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Quelques façons de réduire les coûts des lésions professionnelles

Les lésions professionnelles peuvent constituer un centre de coûts important pour une entreprise. Certaines lésions professionnelles sont inévitables, malgré les efforts de prévention. Les demandes de partage et de transfert d’imputation peuvent cependant permettre à un employeur de récupérer des sommes importantes (parfois des centaines de milliers de dollars). Voici une revue express des options qui s’offrent à lui, présentée sous forme d’aide-mémoire pratique.
5 décembre 2017
Élodie Brunet, CRHA

 Options de partage ou de transfert d’imputation

Un employeur peut demander à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) un partage ou un transfert d’imputation de tous les coûts ou d’une partie des coûts d’une lésion professionnelle dans les situations suivantes.

  1. Le travailleur était, au moment de la survenance de sa lésion professionnelle, porteur d’un handicap préexistant (condition personnelle hors norme biomédicale) qui a eu des conséquences sur la survenance de la lésion professionnelle, la prolongation de sa période de consolidation (guérison ou stabilisation) ou l’aggravation de ses conséquences (atteinte permanente ou limitations fonctionnelles, incapacité à retourner à l’emploi pré-lésionnel, etc.)[1]. Une telle demande doit être faite par un écrit motivé adressé à la CNESST avant l’expiration de la troisième année qui suit l’année de la survenance de la lésion.
  2. L’imputation à un employeur particulier est injuste[2], car :
    1. l’accident du travail est attribuable à un tiers [les circonstances de l’accident doivent être exceptionnelles, rares ou inusitées (piège, acte criminel, guet-apens) et étrangères aux risques inhérents des activités de l’employeur];
    2. l’imputation a pour effet de l’obérer injustement, en raison d’une situation d’injustice étrangère aux risques que l’employeur assume habituellement dans le cadre de ses activités, telle que (liste non exhaustive) :
      • l’interruption de soins et traitements en raison d’une « maladie intercurrente »;
      • l’interruption de l’assignation temporaire en raison d’une condition médicale personnelle (ex. : cancer) ou du comportement du travailleur (ex. : congédiement du travailleur pour une cause juste et suffisante[3]);
      • la survenance de la lésion uniquement due à la négligence grossière et volontaire du travailleur;
      • l’imputation injuste des coûts découlant d’une maladie professionnelle, compte tenu de la durée du travail chez l’employeur et de l’importance du danger que présentait ce travail.

L’employeur qui présente une telle demande doit le faire au moyen d’un écrit motivé dans l’année suivant la date de l’accident. Ce principe pourrait cependant être modifié lorsque la Cour d’appel du Québec rendra sa décision dans l’affaire Supervac 2000[4].

Autres situations où un transfert d’imputation peut être accordé

Les situations suivantes peuvent également donner lieu à une désimputation des coûts d’une lésion, en principe sans que l’employeur n’ait à en faire la demande à la CNESST. L’employeur bien avisé doit cependant connaître ces situations afin d’être en mesure de prendre les mesures appropriées (y compris faire une demande écrite et motivée) dans l’éventualité où la CNESST tarderait à procéder au transfert de coûts, ou refuserait ou négligerait de le faire.

  1. La lésion professionnelle survenue par le fait ou à l’occasion de soins que le travailleur reçoit pour une lésion professionnelle, ou de l’omission de tels soins, ou d’une activité prescrite dans le cadre de traitements médicaux ou d’un plan individualisé de réadaptation[5].
  2. La maladie professionnelle[6] : l’imputation des coûts résultant d’une maladie professionnelle reflète, en principe, le degré de « responsabilité » d’un employeur. À titre d’exemple, si le travailleur souffre d’une surdité professionnelle en raison de son exposition au bruit dans le cadre d’un emploi de journalier et qu’il a été exposé au bruit en tant que journalier chez cinq employeurs, l’imputation des coûts de cette surdité doit être proportionnelle à la durée de ce travail et à l’importance de l’exposition au bruit chez chacun des cinq employeurs.
  3. La lésion est survenue à l’occasion d’un « désastre »[7] : les coûts d’une lésion professionnelle qui résulte d’un désastre sont, en principe, désimputés. La CNESST interprète ce terme comme un « phénomène spectaculaire », tel un « fléau » ou un « cataclysme », qui entraîne le décès de plusieurs travailleurs de la même entreprise, sans que l’employeur n’ait pu faire quoi que ce soit pour empêcher ledit désastre.

Conclusion et considérations pratiques

Bien que les demandes de partage de coûts ou de transfert d’imputation puissent s’avérer complexes ou techniques, elles peuvent avoir un impact important lorsqu’il est question de réduire les coûts liés à l’indemnisation de lésions professionnelles. Le gestionnaire a donc tout avantage à :

  • bien connaître les options dont peut se prévaloir l’entreprise;
  • faire, lorsque requis, des demandes à la CNESST, dans les délais fixés;
  • contester les décisions de la CNESST devant le Tribunal administratif du travail, si nécessaire;

À propos de l’auteur

Me Élodie Brunet, CRHA est avocate au sein du secteur droit du travail et de l’emploi du bureau de Montréal de Lavery Avocats. Elle conseille une clientèle majoritairement composée d’employeurs relativement à divers enjeux juridiques liés au droit de l’emploi, aux relations du travail ainsi qu’à la santé et à la sécurité du travail. Me Brunet a traité ou plaidé avec succès plusieurs dossiers de partages de coûts ou de transferts d’imputation. Elle peut être jointe par téléphone [514 878-5422] ou par courriel [ebrunet@lavery.ca]. Pour en savoir plus sur Lavery : lavery.ca.


Élodie Brunet, CRHA Avocate en droit de l'emploi Autorité des marchés financiers

Me Élodie Brunet, CRHA et avocate, est spécialisée en droit du travail et de l'emploi chez Lavery Avocats. Elle conseille une clientèle variée principalement composée d'employeurs concernant divers aspects du droit de l'emploi et des rapports collectifs de travail. Elle agit pour le compte d'employeurs devant les tribunaux administratifs et les tribunaux civils et conseille les employeurs dans le cadre de réclamations ou de démarches tant en matière de lésions professionnelles que de santé et sécurité du travail, incluant les dossiers d'inspection par la CNESST et de plaintes pénales qui peuvent y faire suite. Elle donne régulièrement des conférences et des formations.


Source :

1 Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), RLRQ, c. A-3.001, art. 329.

2 LATMP, art. 326.

3 La jurisprudence a déjà statué, à plusieurs reprises, qu’il serait injuste qu'un employeur soit imputé des coûts inhérents au versement de l'indemnité de remplacement du revenu au travailleur lorsqu’il lui est devenu impossible de l'assigner temporairement à cause du bris du lien d'emploi avec ce dernier.

4 2013 QCCLP 6341 (requête en révision judiciaire rejetée (C.S., 2014-12-16) 200-17-019337-138, 2014 QCCS 6379; requête pour permission d’appeler accueillie (C.A., 2015-02-11) 200-09-008909-159, 2015 QCCA 248; audition sur l’appel reportée (C.A., 2016-12-06) 200-09-008909-159, 2016 QCCA 1981). Selon les derniers renseignements disponibles, une audience a été fixée le 23 novembre 2017.

5 LATMP, art. 327.

6 LATMP, art. 328.

7 LATMP, art. 330.