Vous lisez : Développements en milieu de travail non syndiqué

L’auteure tient à remercier Charles Lupien pour sa précieuse collaboration à la rédaction de cet article.

Au cours de la période 2007-2008, les tribunaux québécois ont rendu certaines décisions intéressantes en droit de l’emploi touchant particulièrement le congédiement, l’obligation d’accommodement et le harcèlement psychologique.

Tout d’abord, l’affaire Faustin c. Laboratoires Confab inc.[1] traite d’une plainte pour congédiement déguisé lors d’un retour au travail (art. 79.4 de la Loi sur les normes du travail « L.N.T. »).

Après une absence de près de 16 mois pour des raisons de maladie, l’employé retourne au travail pour voir son poste de mélangeur des liquides attribué à un autre employé. Il est alors réaffecté à un autre poste avec des conditions de travail similaires, mais avec une rémunération inférieure.

Dans sa décision, la Commission des relations du travail rappelle que l’article 79.4 L.N.T. oblige l’employeur à réintégrer l’employé dans un poste équivalent uniquement lorsque le retour se fait à l’intérieur des 26 semaines de protection prévues à la Loi. De plus, même si le poste du plaignant a été pourvu avant l’écoulement des 26 semaines, cela ne constitue pas un congédiement déguisé, puisque l’employé n’était pas encore retourné au travail.

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En février 2008, la Cour d’appel a rendu une décision intéressante en matière de contrat d’emploi à durée indéterminée dans l’affaire Ponce c. Montrusco & Associés inc.[2].

L’appelant Ponce a été congédié abruptement par son employeur après huit mois de service dans le cadre d’un contrat d’emploi à durée indéterminée. Malgré qu’il ait reçu l’indemnité équivalant au délai de congé prévu à l’article 2091 du Code civil du Québec (C.c.Q.), il demande au tribunal de faire déclarer abusif l’exercice du droit discrétionnaire de le congédier.

La Cour d’appel refuse de donner suite aux arguments de l’employé, puisque ce dernier n’a pas été capable de prouver l’exercice malveillant, malicieux, négligent ou insouciant du droit unilatéral de l’employeur de le congédier dans le cadre d’un contrat d’emploi à durée indéterminée, ou encore l’intention de lui nuire. Le délai de congé prévu à l’article 2091 C.c.Q. est l’outil désigné par le législateur pour compenser la fin abrupte et imprévisible d’emploi qui découle inévitablement du risque que prennent les personnes qui s’engagent dans ce type de contrat. Monsieur Ponce a donc été débouté de son recours en appel.

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On ne peut passer sous silence l’arrêt de la Cour suprême dans Hydro-Québec c. Syndicat des employés(es) de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec[3]. Cette décision rendue en juillet 2008 marque une avancée importante dans le domaine de l’obligation d’accommodement de l’employeur. Malgré qu’il s’agisse d’un employeur syndiqué, nous croyons que cette décision est pertinente compte tenu que les principes généraux dégagés par la Cour suprême peuvent s’appliquer tout aussi bien dans un milieu de travail non syndiqué.

L’employée, après avoir manqué près de mille journées de travail sur une période de sept ans en raison de divers problèmes physiques et mentaux, est congédiée. Elle conteste son congédiement en alléguant que son employeur n’a pas rempli son obligation d’accommodement, et ce, malgré les efforts soutenus de ce dernier pour l’accommoder en modifiant régulièrement sa charge de travail, en lui offrant des postes à temps partiel et de nouveaux postes. La Cour d’appel juge qu’Hydro-Québec n’a pas tenté l’« ultime accommodement » et que le congédiement est par conséquent injustifié.

La Cour suprême, dans un jugement unanime, casse la décision de la Cour d’appel du Québec et précise les limites à l’obligation d’accommodement. L’employeur n’a pas à démontrer l’impossibilité d’accommoder, mais seulement la contrainte excessive.

Aussi, la Cour nous indique que l’examen des efforts d’accommodement doit se faire en tenant compte de toute la période d’absence et non pas seulement au moment du congédiement.

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Dans un autre ordre d’idées, la décision Grenier c. Graphiques Cosmex inc.[4] a attiré notre attention en ce qui a trait au congédiement pour conflits d’intérêts et bris de confiance.

Grenier était représentant technique des ventes pour Graphiques Cosmex, une entreprise d’impression. L’employé, dans le cadre de son emploi, a rencontré un nouveau fournisseur qui distribue une encre particulièrement performante. Lorsque son supérieur lui demande le compte rendu de cette rencontre, Grenier ment sur les qualités du produit et commence à planifier le démarrage de sa propre entreprise concurrente qui utilisera cette nouvelle encre.

Constatant une baisse de productivité du représentant et à la suite de la dénonciation d’un autre employé, l’employeur installe un système de surveillance vidéo et informatique qui lui permet de constater les intentions de Grenier. Finalement, il congédie Grenier pour conflits d’intérêts et bris de confiance.

La Commission des relations du travail confirme la faute grave de l’employé et déclare le congédiement justifié par manquement au devoir de loyauté, bris du lien de confiance et conflit d’intérêts.

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Finalement, la Commission des relations du travail a rendu une décision intéressante, en janvier 2008, dans l’affaire Côté c. Recyclovesto inc.[5] en matière de harcèlement psychologique.

En juillet 2004, Marcel Gagné se fait attaquer par deux hommes cagoulés à la sortie de son quart de travail. Il prend six jours de congé et revient au travail après avoir reçu des soins médicaux. Quelques mois plus tard, dans un climat de travail très tendu en raison d’un changement de direction, Gagné est rétrogradé et est remplacé dans son poste par un dénommé Roux.

À l’été 2005, deux événements surviennent. Tout d’abord, Gagné apprend que le fils de Roux est l’un des deux agresseurs cagoulés de juillet 2004 et que ce dernier vient d’être embauché pour travailler dans la même unité de travail que lui. Gagné porte plainte pour harcèlement psychologique en raison de cette embauche.

Dans sa décision, la Commission confirme que, comme le harcèlement psychologique peut prendre la forme d’une seule conduite vexatoire de l’employeur envers son employé, la décision de l’employeur, en l’espèce, d’embaucher l’agresseur de l’un de ses employés est clairement un type de conduite prohibé par l’article 81.18 L.N.T. Ce faisant, la Commission accueille la plainte pour harcèlement psychologique de Gagné et lui accorde 2000 $ pour dommages moraux.

Bien que plusieurs autres décisions aient mérité d’être commentées, nous avons dû nous limiter aux décisions qui, à nos yeux, étaient les plus marquantes.

Karine Fournier, CRIA, avocate chez Fasken Martineau DuMoulin

Source : VigieRT, numéro 30, septembre 2008.


1 2008 QCCRT 0140.
2 2008 QCCA 329.
3 2008 CSC 43.
4 2007 QCCRT 0621.
5 2008 QCCRT 0036.COR1
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