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SST : implanter la bienveillance en milieu de travail

Bien que les mentalités aient progressé, la santé mentale reste un enjeu délicat en milieu de travail. Cependant, des actions simples peuvent considérablement contribuer à l’amélioration du bien-être des employées et employés.
30 avril 2024
Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

Bien que de grands progrès aient été accomplis au cours des dernières années, attribuables notamment à une évolution des mentalités, la santé mentale demeure le parent pauvre de la santé et de la sécurité au travail. De petits gestes peuvent toutefois faire en sorte d’améliorer le quotidien des travailleuses et travailleurs.

« La santé mentale est aussi importante, sinon plus, que la santé physique parce que ce sont des choses qu’on ne voit pas nécessairement, même si elles se produisent et peuvent avoir un effet sur le corps », estime Nancy Boisvert, psychologue clinicienne et directrice des programmes de santé psychologique chez Olympe, une firme spécialisée dans les solutions de santé et mieux-être pour les entreprises.

« Il y a une constante interaction entre notre santé physique et notre santé mentale », renchérit son collègue Antoine Bilodeau, kinésiologue et gestionnaire.

De nombreux sondages et plusieurs études démontrent que pratiquement tout le monde est désormais en proie à une forme de stress, qu’elle survienne en milieu de travail ou à l’extérieur.

En effet, près de trois personnes sur quatre (74 %) vivant au Canada sont affectées par le stress, relève Antoine Bilodeau. « Peu importe l’origine des facteurs de risque, la combinaison de plusieurs d’entre eux peut entraîner un cocktail explosif », dit-il.

Anxiété, dépression, troubles du sommeil, problèmes de poids, perte d’appétit, maladies coronariennes, fatigue extrême, diabètes et autres problèmes de santé physique peuvent découler d’une question liée à la santé mentale.

« Le stress à répétition finit par laisser sa trace dans le corps », résume Nancy Boisvert.

Tout est question d’équilibre

Antoine Bilodeau estime que de prendre soin de sa santé globale, donc aussi bien physique que psychologique, est un exercice qui s’échelonne sur toute une vie. Ce faisant, « chaque minute investie dans sa santé a des retombées sur le reste de notre vie », affirme le kinésiologue.

Le diagnostic d’un trouble de santé mentale n’est plus une fatalité, souligne avec soulagement Nancy Boisvert. « Les gens ne sont plus définis par leur état; on s’éloigne de la stigmatisation », se réjouit-elle.

Désormais, une bonne santé mentale se définit plutôt par l’atteinte d’un équilibre entre les facteurs de risque susceptibles de nous affecter et les facteurs de renforcement.

« Notre capacité à trouver des moyens pour bien vivre les changements, les défis et l’adversité protège notre santé mentale, et ces moyens peuvent être très différents d’une personne à l’autre », relève Antoine Bilodeau.

Charité bien ordonnée commence par soi-même

En entreprise, l’empathie est une qualité qui s’impose face aux questions de santé mentale et est de plus en plus recherchée. Les gestionnaires doivent être en mesure de reconnaître les signes avant-coureurs de détresse et mettre en place des démarches pour soutenir la santé mentale de leur personnel.

Or, le cordonnier est souvent mal chaussé, alors que 70 % des gestionnaires sont susceptibles d’être aux prises avec des difficultés associées au stress, révèlent des chiffres avancés par la firme LifeWorks et cités par Nancy Boisvert. « Beaucoup de gestionnaires sont mal outillés pour soutenir les membres de leurs équipes parce qu’elles et ils ne sont même pas en mesure de s’aider eux-mêmes », précise la psychologue. « C’est important de soutenir son équipe, mais comme gestionnaire, c’est important de considérer sa propre santé », ajoute Antoine Bilodeau.

Quelle que soit la position qu’on occupe dans une organisation, il importe de prendre régulièrement un moment pour se déposer et « revenir vers soi » par rapport à sa santé globale, souligne Nancy Boisvert.

Elle propose un exercice de pleine conscience, qui vise à s’arrêter quelques instants, à prendre de grandes respirations et à être à l’écoute de son corps, de ses émotions, de son ressenti. « Notre corps, notre tête et notre cœur nous parlent; il suffit de leur prêter attention », explique la psychologue. L’exercice, qui ne prend que quelques minutes, comme le fait de sortir pour aller marcher, faire de l’activité physique ou s’accorder du temps pour s’adonner à une activité qu’on aime et qui nous fait sentir bien, ne devrait pas se retrouver au bas de nos priorités.

« C’est une question mathématique : on ne peut pas toujours en rajouter sur notre liste de choses à faire, rappelle Nancy Boisvert. Alors pour libérer de la place pour ce qui fait une différence positive, il faut qu’on retire des choses de notre liste. Qu’on se choisisse. »

Le rythme effréné du quotidien, empli de tâches, de rencontres et de corvées, a pour effet d’oblitérer nos impératifs émotionnels. « On remet toujours ce moment pour soi à plus tard. Malheureusement, nombreux sont ceux et celles qui ont le réflexe de toujours en faire plus, de toujours en prendre plus, pour étouffer leur ressenti, fait observer Nancy Boisvert. Et c’est là un piège majeur. »

Les « superhéroïnes » et « superhéros », c’est-à-dire celles et ceux qui veulent tout accomplir, qui ne s’arrêtent jamais, qui ont du mal à déléguer et qui carburent à la performance, sont généralement les personnes qui reconnaissent le moins les signes avant-coureurs du surmenage, mentionne Nancy Boisvert, dont la clientèle est constituée de gens qui « ont frappé un mur » ou qui sont en voie de le faire.

« L’affaire, c’est que si je ne sais pas que j’ai rompu mon équilibre, je ne peux pas réagir en conséquence », note-t-elle.

Des pistes de solution

Antoine Bilodeau rappelle que peu importe le rôle occupé au sein d’une entreprise, on fait partie d’un tout. « Nous sommes tous en relation, et si une partie de la structure organisationnelle est plus faible, c’est l’ensemble de la structure qui s’affaiblit », dit-il.

Les professionnelles et professionnels de chez Olympe invitent travailleuses, travailleurs et gestionnaires à faire preuve de bienveillance à l’endroit de leurs pairs, que ce soit par la mise en place de mesures favorisant un meilleur équilibre ou par l’instauration d’un climat propice au dialogue et à l’ouverture.

« Nous ne sommes pas tous égaux face aux problèmes de santé mentale, rappelle Nancy Boisvert. Ce qui est facile pour moi ne l’est pas nécessairement pour mon prochain, et il faut en être conscient. C’est comme ça qu’on adopte une attitude d’ouverture et qu’on évite de juger l’autre. »

Les gens peuvent aussi mettre toutes les chances de leur côté en adoptant de meilleures habitudes de vie, qui comprennent une saine routine de sommeil, de l’activité physique, du grand air et des relations enrichissantes.

Aussi bien Nancy Boisvert qu’Antoine Bilodeau sont d’avis qu’une approche préventive est la meilleure manière d’éviter que le corps pâtisse d’une mauvaise santé mentale.

« La prévention, c’est une série de petits gestes au quotidien qui finissent par faire une grande différence, soutient Nancy Boisvert. Parfois, de simplement demander à sa ou son collègue comment elle ou il va, de lui faire part qu’on avait observé un changement dans son humeur, ça peut ouvrir la porte à des changements. »


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