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Partie 2 – Le leadership inclusif : l’assise

Encore 151 ans pour atteindre la parité : le moment est venu d’agir en ÉDI
7 mars 2023
Élisabeth Petit, CRHA

Comme nous l’écrivions dans notre premier article : plus que jamais, et parce que nous n’avons pas 151 ans devant nous, il est urgent de placer l’équité et l’inclusion à l’avant-plan et de positionner la société québécoise comme leader en matière de justice sociale afin d’ancrer une vision revitalisée du rôle des entreprises dans la contribution à une économie et une société plus justes et inclusives.

Pour y parvenir, il faut mettre en place des stratégies fortes en diversité, inclusion et équité (ÉDI) au sein des entreprises. L’assise de celles-ci est, en partie, le développement de comportements inclusifs.

Récemment, les auteur•e•s Sophie Brière, Bibiana Pulido et Benoit Savard soulignaient dans leur ouvrage[1] Biais inconscients et comportements inclusifs dans les organisations que le développement de ces comportements inclusifs passe par la combinaison des prédicteurs de changement tels que proposé par la Théorie du changement, et ce, sous trois catégories : la société, les organisations et les individus. The Diversity Institute de l’Université Ryerson nomme cette marche à suivre pour le changement : le modèle écologique pour effectuer le changement.[2]

Nous nous attarderons ici au prédicteur organisationnel et plus particulièrement au leadership inclusif puisqu’il ne fait aucun doute que cet élément revêt une grande importance dans le soutien aux changements.[3]  Non seulement cela, mais également de nombreuses études, dont celle de Deloitte,[4] soulignent que les comportements des dirigeant•e•s (cadres supérieurs ou gestionnaires) peuvent entraîner jusqu’à 70 points de pourcentage de différence entre la proportion d’employé•e•s qui se sentent fortement inclus•es et la proportion de ceux et celles qui ne le sont pas. Cet effet est encore plus fort pour les membres de groupe sous-représentés.

Bien que le leadership inclusif soit une expression relativement nouvelle en matière de modèle de leadership, certaines caractéristiques ressortent de manière relativement unanime dans la documentation telles que : l’engagement en faveur d’un traitement équitable, l’acceptation et l’appréciation des différences, l’ouverture, l’accessibilité, la disponibilité, la capacité à répondre aux besoins d’individualité tout en contribuant au développement d’un sentiment d’appartenance à un groupe. Ainsi, nous pouvons noter que les leaders inclusifs•ves sont plus enclins à créer un climat de confiance et de respect mutuel, ce qui favorise la communication ouverte et la collaboration entre les employé•e•s.[5]

En somme, les comportements de leadership inclusif sont étroitement liés à la justice sociale dans les milieux de travail puisque les leaders inclusif•ves reconnaissent les injustices sociales présentes dans nos sociétés et l’influence positive qu’ils et elles peuvent avoir sur l’égalité des chances, la prise de décisions équitables et la création d’un climat de confiance et de respect mutuel. Cela permet de favoriser une culture positive au travail, alors que chaque personne se sent valorisée et appréciée pour sa contribution unique.

En d’autres mots, le leadership inclusif contribue activement à la justice sociale dans les entreprises par l’atteinte d’un fort sentiment d’appartenance partagé par le collectif et où chaque personne peut exprimer son unicité.[6]

Comment exercer un leadership inclusif?

Bien que de nombreux modèles émergent, pensons à ceux de Deloitte, de Korn&Ferry, de Blanchard Company, de Mercer ou de McKinsey; il semble se profiler un consensus autour d’un continuum d’évolution des comportements de leadership dit « traditionnels » vers ceux inclusifs comme le propose l’auteure Jennifer Brown. Dans son livre How to Be an Inclusive Leader[7], elle suggère quatre étapes dans ce parcours, soit depuis [traduction libre] l’inconscience à la conscience puis de l’activation à l’appui. À l’intérieur de ces quatre étapes, les six traits signatures tels que présentés en 2016 par Deloitte University Press[8] semblent prendre un sens tout à fait naturel.

Les six traits sont :

  1. L’engagement
  2. La connaissance de soi
  3. Le courage
  4. La curiosité
  5. L’intelligence culturelle
  6. La collaboration

Nous pourrions également ajouter à cette liste des éléments tels que l’humilité, l’empathie ou la capacité à prendre de la perspective. Ces éléments se sont récemment révélés comme hautement pertinents selon l’étude menée en 2020 par Juliet Bourke et Andre Titus et rapportée dans le Harvard Business Review[9].

De ces traits, nous proposons ici une liste de comportements en cohérence avec l’exercice d’un leadership inclusif :

  • La capacité à créer un environnement de travail accueillant et respectueux pour tous les employé•e•s, indépendamment de leur origine, leur genre, leur âge, leur religion, leur orientation sexuelle, leur handicap, etc.
  • La capacité à écouter les idées et les perspectives de tous•tes, y compris celles et ceux qui sont souvent marginalisé•e•s ou ignoré•e•s.
  • La capacité à repérer et à remédier aux inégalités et discriminations systémiques dans l’entreprise.
  • La capacité à développer et à maintenir des relations de confiance avec les employé•e•s de tous les paliers hiérarchiques de l’entreprise.
  • La capacité à promouvoir la diversité et l’inclusion dans les processus de recrutement, de promotion et de développement professionnel.
  • La capacité à être conscient•e de ses propres préjugés et à les surmonter pour prendre des décisions plus équitables.

À la lumière de ces éléments, il est clair que le leadership inclusif s’inscrit dans une approche beaucoup plus large que l’écoute, la bienveillance ou la compassion. Nous parlons ici de courage, d’intelligence émotionnelle, de dénonciation de la discrimination, de remise en question de ses propres croyances. Bien plus donc que le développement régulier, voire simplifier ou à-la-va-vite, de compétences managériales.

Conclusion des parties 1 et 2

À la lumière de nos deux articles, nous avons fait la démonstration sous plusieurs angles à savoir dans quelle mesure il est primordial que les organisations se mettent en mouvement pour l’atteinte de la diversité, l’inclusion et l’équité.

Les entreprises doivent impérativement mettre en place les outils, les moyens, les budgets et les formations pouvant accompagner leur personnel à développer sur une base continue et durable les traits du leadership inclusif, essentiel à l’atteinte de la justice sociale.

Tout cela prenant ancrage dans un engagement réel des entreprises à faire de la justice sociale un élément à part entière de leur culture organisationnelle, une véritable volonté de combler les écarts.

Saurons-nous répondre à l’appel de l’OIT de 1919? Saurons-nous agir dès maintenant comme nous interpelle le World Economic Forum? Saurons-nous placer le développement du leadership inclusif au cœur de la vision des entreprises comme le soulignent les études? Seul l’avenir nous le dira… dans 151 ans.


Author
Élisabeth Petit, CRHA Présidente et experte en diversité, inclusion et équité Loin Devant Ressources Humaines inc.

Professionnelle passionnée et gestionnaire en ressources humaines depuis près de 20 ans, Élisabeth a porté de nombreux projets significatifs tant au Canada, qu’aux États-Unis, au Mexique, en Chine, en France et au Royaume-Uni. Ses expertises sont tant dans des milieux manufacturiers, qu’industriels ou de services professionnels. De plus, Élisabeth a mené, avec ses équipes, plusieurs transformations d’envergure autant pour le compte d’entreprises familiales, de PME, d’OSBL, d’entreprises publiques que de sociétés privées de toutes les tailles.

Au cours des années, elle a activement pris part à divers mandats tels que le déploiement d’initiatives en ÉDI, la gestion du changement, l’accompagnement de la haute direction, la redéfinition de l’offre de services des fonctions RH, le coaching de gestion et d’équipes, les relations de travail, l’animation d’ateliers de planification stratégique ainsi que la facilitation de formation.