Le harcèlement psychologique peut mener à une plainte à la Commission des normes du travail, à un grief ou à une réclamation à la CSST lorsqu’une dépression ou autre maladie d’ordre psychologique rend une personne incapable d’exercer son emploi.
Il s’agit d’une situation délicate que les employeurs, syndicats ou autres représentants des parties doivent gérer avec diligence et en respectant les droits de chacun.
Or, différents tribunaux sont impliqués, dépendant de la situation, – ce qui ne facilite pas les choses – et la préparation de tels dossiers demande de recueillir de l’information, médicale ou autre, pouvant se trouver entre les mains de l’employeur ou d’un professionnel de la santé.
Voici un aperçu des situations sur lesquelles différents tribunaux ont dû se pencher.
DEVOIR DE REPRÉSENTATION DU SYNDICAT
Le syndicat aurait dû déposer un grief afin de protéger les droits du plaignant même si ce dernier ne lui a pas transmis les informations complémentaires qu'on lui avait demandées relativement à la nature du harcèlement psychologique allégué ou n'a pas rempli le formulaire requis.
Plainte reliée à l'application de l'article 47.2 du Code du travail. Accueillie.
Le plaignant est pompier. Il reproche au syndicat de ne pas avoir déposé, dans le délai prescrit par la convention collective, un grief contestant le harcèlement psychologique qu'il prétend avoir subi. Le syndicat fait valoir qu'il n'a pas déposé de grief parce que le plaignant ne lui a pas fourni les informations complémentaires qu'il lui avait demandées relativement à la nature du harcèlement allégué.
DÉCISION – Le plaignant n'a pas fourni les informations demandées parce qu'il en était incapable en raison de sa condition psychologique. La seule question qui demeure alors est celle de savoir si le syndicat aurait dû déposer un grief. Or, lorsqu'un salarié expose une situation à un représentant syndical et lui demande de déposer un grief, ce dernier doit faire en sorte de protéger les droits de ce salarié, à moins que la demande soit de toute évidence farfelue. En l'espèce, le syndicat aurait dû déposer un grief pour protéger les droits du plaignant même s'il n'était pas certain du fondement de celui-ci — un événement isolé mettant en cause un représentant de l'employeur ou plusieurs incidents impliquant des collègues — et même si le plaignant n'a pas transmis les renseignements qu'on lui avait demandés ou n'a pas rempli le formulaire requis. La bonne foi du syndicat n'est pas mise en doute. Cependant, son omission de déposer un grief constitue une erreur grossière. La plainte est accueillie. Le plaignant est autorisé à soumettre sa réclamation à un arbitre comme s'il s'agissait d'un grief et à se faire représenter, aux frais du syndicat, par le procureur de son choix.
Savard et Association des pompiers de Montréal inc., SOQUIJ AZ-50490779 (C.R.T.)
Il y a eu manquement au devoir de représentation du syndicat, qui, notamment, a retiré le grief contestant le harcèlement psychologique dont la plaignante aurait été victime sans lui communiquer le résultat d'une enquête menée auprès de trois collègues et d'une déléguée syndicale.
Requête en révision d'une décision de la Commission des relations du travail (CRT) en vertu de l'article 127 du Code du travail (C.tr.). Rejetée, avec dissidence partielle.
La plaignante a déposé une plainte reliée à l'application de l'article 47.2 C.tr. contre le syndicat. Elle reprochait à ce dernier d'avoir manqué à son devoir de représentation lorsqu'il a refusé de déposer un grief contestant le harcèlement psychologique dont elle alléguait avoir été victime et qu'il a retiré un grief à l'encontre de l'abolition de son poste, ce qui a eu pour effet de mettre fin à son emploi. La CRT a accueilli la plainte. Elle a notamment conclu que le syndicat avait fait preuve de négligence grave en omettant de procéder à une enquête complète. Le syndicat allègue que la décision est entachée d'un vice de fond de nature à l'invalider en ce que les conclusions de la CRT ne tiennent pas compte de la preuve.
Les commissaires Heap et Moro – En ce qui concerne le harcèlement psychologique, le premier commissaire n'a commis aucune erreur en concluant que l'enquête du syndicat était incomplète. Celui-ci reproche à la plaignante de ne pas avoir communiqué verbalement avec ses représentants ainsi qu'il le lui avait suggéré dans une lettre. Or, il a lui-même passé outre à la procédure qu'il a établie, car il a omis de s'assurer que le formulaire destiné à recueillir les informations relatives aux plaintes pour harcèlement psychologique soit dûment rempli. De plus, il n'a pas rencontré la plaignante pour obtenir sa réaction et ses commentaires relativement aux conclusions de son enquête. Le commissaire n'a pas davantage commis d'erreur en ce qui a trait à l'autre aspect de la plainte. Le syndicat a décidé de retirer le grief après avoir pris connaissance de la description sommaire d'un emploi créé après l'abolition du poste et avoir enquêté auprès de trois collègues et d'une déléguée syndicale. Il n'a pas communiqué le résultat de son enquête à la plaignante ni ne lui a permis de formuler des commentaires. Ainsi que le soulignait le Tribunal du travail dans Landry c. Syndicat des travailleuses et travailleurs de l'Hôtel-Dieu du Sacré-Coeur de Jésus de Québec(T.T.), 1993-06-15), SOQUIJ AZ-93147057, D.T.E. 93T-995, [1993] T.T.528, 534, une telle façon d'agir démontre une « absence […] de soin raisonnable de consultation avant la prise de décision ». Par ailleurs, le retrait du grief est survenu alors que la plaignante avait déposé trois plaintes contre le syndicat. Dans un tel contexte, ce dernier devait apporter un soin accru au déroulement de l'enquête et faire preuve de la plus grande transparence. Enfin, contrairement à ce que prétend le syndicat, le commissaire n'a pas repoussé le fardeau de la preuve en lui imposant de démontrer qu'il n'avait pas été négligent. La requête est rejetée.
Le commissaire Flageole, dissident en partie – En ce qui a trait au harcèlement psychologique, la décision du premier commissaire repose principalement sur le fait que le syndicat n'a pas recueilli la version des faits de la plaignante. Or, en concluant de la sorte, il a fait fi d'une partie de la preuve et a commis une erreur déterminante. Dans une lettre, le syndicat a invité la plaignante à communiquer avec ses représentants afin qu'ils lui indiquent la marche à suivre. Cependant, celle-ci n'a pas donné suite à cette invitation, manquant ainsi à son obligation de collaborer avec le syndicat, ce dont le commissaire ne fait aucunement mention. En ce qui concerne l'abolition de poste, le commissaire a imposé au syndicat le fardeau de démontrer « qu'il a procédé à une enquête lui permettant d'obtenir l'information nécessaire pour se prononcer sur l'opportunité de soumettre ce grief à un arbitre » (paragr. 77). Il s'agit d'une erreur importante, car le syndicat n'a pas un tel fardeau. C'est la plaignante qui devait démontrer l'insuffisance de l'enquête. Le commissaire a commis une autre erreur importante en concluant que le témoignage non contredit du directeur syndical relativement aux vérifications faites avant le retrait du grief n'était pas suffisant pour établir les démarches entreprises par le syndicat et repousser le fardeau qui lui avait été erronément imposé. En vertu de l'article 2844 du Code civil du Québec, les tribunaux de droit commun acceptent que la preuve puisse être apportée par un seul témoin; le commissaire n'avait aucune raison d'en exiger davantage. Enfin, le fait que le syndicat n'ait pas requis la version de la plaignante n'était pas déterminant, même s'il aurait peut-être été mieux avisé de l'obtenir. Cela n'équivaut pas à une négligence grave. La requête devrait être accueillie.
Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal (SCFP) et Gauvin, SOQUIJ AZ-50487296 (C.R.T.)
TRANSACTION OU ENTENTE ENTRE LES PARTIES
L'entente de règlement à la suite de la plainte du travailleur à la Commission des normes du travail en vertu de l’article 122 de la Loi sur les normes du travail ne faisant pas de mention d'une quelconque renonciation implicite ou explicite de sa part quant à son droit de produire une réclamation auprès de la CSST, la CLP a compétence pour se prononcer relativement à la contestation par le travailleur d’une décision de la CSST ayant déclaré qu’il n’avait pas subi de lésion professionnelle en raison de harcèlement au travail.
Contestation par le travailleur d'une décision ayant déclaré qu'il n'avait pas subi de lésion professionnelle. Moyen préliminaire de l'employeur relatif à la compétence de la CLP. Requête recevable.
Le 5 septembre 2005, le travailleur, directeur de maintenance, a déposé une plainte à la Commission des normes du travail en vertu de l'article 122 de la Loi sur les normes du travail à la suite d'une rétrogradation. Le 26 septembre suivant, un diagnostic de dépression majeure avec aggravation due au travail a été posé. Le jour même, il a déposé une réclamation pour lésion professionnelle découlant de harcèlement au travail. Le 5 décembre 2005, la CSST a refusé la réclamation du travailleur. L'instance de révision a confirmé cette décision. Le travailleur a déposé à la CLP la présente requête à l'encontre de cette décision. En janvier 2006, les parties ont conclu une entente de règlement, la Commission des normes du travail (CNT), en vertu de laquelle le travailleur est devenu sans emploi à partir du 5 décembre 2005. Au soutien de son moyen préliminaire, l'employeur invoque que la transaction intervenue lors de la conciliation à la CNT met fin au litige.
DÉCISION – La CLP a compétence pour disposer de la question préliminaire soulevée par l'employeur, à savoir si elle est valablement saisie de la réclamation du travailleur. Or, dans l'entente entre les parties, il n'y a pas de mention d'une quelconque renonciation implicite ou explicite de la part du travailleur, à son droit de produire une réclamation auprès de la CSST. L'entente ne concerne que des modalités de versement d'une compensation financière dans le cadre du désistement de sa plainte à la Commission des normes et de son non-retour au travail chez l'employeur. Si la volonté de ce dernier était d'inclure la réclamation du travailleur à la CSST dans cette entente, cela devait être exprimé clairement pour que le travailleur puisse en saisir toute la portée et, en y apposant sa signature, démontrer un consentement libre et éclairé. Or, tel n'est pas le cas. En effet, l'objet et la cause sont distincts entre, d'une part, l'entente conclue en conciliation à la Commission des normes du travail et, d'autre part, la réclamation à la CSST. Le critère de la chose jugée ne s'applique donc pas à la présente situation. De plus, le fait que le travailleur soit sans emploi à compter du 5 décembre 2005 ne lui enlève pas le droit d'avoir déposé, en septembre 2005, une réclamation pour une lésion professionnelle. En effet, le statut du travailleur après le dépôt d'une réclamation n'influence en rien son traitement par la CSST et les instances de révision, la qualification du statut de travailleur n'étant essentielle qu'au moment de la survenance de la lésion professionnelle. Le moyen préliminaire soulevé par l'employeur est donc rejeté.
Marcel Cyr, partie requérante, et Cité Rive inc., partie intéressée. SOQUIJ AZ-50486784 (C.L.P.)
L'immunité civile prévue à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne vise pas les réclamations en dommages-intérêts intentées par un salarié contre un collègue pour atteinte à sa réputation, que celle-ci soit concomitante ou non d'un accident du travail.
La salariée allègue avoir été agressée physiquement et verbalement par un autre employé sur les lieux du travail. À la suite de cet incident, certains de ses collègues auraient fait montre d'intimidation, de dénigrement, d'exclusion et d'agression verbale à son endroit. La Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) a accueilli sa réclamation, estimant qu'elle avait subi une lésion professionnelle. La salariée a intenté une action en dommages-intérêts contre son employeur et six de ses collègues. L'employeur s'est opposé à la compétence de la Cour supérieure en invoquant deux motifs: l'immunité civile prévue à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) et la compétence exclusive de l'arbitre de griefs en matière de harcèlement psychologique au travail. La juge de première instance lui a donné raison et elle a rejeté l'action contre tous les défendeurs.
DÉCISION – (M. le juge Vézina) Dans les allégations de la requête introductive d'instance, la salariée fait une distinction entre les reproches à l'encontre de l'employeur et ceux qu'elle adresse à ses collègues. Ainsi, elle soutient que le premier n'a rien fait pour faire cesser les abus et le harcèlement exercés à son endroit. Or, conformément au Code du travail et à la Loi sur les normes du travail, elle aurait dû procéder par voie de grief. Par conséquent, la Cour supérieure a eu raison de constater son absence de compétence et de déclarer l'action irrecevable contre l'employeur. Par ailleurs, plusieurs allégations font état de l'atteinte à sa réputation par ses collègues. Il faut souligner que les dispositions législatives sur le harcèlement psychologique créent une nouvelle obligation à l'employeur; elles ne modifient en rien les obligations et les voies d'action possibles entre collègues au regard desquelles les règles de droit antérieures demeurent. D'autre part, le concept de « lésion professionnelle » tel que défini à l'article 2 LATMP exclut toute idée d'atteinte à la réputation.
En outre, l'immunité civile prévue à la loi est liée à la lésion et non à l'accident du travail ou aux faits à l'origine de la lésion. Cette distinction est importante. Ainsi, même si la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles doit être interprétée libéralement, il ne faut pas extrapoler ni étendre l'immunité à tout ce qui touche de près ou de loin à un accident du travail. Dans Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés de services publics inc. (C.S. Can., 1996-06-20), SOQUIJ AZ-96111079, J.E. 96-1376, D.T.E. 96T-773, [1996] R.R.A. 537 (rés.), [1996] 2 R.C.S. 345, la Cour suprême du Canada a lié les dommages exemplaires aux dommages-intérêts compensatoires, de sorte que l'immunité relative aux premiers s'étend aux seconds. Cet arrêt n'établit pas que l'immunité « en raison de la lésion » s'étend à tout dommage causé à l'occasion du travail. Ainsi, l'employé qui diffame son voisin de bureau et lui fait perdre son emploi demeure responsable, même si la diffamation et la perte d'emploi ne créent pas de lésion psychique chez la victime. L'action est donc recevable contre les collègues de la salariée.
G.D. c. Centre de santé et des services sociaux A, SOQUIJ AZ-50485345 (C.A.)
Un rapport final de l'employeur concernant une plainte pour harcèlement psychologique au travail peut être divulgué à l'employée concernée puisqu'il est rédigé de manière non personnalisée et comporte un rappel des événements, une analyse et des recommandations.
La demanderesse, qui est une employée d'une entreprise de construction de toitures, a demandé copie intégrale du dossier constitué relativement à une plainte qu'elle avait déposée à la suite de harcèlement psychologique, verbal et sexuel dont elle allègue avoir été victime au travail. Ce dossier est constitué d'un rapport et de la transcription des témoignages de personnes visées par la plainte et d'autres personnes. La transcription du témoignage de la demanderesse lui a été remise, mais l'entreprise a refusé de lui communiquer les autres documents en application de l'article 40 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.
DÉCISION – La demanderesse peut obtenir copie de la plainte qu'elle a déposée ainsi que de documents qu'elle a préparés et qui y sont annexés. La divulgation des déclarations des personnes visées par la plainte et des autres personnes révélerait à la demanderesse des renseignements personnels sur des tiers ne consentant pas à la communication de leur déclaration et serait susceptible de leur nuire considérablement. Ces déclarations ne peuvent donc lui être communiquées. Quant au rapport final préparé par le comité ayant fait enquête, il est rédigé de manière non personnalisée et évite en conséquence de nommer les personnes ayant fait des déclarations. Il comporte un rappel des événements, une analyse et des recommandations. Comme il ne contient aucun renseignement personnel concernant des tiers qui pourraient être identifiés, sauf la demanderesse, il doit être communiqué à cette dernière, à l'exception d'un passage de la section « Recommandations » qui comporte des renseignements personnels sur des tiers. Le document contenant les « mesures mises en place suite au rapport » ne peut non plus être divulgué à la demanderesse, car il contient également des renseignements permettant de reconnaître des tiers. Enfin, un document annexé au rapport et constituant la politique adoptée par l'entreprise en matière de harcèlement n'a pas à être communiqué à la demanderesse puisque aucun renseignement personnel la concernant n'y figure.
M.G. c. Compagnie A, SOQUIJ AZ-50469720 (C.A.I.)
L’employeur – un cégep – pouvait refuser la demande d’un employé afin d’avoir accès à la version intégrale l'étude de recevabilité de sa plainte, pour harcèlement psychologique qu’il a fait faire par un cabinet-conseil; la divulgation d’une telle analyse risquerait vraisemblablement d’avoir un effet sur une procédure judiciaire entre l’employé et son syndicat.
[62] Le demandeur avait besoin de l’aide de son syndicat pour soutenir sa plainte de harcèlement. Si on se replace en avril 2006, époque de la demande d’accès, il ne fait aucun doute qu’une éventuelle enquête en vertu de l’article 47.2 du Code du travail aurait porté sur la plainte de harcèlement.
[63] Le soussigné conclut que les conditions d’application de l’article 32 ont été remplies et que l’organisme public pouvait refuser de communiquer la portion analytique du rapport de la consultante.
M.L. c C., SOQUIJ AZ-50485009 (C.A.I.)
NDLR : L’article 32 de la Loi sur l’accès à l’information prévoit que : « Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire ».
ACCÈS AU DOSSIER DU PSYCHOLOGUE
L'employeur peut demander d’avoir accès à une évaluation psychologique; il n'y a pas de distinction entre ce type de dossier et un dossier médical; la CLP aurait, de toute façon pu exiger sa production en vertu de son pouvoir d’enquête.
DÉCISION – Deux droits s'affrontent : celui de la travailleuse au respect de sa vie privée et au secret professionnel et celui de l'employeur à une défense pleine et entière. À cela s'ajoute un objectif de recherche de la vérité nécessaire à la saine et bonne administration de la justice. Le droit à la vie privée et le respect du secret professionnel sont des droits fondamentaux, bénéficiant d'un statut quasi constitutionnel. La psychologue a une obligation claire, elle est tenue au secret professionnel. Toutefois, ces droits ne sont pas absolus. Bien qu'il n'y ait pas d'autorisation écrite de la travailleuse pour donner accès à son dossier psychologique, le principe de la renonciation implicite est clairement reconnu par la jurisprudence en ce qui a trait aux dossiers médicaux.
Quant à la distinction entre les dossiers médicaux et les dossiers d'un psychologue, la travailleuse soumet que les tribunaux supérieurs ont reconnu la possibilité d'une autorisation implicite de divulguer un dossier médical puisque le Code de déontologie des médecins ne comporte pas l'exigence d'une autorisation écrite, contrairement à ce qui est prévu dans le Code de déontologie des psychologues, qui exige explicitement une autorisation écrite. La CLP ne peut faire cette distinction sur la base de ce seul argument de texte et doit analyser l'ensemble des dispositions et des droits en jeu. Il ressort plutôt de la jurisprudence qu'il y a renonciation implicite à la confidentialité des dossiers d'un psychologue lorsque l'on met en cause dans un litige son état de santé psychologique, comme c'est le cas en l'espèce.
CSSS – Jeanne Mance, partie requérante, et Diane Valade, partie intéressée, et Commission de la santé et de la sécurité du travail, partie intervenante, et Diane Valade, partie requérante, et CSSS — Jeanne Mance, partie intéressée, et Commission de la santé et de la sécurité du travail, partie intervenante, SOQUIJ AZ- 50483065 (C.L.P.)
L'ordonnance rendue par la CLP afin que l'employeur ait accès à une évaluation psychologique dans un dossier où du harcèlement est invoqué ne contrevient pas à la loi. Il n'y a pas de distinction entre le dossier d’un psychologue et un dossier médical, et le fait que le litige porte sur la date de consolidation n'y change rien puisque le rôle de la condition personnelle demeure pertinent.
L'employeur demande au tribunal d'ordonner le dépôt des notes cliniques de la psychologue qui traite la travailleuse. Il invoque son droit à une défense pleine et entière et le principe établi par la jurisprudence, en particulier l'arrêt Glegg c.ii> Smith & Nephew Inc. (C.S. Can., 2005-05-20), 2005 CSC 31, SOQUIJ AZ-50314388, J.E. 2005-994, [2005] 1 R.C.S. 724 de la Cour suprême, selon lequel lorsque l'on invoque son état de santé devant un tribunal, il y a autorisation implicite de donner communication des dossiers médicaux sous réserve de la règle usuelle de la pertinence. La travailleuse, s'appuyant sur les articles 5 et 9 de la Charte des droits et libertés de la personne, invoque le droit à la vie privée et au secret professionnel de même que les obligations de la psychologue découlant du Code des professions et du Code de déontologie des psychologues. Elle soumet qu'elle n'a fourni aucune autorisation écrite et qu'il n'y a aucune disposition expresse le permettant dans la LATMP ou dans la Loi sur les commissions d'enquête.
DÉCISION – La CLP dispose du pouvoir d'accorder le type d'ordonnance requis par l'employeur en vertu des articles 378 et 429.20 LATMP. Elle peut aussi s'appuyer sur l'article 9 de la Loi sur les commissions d'enquête. Elle doit toutefois s'assurer que la transmission de l'information s'effectue dans le respect des droits fondamentaux prévus à la Charte des droits et libertés de la personne. Les articles 3 et 35 à 37 du Code civil du Québec prévoient également des dispositions relatives au respect de la vie privée, de même que l'article 60.4 du Code des professions et les articles 38, 45 et 46 du Code de déontologie des psychologues. Selon ces dispositions, les renseignements divulgués par un travailleur à un psychologue sont confidentiels. Par ailleurs, la confidentialité doit être analysée par rapport à un autre droit fondamental, soit celui du droit d'être entendu, et son corollaire, le droit à une défense pleine et entière. Dans Frenette c. Métropolitaine (La), compagnie d'assurance-vie (C.S. Can., 1992-03-12), SOQUIJ AZ-92111045, J.E. 92-453, [1992] R.R.A. 466 (rés.), [1992] 1 R.C.S. 647, la Cour suprême du Canada a précisé qu'il faut soupeser le droit du particulier au respect de sa vie privée et à la confidentialité de ses dossiers médicaux par rapport à l'intérêt qu'a la société dans une administration efficace de la justice de façon à donner au défendeur la possibilité de préparer une défense pleine et entière. Ainsi, dans le contexte d'un recours qui met en cause son intégrité physique ou psychique, la protection de confidentialité n'est pas absolue puisqu'un travailleur renonce alors « tacitement » au secret médical.
En l'espèce, la travailleuse a renoncé tacitement à la protection de confidentialité puisqu'elle a soumis une réclamation à la CSST et rapporté à l'agente d'indemnisation, à son médecin et à certains experts que l'événement a fait ressurgir des événements antérieurs. De plus, les règles de la pertinence et de la causalité, en matière de preuve, doivent guider le tribunal aux fins de rendre une ordonnance de production de documents médicaux. Or, la preuve demandée, soit les notes cliniques de la psychologue, est pertinente. En effet, la CLP devra déterminer si les problèmes psychologiques sont de nature professionnelle. De même, quant à la date de consolidation, le rapport de la psychologue fait référence, pour l'été 2006, à un problème tout autre que celui qui est mentionné dans la réclamation, soit un conflit de travail. Comme la travailleuse maintient que sa lésion professionnelle n'a été consolidée qu'en 2007, un éclaircissement sur cette période s'avère nécessaire.
Contrairement au jugement de la Cour supérieure dans Heynemand c. Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (C.S., 1997-09-24), SOQUIJ AZ-97029115 (Banque CALP AZ-4999036049), D.T.E. 97T-1245, [1997] C.A.L.P. 1825, dans laquelle la décision de la CALP ordonnant à une psychologue la divulgation de ses notes de consultation avait été cassée au motif que celle-ci n'avait pas été relevée de son secret professionnel par sa cliente et qu'elle avait été consultée dans un contexte strictement privé, sans lien avec la lésion professionnelle, c'est à la demande du médecin qui a charge que la psychologue a été consultée en l'espèce. De plus, cette dernière a produit un rapport d'évaluation psychologique à la CSST qui a été versé au dossier de la travailleuse dans le cadre de sa réclamation. Dans l'affaire Société Hostess Frito-Lay et Barrette (C.L.P., 2001-10-26), SOQUIJ AZ-01304434, les faits diffèrent également puisque les documents demandés étaient antérieurs à la lésion professionnelle. De plus, la preuve que l'employeur veut obtenir est pertinente puisque la réclamation s'appuie sur des rapports médicaux produits par le médecin de la travailleuse, qui l'a dirigée vers la psychologue. Ces deux intervenants ont fait un lien entre l'état de la travailleuse et son travail.
Or, la psychologue a produit un rapport à la CSST dans lequel elle a omis des éléments, révélés par la travailleuse elle-même, qui peuvent s'avérer pertinents. Puisque ces notes pourront éclairer le tribunal sur les causes ayant pu contribuer à provoquer la condition de la travailleuse, elles sont nécessaires pour rendre une décision éclairée. Ainsi, même en l'absence d'une requête de l'employeur, le tribunal aurait pu exiger la production de ces documents en vertu de l'article 6 de la Loi sur les commissions d'enquête. La demande de l'employeur ne va pas à l'encontre des droits au respect de la vie privée ou à la sauvegarde et à la dignité de la travailleuse prévus par la Charte des droits et libertés de la personne. Par ailleurs, dans la mesure où la travailleuse a implicitement renoncé au bénéfice de la confidentialité et que la pertinence est démontrée, la production des documents demandés assurera à l'employeur une défense pleine et entière. La Cour supérieure a décidé, dans Tremblay c. Caisse populaire Desjardins de La Malbaie (C.S., 2002-04-02), SOQUIJ AZ-50121033, J.E. 2002-765, D.T.E. 2002T-408, que le secret professionnel appartenait au client et non au professionnel de la santé. La requête est donc accueillie, mais les documents qui seront transmis à l'employeur doivent rester entre les mains de ce dernier, de son procureur et de son médecin désigné, qui pourront renvoyer le tribunal aux extraits pertinents lors de l'audience sur le fond. Il est par conséquent ordonné à la psychologue de transmettre une copie du dossier concernant la travailleuse qu'elle possède, incluant notes d'entrevues ou rapports, relatif aux consultations faites pour la période de novembre 2005 à janvier 2007 concernant la lésion professionnelle survenue le 18 novembre 2005.
ANITA BASCIANO, partie requérante, et COMMISSION SCOLAIRE MARGUERITE-BOURGEOYS, partie intéressée, et COMMISSION SCOLAIRE MARGUERITE-BOURGEOYS, partie requérante, et ANITA BASCIANO, partie intéressée, SOQUJ AZ-50468984 (C.L.P.)
UTILISATION D’ÉLÉMENTS DE PREUVE CONTENUS DANS UNE AUTRE DÉCISION
Les notes, les pièces déposées au dossier et la décision antérieure de la CLP s’étant prononcée sur une réclamation pour lésion psychologique font partie de la preuve, sous réserve d'en apprécier la force probante. Dans certains cas, avec l'autorisation du tribunal et selon les conditions qu'il détermine, la preuve faite dans un dossier peut être versée dans un autre dossier.
Contestation par la travailleuse d'une décision relative à une plainte en vertu de l'article 32 LATMP. Moyen préliminaire de l'employeur relatif à la recevabilité de la preuve. Moyen préliminaire accueilli en partie. Requête accueillie.
Le 22 avril 1999, la travailleuse s'est plainte du comportement d'un directeur à son égard lors d'une rencontre. Elle s'est vue offrir trois choses : le maintien dans son poste d'agent, une rétrogradation à un autre poste non identifié ou un départ, et avait cinq jours pour donner une réponse devant être accompagnée d'un plan d'action. Le 27, la travailleuse s'est présentée chez l'employeur pour y chercher des effets personnels et a remis au directeur une attestation médicale indiquant qu'elle souffrait d'une réaction anxio-dépressive à la suite de harcèlement au travail. Le 10 mai, elle a produit une réclamation à la CSST qui a été refusée le 22 septembre suivant. L'instance de révision a par la suite confirmé cette décision. Le 24 septembre, la travailleuse a été congédiée. Le 29 septembre, elle a déposé une plainte en vertu de l'article 32. Le conciliateur-décideur de la CSST l'a rejetée. La CLP a déclaré, en septembre 2006, que la travailleuse n'avait pas subi de lésion professionnelle en mai 1999. Dans le cadre de la présente requête, l'employeur prétend que la décision de la CLP de septembre 2006 fait partie du dossier et que, en conséquence, les faits et les motifs qui y sont rapportés dans cette décision doivent être tenus pour avérés.
DÉCISION – Les notes, les pièces déposées au dossier et la décision de la CLP de septembre 2006 font partie de la preuve, sous réserve d'en apprécier la force probante. Dans certains cas, avec l'autorisation du tribunal et selon les conditions qu'il détermine, la preuve faite dans un dossier peut être versée dans un autre dossier en vertu de l'article 29 du Règlement sur la preuve et la procédure devant la Commission des lésions professionnelles. Toutefois, en l'espèce, aucune demande n'a été faite en ce sens. Les parties ont plutôt choisi de procéder par admission concernant le contenu de certains paragraphes de la décision de la CLP. Par conséquent, seul le contenu de ces paragraphes doit être tenu pour avéré pour décider du présent litige. La décision de la CLP ne supplée donc pas à la preuve probante que l'employeur doit faire pour réussir dans ses prétentions dans le présent dossier. En outre, pour décider d'un litige, seule la preuve pertinente est retenue. À ce titre, les faits et les motifs de la décision de la CLP ont trait à un litige visant à déterminer si une lésion professionnelle est survenue le 16 février 1999. Ils ne prouvent rien d'autre en regard du présent litige qui est de déterminer si la travailleuse a été congédiée pour une cause juste et suffisante.
Quant au fond, l’employeur soutient que la travailleuse a eu une attitude et une prestation de travail inadéquates, et que la restructuration l'a obligé à abolir son poste justifiant ainsi son congédiement. Or, il n’y a aucune preuve de manquements avant 1998. La rétrogradation intervenue en 1998 a cependant amené différents problèmes : difficulté pour la travailleuse à exécuter l'ensemble de ses tâches, anxiété et résistance de sa part au processus de restructuration. Toutefois, malgré les problèmes éprouvés, elle n'a jamais soupçonné que son poste était en jeu, notamment parce qu'elle détenait une ancienneté importante. D'autre part, lors de la rencontre du 22 avril 1999, alors que l'employeur se plaint de certains comportements de la travailleuse, il lui offre tout de même de la garder à son emploi. Or, un seul fait s'est ajouté après la rencontre du 22 : la travailleuse a déposé une réclamation à la CSST et c'est cette action qui a mené à son congédiement. Par ailleurs, la prétention de la travailleuse selon laquelle la rencontre du mois d'avril 1999 s'est tenue à sa demande expresse et non à l'initiative de l'employeur est retenue. Cela confirme le fait que l'employeur ne voyait aucune nécessité de rencontrer la travailleuse pour se plaindre de son travail. En conséquence, rien ne permet de conclure que sa prestation de travail ou des prétendues absences aient été les causes du congédiement de la travailleuse. Pour ce qui est de l’argument de l’employeur fondé sur le fait que le poste de la travailleuse aurait été aboli, même s’il devait adhérer à ce processus, il n’a pas prouvé que la travailleuse a été congédiée pour cette raison. Rien n'indique que sa situation financière en 1998 ou en 1999 l'aurait obligé à abolir des postes. Il est impossible de déduire que la seule abolition de poste qui est intervenue, soit celui de la travailleuse, s'inscrivait dans le processus de restructuration en cours.
Comme dernier motif, et non le moindre, le libellé même de la lettre de congédiement du 24 septembre 1999 est sans équivoque et constitue en l'espèce une preuve écrite que l'employeur a congédié la travailleuse parce qu'elle a déposé une réclamation à la CSST en prétendant avoir subi du harcèlement au travail. Or, l'article 32 de la Loi prohibe expressément une telle action. La requête de la travailleuse doit ainsi être accueillie. Le tribunal réserve sa compétence pour décider du quantum des dommages et de l'opportunité de réintégrer la travailleuse. Les parties seront ultérieurement convoquées à une audience si elles ne réussissent pas à s'entendre concernant ces questions.
Pépin et Caisse Populaire de Ste-Clothilde. SOQUIJ AZ-50485548 (C.L.P.)
ORDONNANCE VISANT DIRECTEMENT LE HARCELEUR
L’arbitre a compétence pour se prononcer sur une ordonnance demandée par une employée – visant directement le harceleur – qui, après que son grief a été accueilli, vivrait d’autres incidents.
À la suite d'une sentence arbitrale ayant accueilli le grief pour harcèlement psychologique de la plaignante, les parties ont adopté des mesures afin de mettre fin à la situation de harcèlement. Le syndicat a par la suite déposé une requête pour ordonnance provisoire de sauvegarde, au motif que la plaignante alléguait vivre d'autres incidents. Le syndicat désire ajouter à sa requête initiale des conclusions visant directement le harceleur, ce à quoi l'employeur s'oppose. La présente décision porte sur la compétence de l'arbitre de rendre des ordonnances à l'égard d'un tiers ainsi que sur la recevabilité de l'amendement.
DÉCISION – Lors de l'audition du grief, le statut d'intervenant avait été accordé au prétendu harceleur afin qu'il puisse défendre ses intérêts directs, personnels et divergents de ceux de l'employeur. Cette décision lui permettait d'être représenté par un procureur et d'assister à toutes les étapes de l'audience. Le tiers intervenant n'est pas pour autant devenu une « partie à part entière » au même titre que l'employeur et le syndicat. D'autre part, l'article 123.15 de la Loi sur les normes du travail (LNT) définit la portée de la décision qu'un arbitre peut rendre dans le cas où il juge que le salarié a été victime de harcèlement psychologique et que l'employeur a fait défaut de respecter ses obligations prévues à l'article 81.19 de la LNT. Il n'y est aucunement question d'obligation ou de faute à l'égard du harceleur. L'arbitre ne peut condamner directement la personne fautive à des dommages-intérêts ni lui imposer une mesure disciplinaire. La responsabilité de maintenir un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique incombe à l'employeur. Tout en respectant l'intention du législateur de maintenir un recours sans faute à l'égard du harceleur, il n'y a pas lieu de croire qu'il ait voulu limiter le recours à des pouvoirs exceptionnels, dont celui de rendre une ordonnance en vue d'assurer la sauvegarde des droits des parties. Une ordonnance exceptionnelle délivrée à l'encontre du harceleur doit cependant s'inscrire en accessoire aux ordonnances rendues contre l'employeur et ne revêtir aucun caractère punitif. L'objectif visé est de permettre une application efficace de la sentence finale qui s'inscrit dans un contexte où toutes les parties au litige, incluant les tiers intervenants, continueront à travailler dans le même milieu. Le fait d'ajouter de telles ordonnances exceptionnelles n'affecte pas les droits du tiers intervenant qui aura toutes les chances de présenter ses arguments sur la question. Ce genre de demande d'ordonnance ne porte pas atteinte aux droits à la dignité du harceleur ni à ses droits découlant de son lien d'emploi. À cette étape du dossier, il est toutefois prématuré d'accueillir ou de rejeter les ordonnances à l'égard du tiers intervenant. Le Tribunal entendra les arguments de toutes les parties, y compris ceux de l'intervenant, sur le bien-fondé des ordonnances à partir des paramètres de la présente sentence. Enfin, les amendements apportés, c'est-à-dire les nouvelles conclusions dont certaines visent l'intervenant, ne dénaturent pas le grief initial, mais constituent un accessoire de celui-ci. Les nouvelles conclusions ajoutées au grief initial résultent des discussions intervenues depuis que la sentence a été rendue sur le fond et visent une situation en constante évolution.
Association du personnel de soutien du Collège A et Collège A, SOQUIJ AZ-50490059 (T.A.)
NDLR – La sentence arbitrale ayant accueilli le grief est diffusée à SOQUIJ AZ-50442551 et publiée au DTE 2007T-660.
INCIDENCE D’UNE RÉCLAMATION POUR LÉSION PROFESSIONNELLE SUR D’AUTRES RECOURS
La décision de la CLP ayant conclu que le plaignant n'avait pas subi de harcèlement psychologique a l'autorité de la chose jugée puisque le grief s'appuie sur les mêmes faits et vise le même objectif que la demande de réclamation pour lésion professionnelle.
Griefs contestant du harcèlement psychologique, un déplacement et le refus de l'employeur d'évaluer le poste du plaignant. Objections à l'arbitrabilité des griefs. Objections accueillies; les griefs sont rejetés.
Le plaignant occupe un emploi de commis dans une entreprise qui fournit des services de facturation. Du 1er juin au 28 septembre 2004, il s'est absenté pour cause de maladie. Le 23 novembre suivant, il a déposé trois griefs, dont l'un conteste le harcèlement psychologique exercé à son endroit par sa supérieure. À compter du 3 décembre 2004, il s'est de nouveau absenté du travail. Il a déposé un quatrième grief, invoquant notamment du harcèlement psychologique. Le 7 février 2005, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) a rejeté sa réclamation pour harcèlement psychologique. Cette décision a été confirmée le 7 juillet 2006 par la Commission des lésions professionnelles (CLP). En l'espèce, l'employeur soutient que l'arbitre n'a pas compétence pour trancher les griefs. Il invoque l'autorité de la chose jugée à l'égard de toutes les allégations de harcèlement contenues dans deux des griefs. D'autre part, il soutient que tous les griefs sont devenus théoriques et sans objet à la suite de l'abolition du poste du plaignant et du départ de sa supérieure. Par conséquent, les redressements recherchés ne peuvent être accordés.
DÉCISION – La chose jugée est une règle de preuve, une présomption absolue selon laquelle ce qui a fait l'objet d'un jugement par un tribunal ne peut plus être remis en question devant un autre tribunal. Pour qu'il y ait chose jugée, il faut qu'il y ait identité de parties, d'objet et de cause. En l'espèce, l'identité des parties est admise. L'objet des deux recours est la réparation du préjudice allégué et imputable à du harcèlement psychologique prenant notamment la forme d'intimidation et provenant de la supérieure immédiate du plaignant. Bien qu'il n'y ait pas de parfaite identité de ce qui est concrètement demandé comme réparation, l'objectif est le même, soit la réparation et la cessation d'un préjudice. Objectivement, le droit recherché par la contestation à la CLP — la sanction du harcèlement — se trouve compris dans ceux réclamés devant l'arbitre, et vice-versa. Il y a donc identité d'objet. Il y a également identité de cause — la source juridique de l'obligation — soit un même geste fautif qualifiable de harcèlement. Les griefs s'appuient matériellement sur les mêmes faits que ceux qui ont été présentés devant la CLP. Il est vrai que cette dernière n'a peut-être pas examiné la question du harcèlement psychologique de la même manière que l'aurait fait l'arbitre. Toutefois, même si elle n'a pas utilisé la définition de ce terme contenue à la Loi sur les normes du travail, elle a utilisé un concept et fait une analyse semblable à celle à laquelle donne lieu la notion consacrée dans cette loi. Les questions traitées par la CLP pour conclure à l'absence de harcèlement sont similaires, sinon identiques, à celles qui seraient analysées par l'arbitre en vue de déterminer si le plaignant a subi du harcèlement psychologique. L'objection fondée sur l'autorité de la chose jugée est donc accueillie.
Association canadienne des employés en télécommunications et Amdocs Gestion de services canadiens inc. (Robert Lachance), SOQUIJ AZ-50482494 (T.A.)
NDLR – La décision de la CLP est diffusée à SOQUIJ AZ-50382842 (dossier no 268417-71-0507) et la décision de l’arbitre fait l’objet d’une requête en révision judiciaire, 2008-03-12 (C.S.), 500-17-041712-087.
Les procédures commencées devant la CRT sont suspendues jusqu'à ce que la CLP se prononce sur une demande d'indemnisation pour cause de lésion professionnelle; une saine administration de la justice ainsi que l'intérêt des parties ne justifient pas la tenue simultanée de deux enquêtes portant sur les mêmes faits et dont les résultats de l'une pourraient avoir un effet déterminant sur le sort de l'autre.
Entrée au service de l'employeur en novembre 2003, la plaignante s'est absentée du travail à compter du 17 octobre 2005. Depuis cette date, elle reçoit des prestations d'assurance-invalidité. Durant son témoignage, elle a fait allusion à l'audience en cours devant la Commission des lésions professionnelles (CLP) relativement à sa demande d'indemnisation en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Invité à préciser les remèdes recherchés devant la Commission des relations du travail (CRT), son procureur a déclaré ne pas être en mesure de le faire de façon détaillée puisque le suivi médical de la plaignante n'était pas terminé. Il a cependant annoncé que sa cliente entendait réclamer le paiement du salaire perdu ainsi que des dommages moraux et punitifs. L'employeur a demandé la suspension des procédures quant à la plainte pour harcèlement ainsi que la séparation des dossiers afin que la CRT puisse trancher les deux autres plaintes. À cet égard, il allègue qu'en l'absence de congédiement la plainte en vertu de l'article 124 de la LNT devrait être rejetée sommairement.
DÉCISION – À aucun moment l'employeur n'a invoqué la litispendance ou l'absence de compétence de la CRT. Une telle prétention aurait d'ailleurs été rejetée, conformément aux décisions déjà rendues sur cette question. Toutefois, ces décisions ne sont pas utiles afin de décider de la question à l'étude, laquelle concerne plutôt la gestion de l'enquête par la CRT. Il s'agit donc d'apprécier si une saine administration de la justice et l'intérêt des parties justifient la tenue simultanée de deux enquêtes qui portent sur les mêmes faits et dont les résultats de l'une pourront avoir un effet déterminant sur le sort de l'autre. Or, l'enquête devant la CRT sera de très longue durée. Puisqu'elle porte sur des faits dont la connexité est évidente, celle de la CLP ne devrait pas être beaucoup plus courte. Par ailleurs, il existe une juxtaposition presque parfaite entre les remèdes recherchés par la plaignante en vertu de sa plainte pour harcèlement psychologique et ceux qui pourraient lui être accordés si sa demande d'indemnisation est accueillie. De plus, ces remèdes sont les mêmes que ceux qui sont prévus aux paragraphes 2, 4 et 6 de l'article 123.15 de la LNT, soit ceux sur lesquels la CRT devrait réserver sa décision si elle en arrivait à conclure à du harcèlement psychologique (art. 123.16 de la LNT). Comme un préjudice ne peut faire l'objet d'une double indemnisation, la plainte pour harcèlement psychologique pourrait même devenir sans objet si la décision de la CLP était favorable à la plaignante. Par conséquent, il y a lieu de suspendre l'examen de la plainte pour harcèlement jusqu'à ce qu'une décision finale soit rendue par la CLP. Par ailleurs, malgré les nombreuses questions que soulève la situation particulière de la plaignante — notamment celles relatives à l'existence ou non d'un congédiement —, il n'est pas opportun de séparer des dossiers qui peuvent être intimement liés. Cette solution est sans grande conséquence pour l'employeur, qui pourra présenter ses moyens en temps utile, et elle préserve les droits de la plaignante.
Rajeb et Solutions d'affaires Konica Minolta (Montréal) inc., SOQUIJ AZ-50487300 (C.R.T.)
Comme la CLP a décidé, en se basant sur les mêmes faits, que le plaignant avait subi un accident du travail ayant entraîné une lésion psychologique, il n'est pas utile que la CRT se prononce sur la présence de harcèlement psychologique, car elle ne pourrait d'aucune façon accorder les dommages-intérêts réclamés.
Le plaignant était marqueur de textile. Le 22 mars 2005, il s'est blessé en manipulant son ordinateur. Souffrant d'une hernie inguinale, il a été mis au repos jusqu'à ce qu'il puisse subir une intervention chirurgicale. Il est retourné travailler le 30 mai. Le 9 juin, à la suite d'une rencontre houleuse avec son patron, il a fait une chute et a perdu connaissance. Absent pour cause de maladie, il ne s'est pas présenté au travail depuis cette date. Au moyen de sa plainte pour harcèlement psychologique, il réclame des dommages-intérêts de 100 000 $. Après le début du délibéré, la Commission des relations du travail (CRT) a pris connaissance des deux décisions de la Commission des lésions professionnelles (CLP) ayant conclu que le plaignant avait subi des lésions professionnelles les 22 mars et 9 juin 2005. Selon la CLP, le second événement a entraîné une entorse cervicale, du psoriasis ainsi qu'une lésion psychique. La CRT a entendu de nouveau les parties afin de connaître leurs arguments relativement à l'incidence des décisions de la CLP sur le présent recours. Le plaignant a demandé à la CRT de lui accorder les mesures de réparation qu'elle jugera appropriées parmi celles mentionnées à l'article 123.15 de la LNT.
DÉCISION – La compensation réclamée par le plaignant est visée par le paragraphe 4 de l'article 123.15 de la LNT. Il ne peut, une fois l'enquête terminée, modifier sa demande lorsqu'il prend conscience des répercussions de l'article 123.16 puisque toute l'administration de la preuve a été faite en fonction de la réclamation initiale. Rien ne permet à la CRT de statuer sur d'autres modes de réparation que celui clairement établi au début de la procédure. La CLP, en se basant sur les mêmes faits que ceux qui ont été mis en preuve devant la CRT, a décidé que l'événement survenu le 9 juin 2005 constituait un accident du travail ayant entraîné une lésion psychique. D'ailleurs, le plaignant reçoit une indemnité de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et aucune date de retour au travail n'est encore envisagée. D'autre part, l'article 438 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles confère une immunité à l'employeur si un travailleur est victime d'une lésion professionnelle. Toute demande d'indemnité pour dommages non pécuniaires et exemplaires qui en résulte devient donc irrecevable. Par conséquent, il n'est pas utile que la CRT se prononce sur la présence de harcèlement psychologique car, même si elle concluait en ce sens, elle ne pourrait accorder le remède demandé. En effet, le paiement de dommages-intérêts constituerait une double indemnisation d'une lésion professionnelle alors que la loi précitée est fondée sur un système sans responsabilité.
Haddad et Vêtements Va-Yola ltée, SOQUIJ AZ-50488543 (C.R.T.)
NDLR – La première décision de la CLP est diffusée à SOQUIJ AZ-5035974 (dossier n° 273960-61-0510) et la seconde est diffusée à SOQUIJ AZ-50392077 et résumée au C.L.P.E. 2006LP-124 (dossiers n° 287067-61-0604 et 287069-61-0604).
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Monique Desrosiers, avocate, Coordonnatrice, Secteur droit du travail et droit social, Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ)
Source : VigieRT, numéro 28, mai 2008.