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Peut-on se faire confiance?

Une relation d’emploi durable, empreinte de confiance et de clarté, entre l’employeur et le candidat débute dès l’entrevue et se poursuit durant la période d’accueil et intégration.
9 mai 2023
Kévyn Gagné, CRIA

Les employés ne choisissent pas leurs collègues de travail à leur embauche. Pourtant, en général, ils échangent et vivent ensemble de longues journées. Habituellement, nous avons le libre choix de décider de faire confiance à l’homme ou la femme de sa vie, et de partager autant ses joies que ses échecs. Nous ne pouvons pas en dire autant de nos collègues ou supérieurs.

Une relation d’emploi durable, empreinte de confiance et de clarté, entre l’employeur et le candidat, débute dès l’entrevue et se poursuit durant la période d’accueil et intégration. Le gestionnaire doit participer pleinement et être le facilitateur tout au long de ce processus qui est crucial pour assurer la qualité de la relation qui se développera. De plus, il doit comprendre l’importance du concept de la confiance. Pour Mansour Javidan et Aks Zaheer (2019)[1], trois éléments composent une relation de confiance entre les gestionnaires et les employés :

  1. Les parties doivent d’abord se trouver dans un état réceptif et prêt à apprendre à se faire confiance.
  2. Les parties sont appelées à se connaître et à apprendre l’une de l’autre à travers des échanges, des activités, ou des projets
  3. La confiance repose sur les résultats et sur les personnalités des parties prenantes.

Ne pas avoir et faire confiance, dans un environnement nécessitant la cohabitation d’individus devant se faire confiance, peut créer des conséquences désastreuses dans une entreprise. À ce sujet, l’étude de Joseph Grenny et Derek Cullimore (2022)[2], sommairement publiée dans le Harvard Business Review, révèle que 47 % des répondants n’ont pas développé un lien de confiance assez significatif pour partager leurs frustrations ou quelques simples confidences. Signalons que l’étude nous indique que les employés, par ordre de priorité, se tourneront d’abord vers leur gestionnaire pour dénoncer une incivilité ou tout autre comportement répréhensible avant d’aller voir leurs collègues ou un autre gestionnaire. Viennent ensuite les options de régler le problème par soi-moi, d’ignorer le problème, et de consulter leur professionnel RH.

La présence de la confiance amène à travailler ensemble et à atteindre les objectifs. Nos interactions, la qualité et la véracité de celles-ci influencent notre performance au travail, et de surcroît, notre degré d’investissement, de bonheur et de satisfaction au travail. Selon un récent sondage de la firme Gallup[3], un lien direct de causalité existe entre les équipes hautement engagées dans lesquelles règnent la confiance, une importante productivité, un faible taux de roulement, un taux élevé d’engagement et de la loyauté envers son employeur.

Parlant de reconnaissance, confiance, et loyauté, rappelons que selon l’article 2088 du Code civil du Québec[4], «&un employé doit agir avec loyauté et honnêteté envers son employeur et ne pas faire usage de l’information à caractère confidentiel qu’il obtient dans l’exécution ou à l’occasion de son travail.&» Il est également mentionné que ces obligations survivent pendant un délai raisonnable après cessation du contrat, et survivent en tout temps lorsque l’information réfère à la réputation et à la vie privée d’autrui. Le devoir de loyauté se fonde sur l’idée qu’un employeur doit pouvoir avoir confiance en son employé, que ce soit sur les lieux de son travail ou ailleurs. Selon le Petit Larousse[5], la confiance désigne un sentiment d’assurance et renvoie au sentiment de quelqu’un qui se fie entièrement à quelqu’un d’autre.

Gestionnaires, employés et hauts dirigeants doivent insuffler un vent de confiance dans leur équipe et dans l’organisation. Pour Jack Zenger et Joseph Folkman (2019)[6], cultiver des relations positives, développer et exercer un bon jugement, et être cohérent entre les paroles, les actions et les résultats sont les trois éléments de la confiance à considérer pour créer des relations saines, positives, et franches.

Concrètement, les dirigeants et professionnels RH doivent cesser de dire ou de faire la promotion d’une idée, d’un changement ou d’une petite révolution s’ils ne font jamais ce qu’ils disent. Tout ceci ne fait que nuire aux tentatives de créer des ponts et contribuent plutôt au cynisme, au désengagement et à la méfiance. À ce sujet, une étude publiée par Forbes[7] révèle que 98 % des répondants considèrent que leur entreprise veut améliorer l’expérience employé, alors que 60 % d’entre eux disent que leur employeur n’offre aucune forme de flexibilité.

Ensuite, les dirigeants et professionnels RH doivent travailler sur la base de leur culture d’entreprise en obtenant le soutien de la haute direction puis en partageant ouvertement cet engagement et cette confiance avec tous les membres de la direction. L’action, l’influence positive, la promotion du bonheur, l’engagement et la reconnaissance sont des moyens efficaces pour établir et maintenir des relations de confiance et un environnement propice pour échanger sans méfiance. La confiance se propage plus facilement lorsque des conditions gagnantes sont établies et déployées que lorsque nous devons constamment rebâtir des liens et des ponts.

N’oublions pas que la confiance qui s’établit, se développe et se maintient entre un employeur et un employé doit se faire dans une harmonie des perceptions qui sont souvent opposées sur le sujet. Une étude récemment publiée dans Forbes[8] confirmait les soupçons de 56 % des répondants qui se sentaient anxieux et surveillés au travail puisque 78 % des employeurs sondés ont admis avoir surveillé leurs employés à au moins une occasion durant la dernière année. Bien évidemment, la définition de transparence pour l’un ne coïncide pas forcément avec les attentes de l’autre et vice versa, sur tous les sujets. Les employeurs doivent avoir confiance en leurs équipes et en chacun des membres en étant toujours présents pour eux, en étant honnêtes et en leur disant ce dont ils ont besoin plutôt que ce que l’autre partie veut entendre. Pour leur part, les employés doivent faire confiance à leur supérieur en adoptant une approche d’ouverture et d’écoute des enjeux et démontrer de l’intérêt afin qu’une délégation de tâches et de pouvoirs puisse s’organiser.

Sans confiance, la délégation et le transfert de tâches ne se produisent pas et le supérieur voudra toujours le faire par lui-même par souci de temps et de qualité. Peut-on travailler ensemble et parvenir aux meilleurs résultats possible si nous n’avons pas confiance en ses collègues? Peut-on déléguer des responsabilités sans avoir et faire confiance à la personne? Bien sûr que non!


Author
Kévyn Gagné, CRIA Directeur des ressources humaines Franklin Empire Inc.

Kévyn Gagné, CRIA est directeur des ressources humaines dans une PME familiale québécoise. Chargé de cours en Relations industrielles à l’Université de Trois-Rivières, il est également blogueur pour La Référence RH, un mensuel légal québécois abordant le droit du travail et les ressources humaines, et auteur de 4 livres à succès.