs de tous les services et les représentants syndicaux pour leur présenter la démarche, le concept des ateliers et les paramètres fixés pour la libération des employés.

Chaque employé était libéré à compter de 8 h 30 le matin, le dîner était fourni et l’activité se terminait au plus tard à 15 h 30. Même si les employés terminent en majorité à 16 h 30, il ne leur était pas demandé de retourner au travail, cette heure libre compensant pour le temps de déplacement. Aucune allocation de déplacement ne fut payée et, puisque le repas était inclus et que l’activité était libre, aucun temps supplémentaire ne fut accordé pour l’heure du repas.

Les retombées observées jusqu’à présent
Les retombées positives des ateliers ont été immédiates : « je ne croyais pas que le projet pourrait être aussi intéressant », « demain, j’agis », voilà certains commentaires des participants. Les témoignages des trois cents participants aux ateliers ont confirmé l’efficacité de la formule retenue.

L’objectif de sensibilisation du maire a été largement atteint : près de 30 % des participants ont manifesté leur intention de poursuivre activement la démarche dans un futur atelier de priorisation des actions.

Au cours des trois jours d’atelier, l’équipe de travail a comptabilisé plus de cinq cents propositions émanant des échanges dans près de soixante rapports d’atelier. Précisons que les participants ont bien ciblé les buts à atteindre et que le répertoire des actions proposées est crédible et réalisable.

Maintenant, les employés sont sensibilisés à l’écoresponsabilité et, pour sa part, la municipalité est maintenant dotée d’une panoplie de recommandations et d’actions que son personnel est prêt à mettre de l’avant.

Ajoutons que la démarche en soi a eu des impacts positifs, car des services ont déjà entrepris des modifications à leur processus sans attendre les résultats des ateliers.

D’ailleurs, la formule de participation active du personnel soutenue par la qualité d’animation du consultant est déjà envisagée pour d’autres processus municipaux.

Les étapes à venir
Les résultats des ateliers doivent maintenant trouver leur sens dans le quotidien des employés. Une stratégie de mise en place suivra les ateliers pour prioriser les actions et les initiatives proposées.

Une nouvelle rencontre aura lieu à cette fin avec une partie des employés présents lors des ateliers. La priorisation vise à établir des actions à court, moyen et long termes pour une période de six à vingt-quatre mois et à proposer une stratégie de mise en œuvre des priorités retenues.

Par la suite, la Direction générale et le conseil municipal s’engageront à mettre de l’avant et à promouvoir les priorités retenues.

Un cycle continu devrait par la suite s’inscrire dans le processus municipal et une révision des priorités et de leur traitement sera réalisée annuellement. Par ce processus continu, l’apprentissage s'effectuera et permettra un raffinement graduel du contenu des priorités municipales.

En conclusion…
Le mode hiérarchisé et la responsabilisation inhérente des directions ont créé une centralisation décisionnelle. L’employé se sentant de moins en moins garant de ses actions et limité dans ses initiatives ne se responsabilise plus. La démarche a permis de renverser ce modèle et de transférer l’initiative et le lieu décisionnel aux intervenants. Il a permis un riche partage des connaissances de chacun et du respect des expertises respectives. Les employés se sont sentis considérés dans la démarche et cette confiance qui s’est installée sera une garantie du succès de l’opération.

Nancy Bourgeois, conseillère à l’environnement et André Barrette, directeur, ressources humaines, Ville de Saguenay, François Hains, directeur du commercial et service, Promotion Saguenay, Etienne Beaulieu, CRHA, associé, consultant en développement organisationnel, Grisvert

Source : Effectif, volume 14, numéro 3, juin/juillet/août 2011.


Nancy Bourgeois, André Barrette, François Hains