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Le CRHA ou CRIA appelé à témoigner devant le tribunal

Les CRHA et CRIA interviennent quotidiennement sur des questions sensibles. Il arrive donc qu’ils soient assignés comme témoins devant la Cour, concernant par exemple des mandats d’enquête en matière de harcèlement psychologique, mais aussi des cas de congédiements ou d’accidents de travail.
29 mai 2018

Matteo Ortiz*, CRIA est un consultant spécialisé en enquête interne à la suite d’une plainte pour harcèlement au travail. En mars dernier, Matteo a été mandaté par le directeur RH d’une PME pour faire enquête sur une situation de harcèlement psychologique. Une fois son enquête terminée, Matteo remet au directeur RH un rapport qui conclut qu’il y avait effectivement présence de harcèlement. Quelques mois plus tard, le directeur RH appelle Matteo pour lui annoncer que son rapport a été contesté par l’employé accusé de harcèlement et qu’il sera appelé à témoigner. Mal à l’aise avec cette idée, Matteo se demande comment agir…

En tant que membre de l’Ordre, Matteo a plusieurs obligations déontologiques à respecter lorsqu’il effectue une enquête en matière de harcèlement au travail. Le Code de conduite en matière d’enquête interne à la suite d’une plainte pour harcèlement au travail énonce plusieurs devoirs et obligations que Matteo a dû respecter lors de cette enquête. Par exemple, selon l’article 5, il a dû déterminer, avec le mandant, les paramètres du mandat, notamment en établissant son rôle à titre de CRIA et en reconnaissant l’application du secret professionnel tout au long du processus d’enquête, y compris au rapport final. Puis, en vertu de l’article 18, Matteo a dû faire signer un engagement de confidentialité aux parties, à leurs accompagnateurs et aux témoins.

Comme la citation à comparaître est un ordre de la Cour, Matteo doit impérativement se présenter au tribunal à la date indiquée et s’il y a lieu, apporter les documents demandés. Communiquer avec la partie qui l’a assigné pour déterminer précisément sur quoi son témoignage portera pourrait le rassurer et lui permettre de mieux se préparer.

Que faire si le procureur de l’employé lui pose des questions sur son mandat d’enquête? Matteo doit éviter de participer à des conversations indiscrètes au sujet d’un client et des services qui lui sont rendus, comme le prévoit l’article 51 (3) du Code de déontologie. De plus, en vertu de l’article 9 de la Charte des droits et libertés, de l’article 60.4 du Code des professions et de l’article 51 du Code de déontologie, Matteo doit préserver le secret professionnel quant aux renseignements de nature confidentielle qui viennent à sa connaissance dans l’exercice de sa profession. Puisque tout n’est pas protégé par le secret professionnel, il doit identifier les informations qui le sont en préparation de son témoignage. À cet effet, il pourra consulter le site web de l’Ordre, à la section « Ressources | Déontologie et éthique ». Il pourra aussi communiquer avec le Bureau du syndic pour toute question en lien avec ses obligations déontologiques.

Saviez-vous que…

Vous ne pouvez pas opposer le secret professionnel dans le cadre d’une inspection professionnelle ou d’une enquête du syndic (art. 192 du code des professions)?

L’article 60.4 du Code des professions prévoit que Matteo n’est autorisé à discuter de son mandat que si son client y consent ou lorsque la loi l’ordonne. Ainsi, si le client ne l’autorise pas, il n’a pas à divulguer l’information confidentielle en lien avec son enquête au procureur de l’employé qui l’a assigné.

Si son client ne le relève pas de son secret professionnel, il est primordial que lors de son témoignage, Matteo informe le juge qu’il est membre de l’Ordre et invoque son obligation de préserver le secret professionnel relativement au mandat d’enquête. Le juge déterminera alors si l’intérêt de la justice commande ou non que les informations soient divulguées. S’il l’ordonne, Matteo devra témoigner et divulguer des informations protégées par le secret professionnel, puisque la loi l’y oblige. Il est en effet possible pour un juge d’exceptionnellement lever le secret professionnel afin d’établir la vérité.

Enfin, puisque le respect du secret professionnel du CRHA ou CRIA est primordial pour la protection du public, Matteo pourrait aviser l’Ordre qui suivra avec intérêt son dossier.

3 conditions pour qu’une information soit protégée par le secret professionnel :

  1. Elle s’inscrit dans le cadre de la relation entre un CRHA|CRIA et son client.
  2. L’information communiquée est voulue confidentielle.
  3. L’opinion du CRHA|CRIA est recherchée en raison de sa profession.

*Noms fictifs

N. B. : Les mesures figurant dans cet article ne sont pas exhaustives, elles sont simplement citées à titre d’illustration.


Source : Revue RH, volume 21, numéro 2, avril/mai/juin 2018