ressources / revue-rh / volume-19-no-3

Recrutement : quand le numérique s’impose

Si la technologie améliore les pratiques de recrutement, elle engendre aussi une nouvelle complexité. Cet article vous présente certains outils incontournables.

26 août 2016
Sébastien Savard, CRHA

Le métier de recruteur devient de plus en plus complexe, mais pourquoi? Pourant, le processus de recrutement tel qu’on le connaît est le même depuis des années… Identification des besoins, affichage, réception et analyse des curriculum vitæ, entrevue téléphonique, rencontre, tests, références et offre… Un processus un peu endormant à la fin! La lente évolution du recrutement et son aspect routinier expliquent sans doute que plusieurs professionnels RH le perçoivent encore comme un métier transactionnel. Cependant, depuis quelques années, l’arrivée de la technologie est venue révolutionner la pratique.

Concrètement, la technologie améliore les pratiques, mais elle engendre aussi une nouvelle complexité. Les professionnels RH peuvent maintenant s’appuyer sur une panoplie d’outils technologiques afin de pourvoir leurs postes vacants de façon plus efficace. Il est parfois difficile de s’y retrouver parmi tous ces outils technologiques, qui évoluent chaque jour. On compte différents axes de la numérisation du recrutement et les professionnels en acquisition de talents devront en tenir compte dans les années à venir. Voici certains incontournables.

  • Données prédictives : analyse des mégadonnées sur le recrutement, tableau de bord, analytique
  • Repérage (sourcing) et recrutement proactif (pipelining) : approche de candidats passifs, gestion des relations client/candidat (GRC), gestion de bases de données candidats
  • La présence web de la marque employeur
  • L’évaluation automatisée des candidats

La décision basée sur des faits : le DATA

Plusieurs nouveaux outils de recrutement sont tendance et pourraient clairement aider les entreprises. Mais comment sélectionner les bonnes solutions technologiques et déterminer les sommes à y investir? De prime abord, il est essentiel de se poser les bonnes questions :

  • Quelles sont les orientations stratégiques et priorités de mon organisation concernant l’acquisition de talents?
  • Quels sont les objectifs de recrutement à atteindre?
  • Quels sont les postes clés à pourvoir dans la prochaine année?
  • Quelles sont les sources d’embauche et d’affichage les plus pertinentes?
  • Pour chaque site d’emploi, combien ai-je réalisé d’embauches, combien ai-je rencontré de candidats, combien y a-t-il de candidats pertinents par rapport aux non pertinents et de candidats ayant soumis leur candidature?
  • Quel est mon délai moyen d’embauche et où est-ce que je me situe dans mon industrie?
  • Quelle est la proportion de candidats actifs embauchés par rapport aux candidats passifs?
  • Quel est le taux de réponse des candidats passifs?
  • Quel est le délai moyen de réponse des gestionnaires à la proposition de candidats?

Une fois que les principaux enjeux de l’entreprise en matière de recrutement seront ciblés au moyen de cette liste de questions, il sera temps de voir ce que la technologie peut apporter.

Avant d’aller plus loin, petite parenthèse. Si on n’arrive pas à répondre à ces questions, c’est signe que l’organisation ne récolte pas ou n’analyse pas ses informations concernant le recrutement. Pour y parvenir, voici une première solution technologique : la mise en place d’un tableau de bord permettant de prendre des décisions éclairées basées sur des faits. Comment? D’abord, récolter des données. Pour y parvenir, il faut mettre ses fournisseurs à l’épreuve, chercher cette information à partir du système, des gestionnaires, de son équipe. Ensuite, faire un minimum d’analyse de ces données. À cet effet, le système de suivi candidat (candidate tracking system ou ATS) peut faire une partie du travail et s’il n’y en a pas dans l’organisation, on peut simplement bâtir un tableau Excel. Il est très important qu’une première numérisation des pratiques touche l’analyse des données sur le recrutement : mesurer, mesurer, mesurer… En plus, on gagnera en crédibilité auprès de ses gestionnaires. Fin de la parenthèse.

Bonne nouvelle, grâce à ce tableau de bord détaillé, le recruteur ne prend plus ses décisions à l’aveuglette, il peut connaître ses données sur le recrutement par poste, par région, par unité d’affaires (voir figure 1). Maintenant, il est possible de passer aux choses sérieuses.

Figure 1

Prioriser, prioriser et prioriser encore

De nouveaux outils technologiques arrivent sur le marché chaque semaine. Il est donc important pour une entreprise de bien choisir les solutions dans lesquelles elle désire investir en maintenant le cap sur son objectif utile, soit embaucher les meilleurs talents le plus rapidement possible.

Pour l’affichage et la diffusion des offres d’emploi, plusieurs possibilités de sites généralistes et spécialisés sont accessibles. La nouvelle tendance est certainement aux agrégateurs d’emploi comme Indeed et Neuvoo qui feront une bonne partie du travail. En plus, ces agrégateurs proposeront des bases de données très intéressantes pour faire du sourcing. Important, il est fortement suggéré de prioriser les agrégateurs et sites spécialisés aux sites généralistes. Il faut également s’assurer de négocier l’affichage automatique des postes afin d’épargner du temps.

Ce n’est plus un secret pour personne, le repérage de talents (sourcing) est en vogue. L’avènement des réseaux sociaux vient révolutionner le monde. La recherche de candidats passifs est une science, l’approche de ceux-ci est un art et elle évolue tous les jours au même titre que les technologies qui la supportent. Plusieurs outils permettent de réaliser de véritables miracles lors de la recherche et de l’approche de candidats. En voici une courte liste non exhaustive :

Connectifier : un plugiciel (plug-in) qui rassemble sur une interface unique les profils de réseaux sociaux d’une personne ainsi que ses coordonnées.

Profilr : un outil qui permet de générer des requêtes booléennes pour prospecter sur LinkedIn, Viadeo, Google+ à partir de Google. Plus nécessaire de connaître les booléennes et lignes de code sur le bout de ses doigts.

Sourcing : un agrégateur de profils qui permet de faire des requêtes et de trouver des profils qui font la synthèse de tous les profils d’une personne. Comparable à Connectifier.

Prophet : l’outil qui permet de trouver les autres présences sociales d’un profil LinkedIn, Twitter ou Facebook et qui suggère l’adresse courriel du candidat.

Sidekick : une simple application qui indique au recruteur si ses candidats ou ses clients ouvrent ses courriels.

Au-delà du repérage de talents

Le repérage n’est pas la solution à tous les problèmes d’acquisition de talents. Il est important de se poser les bonnes questions avant de se lancer. La figure 2 ci-dessous peut être utilisée comme point de départ afin de cartographier les postes à pourvoir au sein de l’organisation en fonction de leur importance stratégique et de leur abondance sur le marché. Ainsi, il sera plus facile de prendre la décision relativement à la pertinence de procéder ou non à du repérage de talents.

Pour des postes stratégiques en pénurie sur le marché, il est évident qu’une approche traditionnelle du recrutement (affichage et attente de curriculum vitæ) est vouée à l’échec. Pour un poste non stratégique où l’abondance de candidats sur le marché est prouvée, il est inutile d’investir du temps en sourcing.

La décision est cependant plus difficile dans le cas des postes stratégiques en abondance ou non. La question suivante devrait alors guider la réflexion du recruteur : puis-je me permettre d’embaucher le meilleur talent intéressé et disponible ou dois-je embaucher le meilleur talent du marché?

Et le recrutement proactif dans tout ça?

Le recrutement proactif (pipelining) demande du temps et des outils afin de bien gérer les profils potentiels. Un système de gestion des relations candidat/client (GRC) et un système de suivi des candidats (candidate tracking system ou ATS) efficaces sont essentiels pour organiser les banques de candidatures et éviter la perte de temps reliée à ce type d’activité. La liste de GRC est longue et les ATS offrent de plus en plus la possibilité d’organiser les candidatures de manière proactive. Une chose est certaine, si l’ATS accepte les candidatures spontanées, il doit permettre également la gestion de ces candidatures en mode GRC. Sinon, il faut changer d’ATS.

Il est également fondamental d’aligner les pipelines sur les enjeux d’affaires et les priorités de l’organisation. Le recrutement proactif doit être soutenu par une stratégie et des objectifs clairs reliés à ce que l’on veut accomplir. Par exemple, réduire le temps de dotation, se faire connaître sur le marché, améliorer l’expérience candidat, etc.

Top 3 priorités recrutement 2016

  • 32 % - Utilisation des médias sociaux
  • 15 % - Recrutement des candidats passifs
  • 14 % - Page employeur

*Source : Enquête Tendances en matière de recrutement, Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, 2016

Employeur de choix… numérisé

L’attraction des meilleurs talents passe aussi par l’image de l’entreprise en tant qu’employeur. Une stratégie globale de marketing employeur en 2016 ne peut plus faire abstraction de la dimension numérique. Les entreprises qui veulent joindre les talents – et les générations plus jeunes – doivent maintenant être présentes sur les réseaux sociaux, exposer une image attractive sur leur site web, produire du contenu et générer des campagnes numériques.

Les annonces dans les journaux ou les banderoles « Nous embauchons » font place à la ludification, aux pages Facebook, à PlugIn Recruter et au LinkedIn Job Slot. Le contenu est beau, les messages innovants et les réseaux de diffusion variés. Encore une fois, la marque employeur doit être appuyée par une stratégie globale, un exercice de proposition de valeur et une profondeur afin que le message clé soit aligné sur la réalité. Autrement, les glassdoor.com et RateMyEmployer.ca de ce monde ramèneront l’entreprise sur terre assez rapidement.

Les bons canaux de diffusion et les bons réseaux sont aussi importants que le message et l’image choisis. Les bons candidats sont-ils vraiment sur Facebook, LinkedIn, Twitter ou sur le site web de l’entreprise?

On ne doit jamais oublier que l’entreprise possède une empreinte numérique et projette une image. À elle de décider ce que les gens y verront.

La finale

En résumé, la numérisation du recrutement fournit une carte supplémentaire au professionnel RH. Il est important pour lui d’être à l’affût et de faire les bons choix, mais aussi de garder en tête que l’humain est au centre de ces stratégies. La machine peut faciliter son travail de façon significative, mais il ne peut pas s’en remettre entièrement à elle quant au choix des personnes qui peupleront l’organisation.

L’adéquation avec les valeurs et la culture d’entreprise, les parcours atypiques et les compétences transversales demeurent des aspects intangibles que seul l’oeil humain peut jauger.


En savoir plus


Sébastien Savard, CRHA

Source : Revue RH, volume 19, numéro 3, juin/juillet/août 2016