Vous lisez : Les bienfaits d’une excuse sincère

Nul n’est à l’abri de se tromper, de commettre une erreur dans le cadre de son travail ou encore, d’offenser un collègue. Ce n’est pas toujours facile, penserez-vous, de dire : « Je m’excuse ». Pourtant, il ne fait aucun doute que présenter des excuses, si elles sont sincères, peut avoir un effet important sur le différend et, comme l’expriment certains auteurs, elles peuvent satisfaire certains besoins humains fondamentaux [1].

Que signifie le mot excuse? Dans ce contexte, ce mot équivaut au regret. Il est défini comme suit :

[…] Regret exprimé à quelqu’un pour l’avoir ennuyé, gêné, offensé […][2].

Ce mot est également défini de la façon suivante :

[…] un terme de civilité dont on se sert, afin d’engager à l’indulgence pour quelque faute légère.

Faire des excuses à quelqu’un signifie quelquefois, dans une acceptation plus rigoureuse, témoigner à quelqu’un le regret qu’on éprouve de l’avoir offensé, de s’être mal comporté à son égard.

Des excuses peuvent être offertes dans plusieurs contextes, par exemple, pour avoir oublié un anniversaire de naissance, à l’occasion d’un retard pour répondre à une lettre, lors d’un refus de prêter de l’argent, pour justifier un long délai, pour avoir dérangé une personne, pour avoir causé du tort à quelqu’un ou à une organisation[3], etc.

Au milieu du 18e siècle, certains ont commenté à leur façon le fait de s’excuser, par exemple, « La honte est dans l’offense, et non pas dans l’excuse »[4] et « Avant de blâmer, il faudrait toujours chercher à voir si l’on ne peut d’abord s’excuser » [5]. Dernièrement, dans le journal Le Figaro [6] , il était écrit relativement au procès de l’ancien président français, Jacques Chirac, que des excuses médicales avaient été acceptées par le parquet pour permettre sa non-comparution devant le tribunal. Cela revient à dire que, dans certaines occasions, l’excuse est tout simplement une explication, une communication ou une information.

Dans le domaine des relations de travail, il arrive parfois, notamment dans des dossiers de médiation, que les parties plaignantes demandent des excuses. Rares sont les parties visées qui acceptent d’emblée d’en donner. En effet, la plupart des personnes qui ne veulent pas s’excuser adoptent cette position, car elles craignent que ceci ne leur nuise ou constitue une reconnaissance d’une faute quelconque pouvant entraîner leur responsabilité ou d’autres répercussions négatives. Il est vrai que de telles excuses peuvent effectivement être perçues ainsi. Pourtant, il peut aussi en être autrement. Ainsi, à titre d’exemple, offrir une excuse sincère peut faciliter le règlement à l’amiable d’une problématique. Il ne faut pas oublier non plus que le processus de médiation est, par définition, confidentiel.

Pour que les excuses ne soient pas interprétées comme un aveu, il est important de bien les formuler. Dans ce contexte, une entente conclue dans le cadre d’une démarche de médiation pourrait très bien contenir le libellé suivant : Sans admission quant à sa responsabilité, X s’excuse auprès de Y si son comportement a pu l’offenser ou encore : Sans préjudice ni admission quant à sa responsabilité, X regrette sincèrement que son comportement ait pu offenser Y.

Comme on le constate, il n’est pas nécessaire de toujours utiliser le mot excuse. Le mot regretter ou l’expression manifester des regrets pourraient également avoir de bons résultats :

Exprimer un regret ne doit pas toujours entraîner l’aveu qu’une erreur a été commise. Il arrive parfois que manifester des regrets pour le résultat d’une certaine action soit suffisant. De même, une partie qui affirme avoir fait de son mieux et n’avoir eu aucune intention de porter préjudice à l’autre ne peut répondre adéquatement aux attentes de l’autre partie[7].

Se dire désolé serait aussi une autre façon de manifester son regret. D’ailleurs, dans cet ordre d’idées, il est intéressant de savoir que les législateurs de certaines provinces ont adopté des lois portant sur les excuses[8]. Les définitions sont sensiblement les mêmes dans ces lois.

À titre d’exemple, dans la Loi de 2009 sur la présentation d’excuses de l’Ontario, on peut lire ce qui suit :

Excuses : Manifestation de sympathie ou de regret, fait pour une personne de se dire désolée ou tout autre acte ou toute autre expression évoquant de la contrition ou de la commisération, que l’acte ou l’expression constitue ou non un aveu explicite ou implicite de faute ou de responsabilité dans l’affaire en cause.[9] (Nos soulignements)

Une partie à qui on demande des excuses devrait évaluer quels sont les avantages et les désavantages d’en offrir et considérer le fait qu’elle pourrait, dans certains cas, se faire imposer par son employeur, de s’excuser si la question relève de relations de travail. Par exemple, à la suite d’une enquête interne en matière de harcèlement au travail lorsqu’il est déterminé que la partie mise en cause est fautive. Par exemple, dans l’affaire Syndicat des enseignantes et enseignants du Cégep de La Pocatière et Collège d’enseignement général et professionnel de La Pocatière (2008 QCCRT 0199), l’employeur avait exigé d’une employée qu’elle présente des excuses à une collègue avant d’être réintégrée. Il faut s’attendre à ce que la partie qui s’excuse désire le faire le plus possible en privé et avec discrétion, de façon à ménager son estime de soi. Il est en outre plus facile de convaincre une personne de s’excuser si on lui demande de le faire verbalement. Exiger une lettre d’excuse, publique au surplus, pourrait en effet, dans certains cas, faire échec à un règlement à l’amiable[10]. Enfin, peu importe le mode choisi, l’expression de contrition devrait être documentée aux dossiers respectifs des employés.

En matière d’arbitrage de griefs, il a été reconnu à maintes reprises que la personne qui présente des excuses est plus susceptible de modifier son comportement futur par rapport à celle qui refuse de le faire. Des excuses, même si elles n’ont pas pour effet d’effacer ce qui est survenu ou ce qui est allégué comme s’étant produit, peuvent aussi servir à titre de circonstances atténuantes lorsque le moment est venu de déterminer la sévérité d’une mesure disciplinaire devant être imposée. Par exemple, rappelons le cas Travailleurs et Travailleuses Unis de l’alimentation et du Commerce, section locale 501 et Metro Richelieu Inc. (2010, Canlii 31864). Dans cette affaire, des jumeaux âgés de 19 ans travaillant dans une épicerie avaient, sans le dire, modifié leur horaire de travail. Ils ont remis une lettre d’excuses, et celle-ci a été considérée comme une circonstance atténuante. L’arbitre a jugé que leur comportement avait rétroactivement fait l’objet d’une réflexion et que c’était une erreur de parcours. Ils ont été réintégrés dans leur emploi tous deux, sans indemnité. À l’inverse, l’absence d’excuses offertes en temps opportun pourrait, dans certains cas, être assimilée à une circonstance aggravante tout comme peut l’être, par exemple, l’absence de remords.

Des excuses, dans la mesure où elles sont sincères, peu importe la formulation utilisée, peuvent donc, en pratique, faire toute la différence. Ainsi, une mauvaise excuse vaut mieux que pas d’excuse[11].

Note à propos de l’auteur :
Avocate spécialisée en matière d’enquêtes internes (harcèlement et violence au travail). Elle est également médiatrice accréditée par le Barreau du Québec (PC). Elle a écrit avec Jean-Maurice Cantin, c.r. : Politiques en matière de harcèlement au travail et réflexions sur le harcèlement psychologique, 2e édition, Yvon Blais, 2006, La dénonciation d’actes répréhensibles en milieu de travail ou whistleblowing, Éditions Yvon Blais, 2005 ainsi qu’un article intitulé Workplace Violence and Harassment in Ontario: What to expect from Bill 168 and how to cope with the new legislation, publié par Thomson Reuters dans le recueil de M. le juge John R. Sproat, Employment Law Manual, avril 2010.

Source : VigieRT, novembre 2011.


1 Roy, Serge, Avi Schneebalg et Eric Galton, La médiation : préparer, représenter, participer, Éditions Yvon Blais, 2005, page 116.
2 De Villiers, Marie-Eva, Multidictionnaire de la langue française, 2003, page 599.
3 On peut penser ici, à titre d’exemple, à la déclaration faite par DSK, lorsqu’il s’est rendu à Washington, au siège du Fonds monétaire international afin de présenter ses excuses pour le tort que sa conduite a pu occasionner. Voir www.lemauricien.com.
4 Claude Nivelle De la Chaussée (1692-1754), Le préjugé à la mode.
5 Georg Christophe Lectenberg (1742-1799), Le miroir de l’âme.
6 www.lefigaro.fr, 5 août 2011.
7 Supra, note 1, page 117.
8 Voir notamment en Ontario, la Loi de 2009 sur la présentation d’excuses, L.O. 2009, chapitre 3 et au Manitoba, la Loi sur la présentation d’excuses, C.P.L.M. c. A98, lesquelles sont surtout destinées à s’appliquer en matières contractuelles civiles (par exemple, dans le domaine des assurances).
9 Loi de 2009 sur la présentation d’excuses, idem, article 1.
10 Drogue c. Champlain Regional College, 2009 QCCRT 0423. Dans une autre affaire, Kin c. Syndicat international des marins canadiens, 2010 QCCRT 0253, le plaignant exigeait que la lettre d’excuse soit imprimée sur le papier entête de son employeur, ce qui n’a pas été fait. Il a poursuivi son syndicat pour manquement au devoir de représentation. Son recours a été rejeté.
11 Nicholas Udall (1505-1556), Ralph Roister Doister.
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