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L’obligation d’accommodement de l’employeur: Une croyance populaire veut que l’employeur puisse mettre fin automatiquement à la relation d’emploi après deux ans d’absence. Est-ce vraiment le cas?

Les relations interpersonnelles constituent un aspect important du milieu de travail. Ainsi, le climat qui y règne est nécessairement ponctué de hauts et de bas. Certaines relations entre employeur et salarié en viennent même à se terminer. Dans un contexte où l’employeur est aux prises avec un salarié qui est absent en raison de maladie, l’employeur se doit d’être prudent avant de le congédier. En effet, l’employeur a une obligation d’accommodement envers ce salarié, accommodement qui a toutefois une limite, soit celle de la contrainte excessive.  

L’accommodement et la contrainte excessive : deux notions inséparables!
Les mesures d’accommodement visent à permettre au salarié capable de travailler de le faire[1]. Autrement dit, l’employeur doit tenir compte des caractéristiques du salarié pour ensuite apporter les changements nécessaires qui permettront au salarié d’effectuer sa prestation de travail. Par ailleurs, les mesures d’accommodement ne doivent pas constituer pour l’employeur une contrainte excessive, par opposition à une contrainte raisonnable. À cet égard, le plus haut tribunal du pays est venu préciser cette notion dans l’affaire Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ)[2]. Dans cette décision, la Cour suprême souligne que :

« Lorsque les caractéristiques d’une maladie sont telles que la bonne marche de l’entreprise est entravée de façon excessive ou lorsque l’employeur a tenté de convenir de mesures raisonnables d’accommodement avec l’employé aux prises avec une telle maladie, mais que ce dernier demeure néanmoins incapable de fournir sa prestation de travail dans un avenir raisonnablement prévisible, l’employeur aura satisfait à son obligation de démontrer la contrainte excessive[3]. »

Cependant, la cour précise que l’employeur doit agir avec prudence dans l’application de ces règles :

« […] l’obligation d’accommodement dans un contexte d’emploi implique que l’employeur est tenu de faire preuve de souplesse dans l’application de sa norme si un tel assouplissement permet à l’employé concerné de fournir sa prestation de travail sans que l’employeur subisse une contrainte excessive[4]. »

L’accommodement peut devenir une contrainte excessive
Les critères qui ressortent de la jurisprudence et nous permettent de déterminer si l’accommodement raisonnable constitue ou non une contrainte excessive sont, entre autres, le coût financier excessif, l’entrave indue à l’exploitation de l’entreprise, l’interchangeabilité des effectifs et des installations, la taille de l’entreprise, l’atteinte aux droits des autres salariés et le moral du personnel.

Certes, l’employeur est tenu de faire les efforts nécessaires afin de permettre au salarié d’exécuter sa prestation de travail, par exemple, en réaménageant l’horaire de travail de ce dernier, ou encore en allégeant ses tâches ou sa charge de travail, mais « […] l’obligation d’accommodement de l’employeur cesse là où les obligations fondamentales rattachées à la relation de travail ne peuvent plus être remplies par l’employé dans un avenir prévisible[5]. »

Les règles entourant une absence pour maladie de longue durée
Une absence pour maladie de longue durée consiste en un moment d’invalidité pour une période indéterminée. Le rétablissement d’une personne dépend de plusieurs facteurs. Quand cela devient-il une contrainte excessive pour l’employeur?

Le premier alinéa de l’article 79.1 de la Loi sur les normes du travail[6] prévoit précisément, pour un salarié ayant moins de deux ans de service continu, le droit de s’absenter pendant au plus 26 semaines sur une période de 12 mois pour cause de maladie, de don d’organes ou de tissus à des fins de greffe ou par suite d’un accident.

Quant à l’article 124 de cette même loi[7], il offre une protection plus large au salarié qui bénéficie de plus de 2 ans de service continu, en ne limitant pas l’absence pour maladie à 26 semaines. L’accommodement devient dès lors la règle à appliquer en cas d’absence pour maladie de longue durée.

Dans la décision Lauzon-Chayer c. Loumania inc.[8], la Commission des relations du travail a jugé qu’un congédiement pour absence pour maladie ne sera maintenu que si l’employeur peut établir un taux chronique ou excessif d’absences de la part du salarié, qu’un préjudice en résulte pour l’entreprise et que le salarié est incapable de fournir, dans un avenir rapproché, sa prestation de travail.

C’est ainsi que dans la décision Charbonneau c. Gestolex[9], la plainte pour un congédiement fait sans une cause juste et suffisante a été accueillie, puisque l’employeur n’a pas satisfait les critères mentionnés au paragraphe précédent. En l’espèce, même si la Commission des relations du travail conclut que le salarié a un taux excessif d’absences, l’employeur n’a, quant à lui, subi aucun préjudice, malgré les 18 mois d’absence du salarié à la suite d’un accident de voiture. L’employeur n’a pas non plus fait la preuve de l’incapacité du salarié à fournir sa prestation de travail dans un avenir rapproché.

Aussi, l’analyse de la contrainte excessive doit être effectuée de façon minutieuse et tenir compte de la situation particulière de chaque employeur telle que la nature de son entreprise de même que sa santé financière. À cet égard, dans la décision Langlois c. Gaz Métropolitain inc., la cour souligne :

« Dans la présente affaire, le remplacement de la plaignante a occasionné un dédoublement de frais sans oublier les perturbations associées à son absence et la perte de l’expertise acquise par le consultant qui l’a remplacée. Le retour progressif au travail aurait bien sûr entraîné d’autres coûts financiers et nécessité certains réaménagements. Toutefois, ces conséquences n’auraient pas été excessives pour l’employeur. Gaz Métro, une entreprise d’envergure au Québec, n’est pas dépourvue sur le plan organisationnel. Il lui aurait été raisonnablement possible de composer avec cet accommodement sans que cela nuise au bon fonctionnement de l’entreprise. Cette dernière possède les moyens financiers suffisants pour assumer les frais et les inconvénients logistiques associés à cette mesure, somme toute temporaire[10]. »

L’absence pour maladie de longue durée : existe-t-il une limite de temps?
Bien que la Loi sur les normes du travail[11] prévoie qu’un salarié peut s’absenter du travail en raison d’une maladie, après combien de mois ou d’années d’absence pour maladie un employeur a-t-il le droit de mettre fin à son emploi? Un employeur peut-il prévoir qu’après 12, 24 ou encore 36 mois d’absence, le contrat de travail avec le salarié est automatiquement rompu?

Les clauses de cessation d’emploi automatique sont valides, mais l’employeur ne peut appliquer ces délais de façon stricte et automatique. Ces clauses ne peuvent empêcher un salarié de bénéficier de toutes les mesures d’accommodement auxquelles il a droit en vertu de la Loi. L’employeur se doit donc d’évaluer la situation particulière du salarié et de s’attarder à la possibilité de mettre en place des mesures d’accommodement pour ce dernier, et ce, avant de mettre fin à la relation d’emploi simplement par l’arrivée du terme.

La Cour suprême, dans l’affaire Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal (CSUM)[12], nous enseigne que l’obligation d’accommodement s’applique toujours malgré l’existence dans les contrats de travail ou les conventions collectives de clauses de cessation d’emploi automatique et que l’employeur se doit de faire preuve de souplesse dans l’application de ces clauses.

Une entente entre l’employeur et le salarié vaut son pesant d’or
Il est important de comprendre que l’accommodement n’est pas une obligation unilatérale. L’accommodement concerne aussi le salarié, qui a le devoir de collaborer dans le processus de détermination de la mesure[13].

En terminant, il revient à l’employeur et au salarié de travailler de pair afin de trouver l’accommodement qui satisfera les deux parties.

Pour en savoir davantage sur les congés et absences, la protection du lien d’emploi, les exceptions, le calcul des indemnités et les questions les plus fréquemment posées, visitez la section « congés et absences » dans le site de la Commission au www.cnt.gouv.qc.ca ou communiquez avec le Service des renseignements de la Commission.

Service des renseignements

514 873-7061
Région de Montréal

1 800 265-1414
Ailleurs au Québec, sans frais

Pour toute question sur les normes du travail, visitez le site de la Commission des normes du travail.

Source : VigieRT, mars 2013.


1 Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), [2000] 1 R.C.S. 665.
2 [2008] 2 R.C.S. 561.
3 Ibid, paragr. 76.
4 Ibid, paragr. 13.
5 Ibid, paragr. 19.
6 L.R.Q. chap. N-1.1, art. 79.1 al. 1; Note : Pour se prévaloir de cette protection, le salarié devra bénéficier d’un service continu d’au moins trois mois.
7 Ibid, art. 124.
8 2003 QCCRT 0465.
9 2007 QCCRT 0022.
10 2004 QCCRT 0267, paragr. 210.
11 Loi sur les normes du travail, supra, note 6.
12 [2007] 1 R.C.S. 161.
13 Ghazali c. Bombardier inc., 2010 QCCRT 0416, paragr. 157.
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