Faits saillants
Au cours de l’été dernier et dans le cadre d’une réforme législative, le système professionnel a été modernisé. Certains des changements portent sur la structure des ordres professionnels alors que d’autres vous touchent directement à titre de membres de l’Ordre des CRHA et CRIA.
Ainsi, en réponse aux recommandations formulées dans le rapport de la commission Charbonneau, les règles de gouvernance des ordres professionnels ont été renforcées. Dans la foulée, un rôle de surveillance accru a été confié à l’Office des professions. En outre, une attention particulière a été portée à la reconnaissance des acquis des candidats formés à l’extérieur du Québec afin de favoriser l’intégration professionnelle des diplômés internationaux. Une formation en éthique et déontologie sera désormais obligatoire pour toute personne désirant devenir membre de l’Ordre et des formations continues devront obligatoirement être offertes par chacun des ordres professionnels. Le mode d’élection du président du conseil d’administration de l’Ordre et le montant de la cotisation professionnelle ne seront plus déterminés par les membres réunis en assemblée générale annuelle. Plusieurs dispositions concernant la discipline des membres ont aussi été renforcées, notamment dans le but d’encourager la dénonciation d’infractions et de décourager la commission d’infractions de nature sexuelle. Enfin, tous les membres devront dorénavant détenir une adresse courriel.
En 1974, le Québec s’est doté d’un système professionnel dans le but d’encadrer la pratique de certaines professions afin d’assurer au public un service de qualité et de le protéger contre des abus éventuels de la part de professionnels. Le système professionnel repose sur une loi-cadre : le Code des professions . C’est cette loi qui, entre autres, encadre les 46 ordres professionnels chargés de la protection du public. Elle prévoit la création des différentes instances et établit des règles de contrôle de l’exercice des professions. Elle fixe également les obligations qui s’appliquent à tous les ordres professionnels et à leurs membres.
Les premiers travaux d’actualisation du système professionnel québécois ont débuté en 2013. L’objectif principal était d’améliorer les outils dont le système professionnel dispose pour assurer la protection du public, sa mission première. C’est ainsi qu’à l’été 2016, l’Ordre des CRHA et CRIA a exprimé sa position relative au projet de loi no 98 sur la réforme du Code des professions en déposant un mémoire à la Commission des institutions du Québec et en participant à la commission parlementaire . Les modifications législatives au Code des professions concernent principalement la gouvernance, les mécanismes d’admission aux professions et le processus disciplinaire. La plupart des dispositions sont entrées en vigueur le 8 juin dernier et d’autres entreront en vigueur prochainement, selon le délai nécessaire pour leur mise en place.
Cet article vise à vous informer des principaux changements apportés au Code des professions. Certaines dispositions qui portent sur la discipline et l’assemblée générale annuelle ont des impacts directs sur les membres de l’Ordre et leur pratique. D’autres dispositions concernent plutôt le fonctionnement de tous les ordres professionnels. Elles répondent notamment aux préoccupations exprimées dans le rapport de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (la « commission Charbonneau ») au sujet des lacunes de certaines organisations dans l’administration et l’exécution de leur mandat de protection du public.
Nous aborderons les changements du point de vue de l’Ordre des CRHA et des CRIA. Toutefois, ces nouvelles dispositions touchent tous les ordres professionnels et leurs membres.
1. Gouvernance des ordres professionnels
a. Office des professions
L’Office des professions du Québec est l’organisme gouvernemental autonome qui, notamment, veille à ce que les professions s’exercent et se développent en offrant au public des garanties de compétence et d’intégrité. Les nouvelles modifications législatives restructurent sa gouvernance et renforcent ses pouvoirs, entre autres en lui permettant d’enquêter de sa propre initiative, d’adopter des normes d’éthique et de déontologie applicables aux administrateurs du conseil d’administration d’un ordre et de pouvoir exiger d’un ordre qu’il apporte les mesures correctrices qu’il juge appropriées.
b. L’Ordre
Parmi les modifications inspirées des meilleures pratiques de gouvernance, les ordres devront diminuer la taille de leur conseil d’administration, et ce, d’ici 2021. Le Code prévoit que le conseil d’administration d’un ordre doit être formé d’au plus 15 administrateurs. Actuellement, le conseil d’administration de l’Ordre est constitué de 18 administrateurs, incluant la présidente. Des travaux sont en cours pour le rendre conforme à cette directive. Autre nouveauté quant à la composition du conseil d’administration : il doit être composé d’au moins un administrateur âgé de 35 ans ou moins. À défaut, le conseil d’administration en nommera un et le nombre d’administrateurs pourra exceptionnellement être plus élevé que le maximum prévu. Par ailleurs, lors de la nomination d’un administrateur, il faudra tendre à la parité hommes-femmes et à ce que l’identité culturelle québécoise soit reflétée.
Le rôle du conseil d’administration et du président a été actualisé et le poste de directeur général a été ajouté. Il faut noter que l’Ordre a commencé à réviser sa gouvernance en 2016. Plusieurs pratiques sont donc déjà en cours à l’Ordre, dont le non-cumul des fonctions de président et de directeur général. Ces mesures seront bonifiées au cours des années à venir.
Par ailleurs, l’Ordre s’assurera que certaines personnes clés soient formées de façon à leur permettre d’exercer adéquatement leurs fonctions conformément aux nouvelles dispositions. Ainsi, les administrateurs suivront une formation sur le rôle d’un conseil d’administration d’un ordre professionnel, notamment en matière de gouvernance et d’éthique, d’égalité entre les femmes et les hommes et une formation en gestion de la diversité ethnoculturelle.
c. Élection du conseil d’administration
De nouvelles règles s’appliqueront lors de la prochaine élection du conseil d’administration en 2018. D’autres règles au sujet de l’encadrement des messages de communication électorale seront ultérieurement adoptées.
La loi spécifie que le poste d’administrateur d’un ordre professionnel est incompatible avec la fonction de dirigeant ou d’administrateur d’une organisation qui vise la promotion des droits ou la défense des intérêts des membres de l’ordre en question ou des professionnels de cette profession en général. Cette disposition vient marquer plus fortement la distinction qui existe entre la mission des ordres professionnels et les intérêts personnels, et éliminer la confusion révélée par la commission Charbonneau. Bien que les administrateurs soient élus par les membres, ils travaillent à la réalisation du mandat de l’Ordre – la protection du public – et non à la défense des intérêts des membres qui les ont élus. Tel que mentionné précédemment, le conseil d’administration devra comprendre un administrateur âgé de 35 ans ou moins au moment de son élection. Si aucun administrateur élu ne rencontre ce critère, le conseil d’administration procédera à sa nomination.
d. Assemblée générale annuelle
Par ailleurs, la loi prévoit des changements quant aux sujets qui devront être votés en
assemblée générale. Ceux-ci sont actuellement en vigueur et conséquemment, ils s’appliqueront lors de la prochaine assemblée en 2018.
Ainsi, lors de la prochaine assemblée générale annuelle, les CRHA et CRIA approuveront la rémunération des administrateurs élus, nommeront les vérificateurs chargés de vérifier les livres et comptes de l’Ordre, seront consultés sur le montant de la cotisation professionnelle et prendront connaissance du rapport annuel des activités de l’Ordre pour l’année qui vient de se terminer. Le mode d’élection à la présidence, qui est depuis plusieurs années au suffrage des administrateurs, est désormais déterminé par le conseil d’administration.
La loi prévoit également que le montant de la cotisation professionnelle sera établi par le conseil d’administration, après consultation des membres de l’Ordre de la façon suivante :
- 30 jours avant la tenue de l’assemblée générale : les membres recevront l’information relative au montant de la cotisation professionnelle ainsi qu’un projet de résolution, pour commentaires. Ils recevront aussi le projet de rapport annuel et une prévision budgétaire pour l’exercice financier visé par la cotisation professionnelle, incluant le détail de la rémunération des administrateurs élus.
- Phase de consultation : les membres transmettront leurs commentaires jusqu’au moment de la tenue de l’assemblée générale.
- Lors de l’assemblée générale, la secrétaire de l’Ordre fera rapport de la consultation des membres concernant le montant de la cotisation professionnelle. Les membres réunis en assemblée seront ensuite consultés à ce sujet.
- Les commentaires émis seront considérés par le conseil d’administration qui adoptera le montant définitif de la cotisation professionnelle lors de sa prochaine réunion.
2. Admission aux professions
a. Processus d’admission
Depuis quelques années, le système professionnel réfléchit au défi que représente la reconnaissance des acquis des professionnels formés hors Québec. Bien que cela ne constitue pas un enjeu problématique au sein de l’Ordre, une bonification des processus d’admission sera effectuée au cours de l’année 2018.
C’est aux ordres que revient la responsabilité d’établir si un professionnel possède les compétences requises pour exercer sa profession au Québec. La loi vient ajouter que les ordres doivent s’assurer que leurs processus d’évaluation facilitent l’admission à la profession, notamment pour les personnes formées hors du Québec. À cet effet, six principes devant guider les processus d’admission à la profession ont été précisés : équité, objectivité, impartialité, transparence, efficacité et célérité. Conformément aux nouvelles dispositions, les personnes qui élaborent et appliquent les normes d’admission recevront de la formation concernant l’égalité entre les femmes et les hommes, la gestion de la diversité ethnoculturelle et l’évaluation des qualifications professionnelles. Les CRHA et CRIA étant au cœur de l’intégration des travailleurs immigrants, l’Ordre prend cette question particulièrement à cœur et aspire à prêcher par l’exemple en mettant en place des processus de reconnaissance des acquis parmi les meilleurs.
b. Commissaire à l’admission aux professions
Le Commissaire à l’admission aux professions est une instance indépendante rattachée à l’Office des professions, et donc indépendante de l’Ordre. Avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions, celle-ci portait le nom de Commissaire aux plaintes en matière de reconnaissance des compétences professionnelle et examinait uniquement les plaintes des candidats concernant les procédures de reconnaissance des compétences de l’ordre professionnel concerné. Son rôle ayant été élargi, cette instance reçoit et examine maintenant les plaintes de toutes personnes relatives à l’ensemble de la démarche d’admission aux professions.
c. Éthique et déontologie
La réussite d’une formation en éthique et en déontologie sera obligatoire pour les candidats à l’exercice de la profession. Ces connaissances pourront être acquises dans le cadre de leurs études ou par le biais d’une formation additionnelle. À cet effet, l’Ordre recommande depuis quelques années aux nouveaux CRHA et CRIA de suivre la formation en déontologie dès la première année de leur admission.
L’Ordre est ravi de constater que les nouvelles dispositions prévoient qu’à l’avenir tous les ordres devront offrir des activités de formation continue en éthique et en déontologie. Depuis 2012, les CRHA et CRIA maintiennent et développent déjà leurs compétences en déontologie, par le biais du programme de formation continue qui contient deux (2) heures de formation obligatoire sur ce thème. L’éthique et la déontologie étant des compétences fondamentales essentielles à l’exercice de la profession, l’Ordre souhaite élargir l’offre de formation dans ces domaines au cours des prochaines années.
3. Processus disciplinaire et infractions pénales
a. Inconduites sexuelles
Le Code des professions interdisait déjà aux CRHA et CRIA d’abuser de la relation professionnelle avec leur client pour avoir des relations sexuelles, poser des gestes abusifs à caractère sexuel ou tenir des propos abusifs à caractère sexuel. Les nouvelles dispositions véhiculent dorénavant un message encore plus clair de tolérance zéro à l’égard de ces comportements. Un professionnel déclaré coupable d’une telle infraction est désormais passible d’une radiation minimale de cinq ans et d’une amende. Une formation, une psychothérapie ou un programme d’intervention peuvent aussi être recommandés afin de permettre au professionnel d’améliorer son comportement et ses attitudes et, le cas échéant, de réintégrer la profession. Il est à noter que des conditions additionnelles sont fixées pour la réintégration à l’Ordre.
L’enrayement de ces inconduites est d’une importance telle que le Code des professions confie aux ordres la responsabilité d’éduquer et de former à ce sujet non seulement leurs membres, mais aussi tous les intervenants en matière de discipline (le syndic et les syndics adjoints, les membres du comité de révision et les membres du conseil de discipline).
b. Immunité pour le demandeur d’enquête
Afin d’encourager les CRHA et CRIA à signaler les infractions commises par les membres d’ordres professionnels, le syndic a dorénavant le pouvoir d’accorder une immunité contre toute plainte afférente devant le conseil de discipline à un professionnel qui a dénoncé une infraction disciplinaire à laquelle il a lui-même participé.
c. Protection contre les mesures de représailles
Un CRHA ou un CRIA ne peut exercer ou menacer d’exercer des mesures de représailles contre une personne parce qu’elle a transmis au syndic une information selon laquelle lui ou un autre membre d’un ordre professionnel a commis une infraction disciplinaire, ou pour avoir collaboré à une enquête menée par un syndic.
La loi vient frapper encore plus fort en élargissant cette interdiction de mesures de représailles aux personnes qui ne sont pas membres de l’Ordre, comme un employeur, par exemple. Sont présumées des mesures de représailles la rétrogradation, la suspension, le congédiement ou le déplacement de cette personne ainsi que toute autre mesure disciplinaire ou mesure portant atteinte à son emploi ou à ses conditions de travail. De tels agissements constituent une infraction pénale passible d’une amende de 2 500 $ à 62 500 $ pour une personne physique et de 5 000 $ à 125 000 $ pour une personne morale.
La personne qui a de bonne foi transmis à un syndic une information selon laquelle un CRHA ou un CRIA a commis une infraction, ou collaboré à une enquête menée par un syndic, et ce, quelles que soient les conclusions de l’enquête du syndic, ne peut non plus être poursuivie en justice.
d. Condamnation au paiement des frais d’enquête du syndic
Tous les CRHA et CRIA sont assujettis au processus disciplinaire. Le Code des professions oblige tous les ordres professionnels à nommer un syndic et à constituer un conseil de discipline. Les coûts de la justice disciplinaire sont entièrement assumés par les ordres professionnels, puisqu’ils font partie intégrante de leur mission de protection du public. La nouveauté est que le professionnel déclaré coupable et qui a agi de manière excessive ou déraisonnable lors de l’enquête pourra dorénavant être condamné à rembourser une partie des frais engagés par l’ordre pour faire enquête. L’objectif de cette nouvelle disposition est de dissuader les membres de ne pas respecter leur l’obligation de collaborer à l’enquête du syndic.
e. Poursuite criminelle pour une infraction punissable de 5 ans d’emprisonnement ou plus
Le Code prévoyait déjà qu’un membre doit aviser son ordre lorsqu’il fait l’objet d’une décision judiciaire ou disciplinaire (l’article 55.1 ou 55.2 du Code des professions), et ce, dans les 10 jours après en avoir été informé. Depuis le 8 juillet, tous les membres ont l’obligation supplémentaire d’aviser leur ordre, dans ce même délai, s’ils font l’objet d’une poursuite pour une infraction punissable de 5 ans d’emprisonnement ou plus. Les membres doivent donc aviser leur ordre dans les dix jours de la connaissance d’une telle poursuite, soit avant que la décision ne soit rendue. Pour déterminer si une infraction est punissable de 5 ans d’emprisonnement ou plus, il suffit de consulter les articles du Code criminel ou de la loi cités dans l’acte d’accusation ou dans la sommation.
Lorsque le syndic est d’avis qu’une telle poursuite a un lien avec l’exercice de la profession, il peut demander au conseil de discipline d’imposer immédiatement une suspension ou une limite provisoire du droit du membre d’utiliser le titre réservé aux membres de l’ordre.
f. Usurpation du titre professionnel
Par ailleurs, le montant de la sanction pour la personne qui, sans être membre en règle d’un ordre, utilise le titre, en l’occurrence pour notre Ordre les titres CRHA et CRIA, ou une désignation laissant croire qu’elle est membre de l’Ordre, a été indexé. L’amende minimale pour cette infraction est ainsi portée à 2 500 $ et la plus élevée à 62 500 $. Le délai de l’Ordre pour poursuivre en pareil cas est également prolongé.
Les modifications apportées au Code des professions recentrent essentiellement le système professionnel sur sa raison d’exister : protéger le public. Les nouvelles mesures assurent davantage de transparence et d’éthique et donnent plus de moyens d’agir contre les abus. Ces changements ne peuvent que bénéficier aux CRHA et CRIA qui se démarqueront davantage par la crédibilité qui les caractérise et par la confiance accrue que le public manifestera envers les institutions qui certifient leur compétence et leur intégrité.
* Le genre masculin est utilisé uniquement dans le but d’alléger le texte.
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Pour mieux comprendre ce qu’est le Code des professions et quelle est l’importance de cette loi dans votre pratique professionnelle, suivez la formation obligatoire en déontologie Être CRHA ou CRIA – jouer son rôle dans le système professionnel québécois.