Vous lisez : Les compétences de l’arbitre n’empiètent pas sur celles de la CSST

La cour d’appel juge qu’un arbitre n’est pas compétent pour entendre un grief relatif à la réintégration avec accommodements d’un salarié dans son emploi prélésionnel alors que la CSST a conclu qu’il est incapable de reprendre cet emploi.

Dans une affaire impliquant le Syndicat de la fonction publique du Québec et la Société des établissements de plein air du Québec (la « SEPAQ »)[1], un salarié, occupant un poste de journalier auprès de cette dernière, a subi une lésion professionnelle qui a été consolidée avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Un processus de réadaptation a été mis en place au cours duquel la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la « CSST ») a conclu que, compte tenu de ses séquelles, le salarié ne pouvait pas reprendre son emploi prélésionnel de journalier et qu’aucun emploi convenable n’était disponible chez l’employeur. La CSST a par la suite déterminé que le salarié serait apte à occuper un emploi convenable de préposé au service à la clientèle. Le salarié a déposé un grief par lequel il a demandé à être réintégré dans son emploi prélésionnel de journalier, et ceci, avec accommodements.

L’arbitre s’est déclaré sans compétence pour entendre ce grief, tel qu’il appert de l’extrait suivant de la sentence arbitrale :

« [54] Avec respect pour l’opinion contraire, je ne vois pas comment et par quel mécanisme un Tribunal d’arbitrage pourrait obliger un Employeur à accorder un poste de journalier à un salarié dont le dossier a fait l’objet d’évaluation et d’examen par la CSST d’autant plus que cette dernière, selon la preuve présentée, a évalué le poste du plaignant et déterminé que ce dernier ne pouvait plus l’effectuer. »

Quant à la question d’accommodement en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne[2] (la « Charte »), l’arbitre a souligné qu’il aurait compétence pour en traiter à condition d’être en présence d’un « différend entraîné par l’interprétation ou l’application de la convention collective » ce qui n’était pas le cas en l’espèce. En effet, selon l’arbitre, il ne s’agissait pas d’une situation de non-respect des modalités liées à l’exercice d’un droit de retour au travail en vertu de la convention collective, mais d’une question relevant de l’examen et de l’évaluation du dossier d’un accidenté du travail par la CSST. L’arbitre a estimé que l’employeur n’avait pas refusé d’accorder un poste au salarié, mais s’était plutôt plié aux décisions de la CSST qui s’était prononcée sur la capacité de ce dernier à exercer ledit poste.

Cette sentence arbitrale a fait l’objet d’une requête en révision judiciaire qui a été accueillie par la Cour supérieure[3]. Cette dernière a jugé que l’arbitre ne pouvait pas refuser d’exercer sa compétence à l’égard du grief. Selon la Cour supérieure, dès « que la CSST s'est prononcée sur l'impossibilité d'un travailleur de réintégrer son emploi prélésionnel ou l'identification d'un emploi convenable, un arbitre de griefs a compétence pour déterminer si l'employeur, dans l'exercice de son droit de gérance, s'est acquitté de tous les efforts d'accommodement ». La Cour supérieure a ajouté que l’arbitre a cette compétence en dépit du fait que le travailleur soit considéré incapable d’occuper son emploi prélésionnel par la CSST.

La SEPAQ a porté cette décision en appel et a eu gain de cause. Dans un récent arrêt[4], la Cour d’appel a infirmé la décision de la Cour supérieure et a confirmé la sentence arbitrale. La Cour d’appel a rappelé que le salarié s’était vu priver de son emploi de journalier en raison de limitations fonctionnelles qui découlaient d’une lésion professionnelle et non d’une condition personnelle de la nature d’un handicap. Selon la Cour d’appel, l’arbitre a eu raison de décliner compétence puisque la CSST et la Commission des lésions professionnelles ont une compétence exclusive pour décider de la capacité d’un salarié à exercer son emploi prélésionnel ou un emploi convenable à la suite d’une lésion professionnelle. L’arbitre ne pouvait pas se saisir de la demande du salarié réclamant son poste de journalier alors que la CSST avait déjà décidé qu’il n’était plus en mesure de l’occuper. La Cour d’appel a conclu en rappelant que la Charte ne crée pas un régime parallèle d’indemnisation.

Michel Towner, CRIA, et Amélie Pelland, avocats du cabinet Fraser Milner Casgrain s.e.n.c.r.l.

Source : VigieRT, numéro 37, avril 2009.


1 Syndicat de la fonction publique du Québec et Société des établissements de plein air du Québec (la « SEPAQ ») D.T.E. 2006T-496 (T.A.).
2 L.R.Q., c. C-12.
3 Syndicat de la fonction publique du Québec inc. c. Beaulieu, [2007] R.J.D.T. 437 (C.S.).
4 Société des établissements de plein air du Québec c. Syndicat de la fonction publique du Québec, D.T.E. 2009T-179 (C.A.).
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