Vous lisez : ÉTUDE DE CAS – Les changements technologiques

L'Office québécois de la langue française donne la définition suivante de l’expression « changement technologique » : Modification apportée au processus de production par l'introduction de nouvelles techniques, de nouveaux procédés, de nouvelles machineries ou diverses modifications prenant la place de ce qui était jusque-là utilisé. Une modernisation n'est pas nécessairement un changement technologique. » 

Selon l’article 51 (1) du Code canadien du travail :

« Au présent article ainsi qu’aux articles 52 à 55, changement technologique s’entend à la fois de : a) l’adoption par l’employeur, dans son entreprise, ses activités ou ses ouvrages, d’équipement ou de matériels différents, par leur nature ou leur mode d’opération, de ceux qu’il y utilisait antérieurement; b) tout changement dans le mode d’exploitation de l’entreprise directement rattaché à cette adoption. »

Peu de cas concernant les changements technologiques se retrouvent devant les tribunaux. Il faut dire que de tels changements sont essentiels à la survie des entreprises. Les parties ont donc intérêt à s’entendre sur les règles applicables à la mise en place de tels changements.

Les cas répertoriés concernent essentiellement deux situations : l’abolition de poste ou la modification des tâches ainsi que l’incidence de tels changements dans l’organisation du travail et les exigences du poste. La plupart des décisions concernant des employés syndiqués ont été rendues par un arbitre de griefs. Deux concernent des plaintes qui ont été formulées par un employé non syndiqué en vertu de l’article 122 ou de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail (LNT).

GRIEFS

Malgré la nécessité de moderniser sa gestion, et en dépit de son évidente bonne foi, l'employeur ne pouvait transférer au siège social le paiement des factures des fournisseurs et abolir les postes de trois salariés; leurs griefs sont accueillis.

Dans le contexte d'une réorganisation administrative liée à des changements technologiques, l'employeur a procédé au transfert des activités relatives aux comptes à payer à son siège social de Montréal. Cette décision a entraîné l'abolition d'un poste de comptable général, d'un poste de commis senior à la facturation et d'un poste de commis général. Le syndicat conteste ces abolitions et soutient que l'employeur a contrevenu à une disposition de la convention collective interdisant de confier tout travail assigné aux salariés régis par la convention à des salariés exclus de l'unité de négociation. De son côté, l'employeur allègue qu'il a exercé le droit que lui confère la convention collective de procéder à des changements technologiques, ce qui, selon lui, inclut expressément le droit de changer les méthodes de travail et ses structures administratives.

DÉCISION : La disposition relative aux changements technologiques accorde aux salariés certains avantages au moment de l'introduction de tels changements, dont, entre autres choses, la formation d'un comité mixte chargé d'étudier les effets des changements technologiques sur les salariés et leurs conditions de travail ainsi que de faire des recommandations en conséquence. Elle ne confère aucun droit particulier à l'employeur de déroger à quelque disposition que ce soit de la convention collective en cas de changements technologiques. Ainsi, ce dernier doit s'assurer que de tels changements ne contreviennent pas, notamment, à la disposition interdisant de confier tout travail assigné aux salariés régis par la convention à des salariés exclus de l'unité de négociation. En l'espèce, le transfert des activités reliées aux comptes à payer à son siège social de Montréal contrevenait manifestement à cette disposition. En l'absence d'une lettre d'entente, l'employeur ne pouvait procéder à un tel transfert. Le fait que les changements technologiques n'aient entraîné aucune mise à pied et l'évidente bonne foi de l'employeur n'ont aucune incidence sur le litige. Par conséquent, les griefs sont accueillis.

Compagnie Abitibi Consolidated du Canada, division Belgo et Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, section locale 220 (griefs individuels, Jean-Pierre Lemay et autres) *SOQUIIJ AZ-50564602 (Requête en révision judiciaire demandée), 2009-07-15 (C.S.), 410-17-000755-095

L’employeur pouvait réorganiser le travail à la suite de l’installation d’un appareil électronique à bord des camions de livraison permettant la mise à jour informatique du matériel en stock.

Les plaignants travaillaient à titre de répartiteurs dans une entreprise d'embouteillage de boissons gazeuses. Ils allèguent que l'employeur a confié à des contremaîtres des tâches qui leur étaient réservées à la suite de l'abolition de leurs postes. En 2003, l'employeur a installé un appareil électronique à bord des camions de service permettant la mise à jour informatique du matériel en stock. Ce changement technologique a entraîné une diminution significative du temps de travail consacré à la répartition des appels. L'employeur a alors décidé de réorganiser le travail des répartiteurs afin qu'ils effectuent des tâches additionnelles. Les plaignants contestent le fait que des contremaîtres ont continué à exécuter ces tâches à la suite de l'abolition de leurs postes.

DÉCISION : La convention collective prévoit que, sauf exception, «  [l]es contremaîtres n'effectueront pas normalement le travail habituellement effectué par les employés de l'unité de négociation ». Une telle disposition vise uniquement le travail confié exclusivement aux salariés de l'unité. Pour prétendre à l'exclusivité du travail, il faut une disposition expresse et claire à cet effet dans la convention collective. En l'espèce, l'employeur a décidé de confier temporairement d'autres tâches aux répartiteurs puisque le travail de répartition n'occupait plus que 40 % de leur temps en raison du changement technologique. Or, ces tâches additionnelles n'ont jamais été confiées exclusivement aux répartiteurs. Au contraire, elles ont toujours été partagées entre les superviseurs, les vendeurs ou encore d'autres salariés n'exerçant pas la fonction de contremaître. L'employeur pouvait donc confier à des contremaîtres les tâches effectuées par les plaignants qui ne relevaient pas exclusivement de la fonction de répartiteur.

Compagnie d'embouteillage Coca-Cola ltée et Teamsters Québec, section locale 1999 (grief collectif), SOQUIJ AZ-50448747

Le domaine de l'imprimerie est en constante évolution technologique; le fait que les infographistes n'aient plus à effectuer l'une des étapes du montage d'un journal en raison d'un nouveau procédé ne permet pas de conclure qu'une autre personne fait ce travail.

En juin 2006, l'employeur, un éditeur de journal, a averti le syndicat de la mise en place d'un nouveau système comptable informatisé qui permet la réalisation électronique de la maquette du journal par le directeur. Auparavant, le montage de la maquette revenait à l'infographiste, qui devait manuellement en tracer une esquisse, puis préparer la version définitive à l'aide de l'ordinateur et, enfin, procéder à la mise en pages. Le syndicat soutient que le montage fait partie du travail des infographistes, et que le directeur général ne peut se substituer à ceux-ci du seul fait qu'un autre procédé technique est dorénavant utilisé. Pour sa part, l'employeur fait valoir que ces changements n'ont entraîné aucune mise à pied ni modification substantielle des tâches propres aux infographistes et qu'il pouvait agir ainsi en vertu de ses droits de la direction, lesquels incluent l'établissement d'un tel processus de production.

DÉCISION : Le domaine de l'imprimerie est en constante évolution technologique, et plusieurs dispositions de la convention traitent de cet aspect. D'ailleurs, le syndicat ne s'oppose pas à de tels changements, mais plutôt aux moyens retenus. En l'espèce, depuis l'implantation du système, grâce aux données ainsi traitées à l'écran, il devient possible d'atteindre correctement les mêmes résultats qu'auparavant sans tracer d'esquisse ni monter de maquette concrète par voie de collage. Le travail préalable de préparation, notamment celui des annonces, relève toujours des infographistes, mais il en est autrement de la réunion de ces données en vue de la préparation des matrices. Or, ce travail de montage de la matrice n'est pas effectué par le directeur. Il n'est tout simplement plus effectué manuellement par voie de collage et résulte de la réunion systématique de l'ensemble des pièces nécessaires à l'impression sur un support qui n'est plus matérialisé. Le fait que des salariés n'aient plus à effectuer ces opérations en raison d'un nouveau procédé ne permet pas de conclure qu'une autre personne fait le travail.

Syndicat des travailleuses et travailleurs du Journal Le Point (CSN) et Éditions du Réveil (Journal Le Point) (grief syndical), SOQUIJ AZ-50443309

L'employeur, un supermarché, pouvait mettre fin à la fabrication et à la transformation de produits de boulangerie et introduire un système de « prêt au comptoir » pour accroître sa rentabilité dans un secteur hautement concurrentiel.

En octobre 2003, l'employeur, une chaîne de marchés d'alimentation, a avisé le syndicat de sa décision de cesser les activités de transformation et de fabrication de plusieurs produits offerts par le service de la boulangerie de l'établissement de Beauport, cette décision reposant sur des considérations d'ordre économique et opérationnel. Le service de boulangerie a continué à exister, mais les seuls produits offerts sont ceux fabriqués à l'extérieur et le prêt-à-cuire. En raison de la diminution des heures de travail provoquée par ces changements, des employés ont été mis à pied. Conformément à la lettre d'entente relative à l'implantation du système « prêt au comptoir », l'employeur s'engage à fournir les motifs expliquant les changements ayant entraîné l'implantation du système et à suivre les étapes qui y sont prévues. L'article 5 prévoit la non-application de l'entente dans le cas où l'employeur abandonne la fabrication de produits en raison d'une loi ou de normes d'ordre public ou à la suite d'une baisse importante du volume des ventes de l'établissement. Le syndicat allègue que l'employeur n'a pas respecté l'obligation qui découle de la dernière phrase de l'article 5 de la lettre d'entente, à savoir que, « dans la mesure du possible, l'Employeur s'efforcera de maintenir la fabrication des produits ».

DÉCISION : Les modifications substantielles apportées à la production et à la mise en marché des produits offerts dans le service de la boulangerie correspondent à l'introduction d'un système de « prêt au comptoir » ainsi que le définit la lettre d'entente. D'autre part, l'abandon de la fabrication de produits de boulangerie ne découle d'aucune contrainte législative. Ainsi, aucune des conditions prévues par les parties à l'article 5 de l'entente afin de soustraire l'employeur à l'application de l'entente n'est présente. Il reste à déterminer si l'employeur a satisfait à son obligation de maintenir la fabrication des produits « dans la mesure du possible ». Or, cette expression ne crée pas une obligation absolue. Il ne s'agit pas de maintenir la fabrication de ces produits sans égard aux coûts, à la rentabilité ou à la compétitivité de l'entreprise, mais plutôt pour l'employeur de faire les efforts raisonnables et acceptables dans les circonstances, compte tenu de l'ensemble des contraintes. L'employeur a le droit de prendre les décisions qui s'imposent pour maintenir son entreprise compétitive et rentable. Par conséquent, il est tenu, dans la mesure où cela est possible, de faire les efforts nécessaires pour maintenir la fabrication des produits avant d'implanter, même s'il s'agit de motifs d'ordre économique et opérationnel, un système de « prêt au comptoir ». Il lui revient dès lors de démontrer qu'il a fait des efforts raisonnables. Deux autres obligations sont prévues à : fournir les motifs et respecter les étapes à suivre si les changements entraînent des mises à pied. À cet égard, l'employeur s'est déchargé de son fardeau. En effet, les exigences de la lettre d'entente ne l'obligent pas à aller au-delà de la simple énumération des motifs. Par ailleurs, les frais d'exploitation excédaient les bénéfices bruts reliés à la vente des produits cuits sur place, et ce, malgré les mesures mises en place au cours des dernières années afin de diminuer les pertes. Les démarches entreprises par l'employeur constituent des moyens raisonnables et acceptables permettant de conclure qu'il a fourni les efforts nécessaires pour maintenir, dans la mesure du possible, la fabrication des produits. Quant à l'exploitation, il est tout à fait logique que, dans un marché hautement concurrentiel, l'employeur cherche à maximiser les activités relatives à l'achat et à la mise en marché pour gérer étroitement les coûts. Or, le maintien de la fabrication des produits de boulangerie au marché d'alimentation de Beauport aurait eu pour conséquence d'accroître les pertes. La décision de l'employeur n'est aucunement arbitraire ni abusive. L'introduction du système « prêt au comptoir », dans le but de satisfaire aux exigences de la compétitivité, respecte les obligations qui découlent de l'application de la lettre d'entente. Quant aux étapes à franchir, elles ont aussi été respectées. Enfin, l'employeur était fondé à procéder aux mises à pied compte tenu de la diminution substantielle du nombre d'heures de travail.

Travailleuses et travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, section locale 503 et Super C Beauport (griefs syndicaux), SOQUIJ AZ-50375454

L'employeur exploite une usine moderne automatisée et il était fondé à rejeter la candidature à un poste de mécanicien d'entretien d'un salarié ne détenant pas le diplôme approprié.

Le plaignant a été embauché à titre de soudeur au mois de mai 2003. Le 24 septembre 2004, l'employeur l'a informé de sa mise à pied en raison d'un manque de travail. Le plaignant a alors demandé à être muté au poste de mécanicien d'entretien, ce que l'employeur a refusé. Le plaignant conteste sa mise à pied sans aucun préavis ainsi que le refus de l'employeur de le muter au poste qu'il désirait. Le syndicat soutient que, depuis son embauche, le plaignant a effectué plusieurs tâches de mécanique d'entretien. Il affirme que l'employeur n'a pas démontré que le plaignant n'était pas compétent pour occuper le poste de mécanicien d'entretien. Selon lui, l'employeur ne pouvait refuser de muter le plaignant pour le simple motif qu'il ne détenait pas le diplôme nécessaire : il devait considérer sa motivation, son expérience passée et ses qualités. Pour sa part, l'employeur allègue qu'il ne pouvait faire droit à la demande de mutation du plaignant puisque ce dernier ne satisfaisait pas aux exigences du poste de mécanicien d'entretien, notamment en ce qui concerne la détention d'un diplôme dans ce domaine.

DÉCISION : En 1998, l'employeur a procédé à une modernisation de son usine en remplaçant la plupart de ses équipements. Il a alors eu recours à une école de formation afin d'évaluer la compétence des salariés. L'école a établi que les mécaniciens d'entretien manquaient de formation. Pour cette raison, l'employeur a décidé d’exiger un diplôme d'études professionnelles ou un diplôme d'études collégiales en mécanique d'entretien. Le syndicat n'a jamais contesté cette nouvelle politique. Il est clair que l'employeur a refusé de considérer le plaignant comme compétent pour occuper le poste de mécanicien d'entretien au motif qu'il ne détenait pas le diplôme requis. L'employeur appliquait ainsi sa politique énoncée en 2002. Cette politique est raisonnable et elle n'est pas dictée par le caprice ni par une volonté de disqualifier ses propres travailleurs. Il est tout à fait raisonnable, logique et de bonne gestion que d'embaucher des mécaniciens d'entretien qui sont titulaires d’un diplôme dans ce domaine, d'autant plus qu'en l'espèce, l'employeur exploite une usine moderne, automatisée à 90 %, et qu'il se doit de mettre toutes les chances de son côté face à une compétition féroce. Le plaignant détient uniquement un diplôme de soudeur, et l'employeur était donc fondé à rejeter sa candidature au poste de mécanicien d'entretien. Par conséquent, le grief est rejeté.

Métallurgistes unis d'Amérique, section locale 6506 et Norcast Castings Co. Ltd. (Hugo Morin), SOQUIJ AZ-50324212

À la suite d'un changement technologique, l'employeur pouvait confier la planification du déchargement des conteneurs dans le port de Montréal à des superviseurs même si auparavant cette tâche était accomplie conjointement avec des salariés; il ne s'agit pas d'un travail couvert par la convention collective.

Les deux griefs contestent la décision de l'employeur de confier des tâches réservées aux salariés membres de l'unité de négociation ayant le titre de vérificateur à des superviseurs non membres de l'unité. L'employeur est une association regroupant six entreprises du secteur des opérateurs de terminaux au port de Montréal et il est responsable des différentes opérations liées au déplacement de marchandise d'exportation et d'importation. Les griefs portent sur la tâche de la planification des déchargements, déplacements et manipulations des conteneurs arrivant par navire. Le syndicat affirme que, avant le printemps 2000, la planification était effectuée manuellement par les vérificateurs. Il soutient qu'en avril 2000 l'employeur a informatisé le processus de planification des opérations et a décidé de confier cette responsabilité aux superviseurs, retirant ainsi la tâche de la planification aux vérificateurs. L'employeur fait valoir que ce n'est qu'exceptionnellement que les vérificateurs ont effectué la planification et que celle-ci est, par sa nature même, une tâche de supervision.

DÉCISION : L'analyse des tâches et les responsabilités du poste de vérificateur énoncées à la convention collective révèlent que les activités principales de ce poste sont la vérification, le chargement ainsi que le déchargement de la marchandise et des conteneurs au terminal. La convention collective ne fait aucunement référence à la tâche de planification en ce qui concerne ce poste. Dans les faits, la preuve révèle que, avant le mois d'avril 2000, les superviseurs et les vérificateurs travaillaient ensemble et participaient conjointement à la planification. Par ailleurs, il est clair que cette tâche n'a jamais été du domaine exclusif des vérificateurs, certains parmi ceux-ci n'ayant pas les compétences nécessaires. La prétention syndicale selon laquelle l'employeur a contrevenu à la convention collective en retirant aux vérificateurs une tâche leur étant réservée exclusivement doit donc être rejetée. Les griefs découlent de la décision de l'employeur d'introduire au mois d'avril 2000 une nouvelle méthode de travail constituant un changement technologique au sens de la convention. L'employeur a procédé à ce changement technologique en respectant la convention et sans contrevenir aux droits du syndicat et des salariés. Aucune mise à pied n'a découlé de ce changement technologique. Pour tous ces motifs, les griefs doivent être rejetés.

Association des employeurs maritimes et Association internationale des débardeurs, section locale 1657 (vérificateurs et tonneliers—Montréal) (grief syndical), SOQUIJ AZ-50317403

La localisation des produits se fait maintenant à partir du bureau des contremaîtres sur la base des données transmises par des acheteurs; or, la jurisprudence reconnaît qu'un changement technologique peut entraîner l'élimination de certaines tâches.

Le syndicat conteste la décision de l'employeur de confier l'exécution d'un travail couvert par la convention collective à un contremaître. Le travail en question consiste en la localisation dans l'entrepôt de tout nouveau produit ou produit existant qui doit y être entreposé. Le syndicat affirme que ce travail est normalement effectué par un salarié occupant un poste de commis à l'entrepôt. L'employeur explique qu'il a introduit un nouveau système informatique au mois d'octobre 2003 qui permet de localiser les produits dans l'entrepôt. Il affirme que ce sont les contremaîtres qui utilisent ce nouveau système informatique pour localiser les produits. Le syndicat soutient que, jusqu'en octobre 2003, le travail de localisation des produits a toujours été fait par des salariés de l'unité de négociation. L'employeur fait valoir que le grief porte uniquement sur la localisation des produits alors que le travail effectué par les contremaîtres relève du processus décisionnel de la localisation des produits.

DÉCISION : L'employeur cherche à limiter la portée du grief à la localisation des nouveaux produits. Toutefois, le libellé du grief permet de conclure qu'il vise aussi la localisation des produits existants et les autres tâches connexes. Le grief est fondé sur une disposition de la convention collective énonçant qu'une personne exclue de l'unité de négociation ne peut effectuer du travail assujetti aux fonctions énumérées à l'annexe B de la convention, sauf lorsque les salariés couverts par l'unité de négociation ne sont pas disponibles pour le faire. L'annexe B ne comporte pas de description des fonctions énumérées. Toutefois, des descriptions des fonctions ont été établies à l'occasion d'une enquête sur l'équité salariale. La description des fonctions du poste de commis à l'entrepôt énonce notamment qu'il consiste à placer la marchandise aux endroits appropriés à l'aide d'un chariot élévateur ou d'un transpalette. Le commis à l'entrepôt effectue aussi la localisation des produits. Toutefois, la preuve révèle que cette tâche ne lui est pas confiée exclusivement. En effet, cette tâche ne nécessite pas l'opération d'un transpalette ou d'un chariot élévateur, et les contremaîtres l'effectuent régulièrement. Pour faire droit au grief, il aurait fallu que le syndicat démontre que le travail réclamé en exclusivité n'était pas partagé avec d'autres personnes, ce qui n'est pas le cas. Subsidiairement, il s'avère que des changements technologiques sont à l'origine du grief. L'employeur a en effet procédé à la transformation des tâches de localisation des produits en introduisant un système informatique. La localisation des produits se fait maintenant à partir du bureau des contremaîtres sur la base des données transmises par des acheteurs. La jurisprudence reconnaît qu'un changement technologique peut entraîner l'élimination de certaines tâches. En définitive, le grief doit être rejeté puisque le travail en question était partagé avec les contremaîtres au moment de la conclusion de la convention collective.

Sysco Serca Food Services of Quebec Inc. et Syndicat des employés de Novagro (CSN) (grief collectif), SOQUIJ AZ-50310821

Les exigences ayant graduellement augmenté à la suite de travaux de modernisation et de l'acquisition de nouveaux équipements présentant des caractéristiques technologiques plus avancées, il ne paraît pas exagéré d'exiger des mécaniciens d'usine une formation scolaire.

Le syndicat conteste la pertinence des exigences d'un poste temporaire de mécanicien d'entretien affiché le 22 septembre 2003 à la suite de l'absence pour cause de maladie d'un mécanicien d'usine. Il prétend que les exigences sont exagérées, notamment celles relatives à la détention d'un DEP ou d'un DEC ou encore d'une attestation de mécanicien industriel ou de machinerie fixe. Il ajoute que les exigences établies unilatéralement par l'employeur ne constituent pas des exigences normales et qu'elles doivent être déclarées abusives, non justifiées et nulles. De son côté, l'employeur soutient que la convention collective lui reconnaît le droit de déterminer des exigences pour un emploi pourvu qu'il agisse de bonne foi et de façon raisonnable.

DÉCISION : La convention collective ne contient aucune description des tâches du poste de mécanicien d'usine ni de définition de l'expression « exigences normales de la fonction ». Les droits de direction de l'employeur ne sont donc limités à ce sujet que par son obligation d'agir de bonne foi et de façon raisonnable. D'autre part, ce n'est pas parce que les exigences requises dans un avis d'affichage favorisent davantage un postulant que les autres que celles-ci doivent nécessairement être considérées comme déraisonnables ou imposées de mauvaise foi. La normalité et la caractère raisonnable des exigences doivent être appréciées en fonction des tâches du poste en cause et non en fonction des candidats au poste. Il est possible qu'un employeur préfère confier un poste à un salarié plutôt qu'à tel autre à cause de sa formation ou de ses connaissances et qu'il indique alors dans l'avis d'affichage des exigences qui correspondent au profil professionnel de ce salarié sans que cette façon d'agir ne viole la convention. En effet, dans la mesure où ces exigences sont normales et raisonnables, eu égard aux tâches du poste affiché, et que leur imposition ne procède pas d'une intention malveillante ou d'un comportement empreint de mauvaise foi de la part de l'employeur, de telles exigences, en l'absence de dispositions contraires ou de dispositions les rendant incompatibles avec la notion d'exigences normales, ne sont nullement dérogatoires à la convention. Elles sont donc implicitement autorisées par les droits résiduaires que la convention reconnaît à l'employeur. En l'espèce, les exigences ont graduellement augmenté depuis 1997, notamment en raison de travaux de modernisation et de l'acquisition de nouveaux équipements présentant des caractéristiques technologiques plus avancées en pneumatique, en hydraulique et en automates achevés en 1999 et en 2000. La preuve révèle que le syndicat a acquiescé à la normalité et au caractère raisonnable des nouvelles exigences relatives au poste de mécanicien d'usine compte tenu des connaissances que requièrent dorénavant les nouvelles technologies. En conséquence, il ne paraît pas exagéré d'exiger des mécaniciens d'usine une formation scolaire.

Syndicat des travailleuses et travailleurs de la scierie Nouvelle (CSN) et Produits forestiers Temrex, s.e.c. (grief syndical), SOQUIJ AZ-50283018

Le refus de l'employeur d'accorder un poste de cariste à une photolithographe était fondé compte tenu de son incompétence à exécuter correctement et sans danger les tâches de cette fonction.

En raison de l'abolition prochaine du poste de photolithographe qu'elle occupait depuis plus de 25 ans à la suite de changements technologiques, la plaignante, en mai 2003, a postulé un emploi de cariste. Malgré son échec à un test de qualification, les parties ont convenu qu'elle recevrait, le 4 juillet suivant, une formation de cariste donnée par une firme externe. Au terme de sa journée de formation, elle a obtenu une note de 84 %. Cette évaluation n'a porté que sur le quart du contenu de la formation à recevoir. Le 14 juillet, elle a été retirée du poste de cariste qu'elle occupait depuis une semaine à la demande des contremaîtres et en raison de problèmes de sécurité. Le syndicat soutient que, contrairement à l'entente entre les parties, la plaignante a reçu une formation incomplète et qu'elle n'a pas eu d'examen ni de période de probation de 12 semaines. Pour sa part, l'employeur prétend que, compte tenu de l'état de ses connaissances, la plaignante devrait être capable de travailler, mais qu'elle manque de confiance, de rapidité et de dextérité dans l'exécution des manoeuvres, qu'elle est dangereuse et qu'elle ne peut distinguer les manettes avant et arrière du chariot élévateur. Il ajoute que la formation entraînée par la mutation en raison de changements technologiques est exceptionnelle. Sauf en vertu de la lettre d'entente, il n'avait aucune obligation de fournir une formation.

DÉCISION : Dans le contexte de sa demande en vue de préciser le correctif recherché au grief, le syndicat requiert notamment une ordonnance permettant à la plaignante de terminer la formation nécessaire afin devenir cariste ainsi qu'une ordonnance obligeant l'employeur à soumettre celle-ci au test standardisé de l'entreprise pour les personnes désirant devenir conducteur de chariot élévateur, et ce, une fois la formation terminée. Cela dit, dans une lettre datée du 6 février 2003, et conformément à la convention collective, l'employeur a informé le syndicat de sa volonté de donner suite à l'implantation du changement technologique, laquelle a été annoncée par un avis en 2001 et s'est terminée à l'automne 2003. Selon la preuve prépondérante, la plaignante est incapable d'accomplir les tâches du poste convoité. Le 14 juillet, elle a été retirée de ses fonctions de cariste et, le 17 juillet suivant, on l'a informée de la possibilité de pourvoir un poste d'aide à la reliure ou, encore, de se prévaloir d'une entente de départ selon les modalités prévues à la convention collective. Contrairement à la prétention du syndicat, l'employeur n'a nullement privé la plaignante de la possibilité de passer un autre test lui permettant un déplacement conditionnel et de savoir si elle pouvait obtenir le poste sous réserve de la période de probation prévue. Un formateur expérimenté n'a pas pu donner une formation complète à la plaignante selon les paramètres convenus entre les parties et qui consistaient principalement en une plage horaire unique de sept heures comprenant la théorie et la pratique. La seule et unique raison pour laquelle plusieurs éléments importants de la tâche de cariste n'ont pu être vus en formation réside dans le fait que la plaignante assimilait à un rythme beaucoup trop lent par rapport à la normale. C'est ainsi que seulement un pourcentage de 25 % du contenu de la formation a pu lui être donné dans le temps requis par l'entente de déplacement. Les obligations contractuelles de l'employeur à cet égard se sont donc éteintes à 17 h, à la fin de la journée de formation. Par conséquent, le temps de pratique librement consenti par l'employeur au cours de la semaine du 7 juillet n'étant pas une condition convenue entre les parties, ce dernier pouvait y mettre fin quand bon lui semblait. L'employeur a donc conclu de bonne foi, avec preuves à l'appui, que la plaignante n'avait pas et n'aurait jamais, dans un laps de temps raisonnable, les compétences minimales requises pour devenir cariste, et que la continuité de cette période de pratique, en milieu de production, constituait un risque pour la santé et la sécurité des autres salariés.

Syndicat des communications graphiques, section locale 41M et Quebecor World Magog (division de Quebecor World inc.) (Jocelyne Nadeau), SOQUIJ AZ-50280442

La politique de l'entreprise visant à faire subir des tests psychométriques aux salariés qui seront touchés par d'importants changements technologiques n'est ni abusive ni déraisonnable.

À l'occasion de mouvements de main-d'oeuvre prévus prochainement et de l'urgence de cette réorganisation de l'effectif eu égard à la modification de ses activités, l'employeur a décidé de soumettre ses employés à des tests psychométriques. Il estime que ces tests sont importants, car les tâches disponibles exigeront désormais plus de polyvalence et comporteront des exigences plus grandes. Le syndicat conteste le droit de l'employeur de faire passer des tests à la majorité des employés et, éventuellement, de tenir compte du résultat obtenu lors des affichages de postes. Il prétend, d'une part, que cette politique est abusive et, d'autre part, que l'employeur ajoute une condition pour obtenir un poste, accordant ainsi la priorité à cette exigence par rapport au critère de l'ancienneté. Le syndicat demande l'arrêt immédiat de ces tests ainsi que le retrait et la destruction de tous les résultats contenus aux dossiers des salariés.

DÉCISION : L'employeur ne peut sans motif sérieux, dont la preuve lui incombe, imposer à ses employés l'obligation de passer des tests psychométriques. En effet, si la convention collective lui reconnaît des droits de direction, elle ne lui accorde pas celui d'imposer sans motif ou pour des motifs futiles de tels examens. Le cas échéant, les salariés visés seraient parfaitement fondés à contester une telle pratique. En l'espèce, le recours à des tests psychométriques ne vise pas tous les employés, mais uniquement ceux qui sont susceptibles d'être touchés par les mouvements de main-d'oeuvre qui suivront l'abolition d'un nombre significatif de postes. Il a avant tout pour objet d'évaluer, dans le cas de chaque employé visé, sa capacité d'acquérir la formation qui lui sera nécessaire pour occuper d'une façon efficace et sécuritaire le poste dans lequel il sera déplacé, le cas échéant. À cet égard, les postes ont pour la plupart un contenu technologique susceptible d'exiger de la formation additionnelle afin de suivre le rythme des changements technologiques. Ce n'est donc pas pour des motifs futiles, déraisonnables ou injustes que l'employeur fait appel, en vertu de ses droits de direction, à des tests psychométriques qui l'aideront à favoriser, malgré des délais impératifs très courts pour ce faire, le respect des droits prévus à la convention pour chacun des salariés susceptibles d'être touchés. Un certain nombre de mesures particulières ont d'ailleurs été prévues afin d'atténuer les conséquences de toute cette réorganisation, notamment la possibilité de prendre une préretraite, de démissionner ou d'occuper un poste occasionnel. En faisant passer de tels tests, l'employeur n'impose pas une condition supplémentaire pour l'obtention d'un poste. Il fait plutôt appel à une méthode d'évaluation plus objective et plus rapide dans les circonstances afin de choisir, dans chaque cas, le salarié qui possède la capacité d'acquérir la formation nécessaire dans un poste donné. Cette pratique permettra sans doute d'éviter d'autres cas de déceptions et des échecs, notamment en incitant certains salariés à ne plus postuler des emplois dont les exigences excèdent désormais leurs capacités. Le grief n'est donc pas fondé, car le recours à de tels tests ne constitue pas un usage abusif des droits de direction de l'employeur.

Syndicat des travailleurs de la Mine Noranda et Noranda inc. (Fonderie Horne), SOQUIJ AZ-04141143

PLAINTES EN VERTU DES ARTICLES 122 ou 124 LNT

Leurs postes de dactylographes ayant été abolis à la suite de changements technologiques, on doit conclure que les plaignantes ont été licenciées — plutôt que congédiées —, et leurs plaintes sont rejetées.

Les salariées occupaient les deux postes de dactylographes qui existaient chez l'employeur, un courtier d'assurances. Elles comptaient respectivement 24 et 14 ans de service. À la fin de l'année 2000, l'employeur s'est associé avec une compagnie d'assurances, ce qui l'a contraint à prendre un virage technologique. Le 9 août 2001, au cours d'une réunion de quelques minutes, il a informé les salariées de l'abolition du service de dactylographie ainsi que de leur cessation d'emploi. Celles-ci reconnaissent que leur poste a été aboli à la suite d'une réorganisation de l'entreprise. Toutefois, elles allèguent que l'employeur aurait dû considérer leur ancienneté et leur confier d'autres fonctions. Elles soutiennent que ce dernier a manqué d'objectivité et d'impartialité, agissant de façon discriminatoire et de mauvaise foi, dans le seul but de se débarrasser d'elles, pour diverses raisons.

DÉCISION : L'abolition complète d'un service évitait à l'employeur d'établir des critères de sélection pour conserver certains employés. Le nombre d'années de service accumulées par les salariées ne peut suffire pour reprocher à l'employeur la mise en oeuvre de la cessation d'emploi. En effet, celui-ci n'avait pas l'obligation d'offrir de nouvelles tâches aux salariées, et ces dernières n'ont pas démontré qu'il avait utilisé la situation pour les traiter de façon injuste et discriminatoire même si l'annonce de leur licenciement a été effectuée de manière cavalière et avec un manque certain de considération. Les salariées n'ayant pas fait l'objet d'un congédiement, leurs plaintes sont irrecevables.

Dumont et Assurances Maurice de Champlain (1983) inc., SOQUIJ AZ-50224550

L'employeur n'a pas congédié la plaignante, responsable de la paie, en vue d'éluder l'application de l'article 124 LNT, mais bien parce que le profil de cette dernière ne correspondait plus aux besoins de l'entreprise qui se situait dans un contexte d'implantation d'un nouveau logiciel plus complexe.

Au service de l'employeur depuis le 7 décembre 1999, la salariée était responsable de la paie des employés. En mars 2002, l'employeur a pris la décision de mettre en œuvre un logiciel de gestion plus performant. Le 25 juillet suivant, après une réorganisation des systèmes informatiques, il a aboli le poste de la salariée pour le remplacer par des postes de conseiller et de technicien en ressources humaines. Une formation dans les domaines de la gestion des ressources humaines et de l'informatique constituait une exigence pour occuper ces postes. L'employeur soutient que la salariée ne pouvait satisfaire à cette exigence compte tenu de ses lacunes en informatique ainsi que l'absence de diplôme dans le domaine de la gestion des ressources humaines. Pour sa part, elle allègue qu'il s'agit d'un prétexte pour mettre fin à son emploi avant qu'elle n'ait atteint trois ans de service continu, ce qui lui aurait permis de recourir à l'article 124 LNT afin de contester la mesure. Elle revendique le nouveau poste de technicien, affirmant que les tâches qui y sont rattachées sont similaires à celles qu'elle effectuait.

DÉCISION : Compte tenu du fait que l'employeur a mis fin à son emploi un mois et demi avant qu'elle n'atteigne trois ans de service continu et qu'il invoque son manque de compétence alors qu'il s'est toujours déclaré satisfait de son travail, la présomption selon laquelle la salariée a été congédiée afin d'éluder l'application de la loi est établie. Par conséquent, il est nécessaire de vérifier si l'employeur avait une autre cause juste et suffisante de mettre fin à son emploi. Or, il s'est écoulé une période de six mois entre le moment où la décision d'effectuer un changement technologique a été prise et la date à laquelle la salariée a atteint trois ans de service continu. De plus, bien que ses tâches et celles de technicien se chevauchent, ces dernières sont cependant plus complexes et elles se situent dans un contexte d'implantation d'un nouveau logiciel, lui aussi plus complexe. Aucun doute ne subsiste quant au bien-fondé des exigences du poste. Il n'existe pas d'incompatibilité entre l'abolition du poste de la salariée et le manque de connaissances de cette dernière pour justifier son départ. La réorganisation du système informatique ne constitue pas un prétexte à son congédiement.

Leona et Boulangerie Au Pain doré ltée, SOQUIJ AZ-50229945


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Monique Desrosiers, avocate, coordonnatrice, secteur droit du travail et administratif, direction de l’information juridique, SOQUIJ

Source : VigieRT, numéro 43, décembre 2009.

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