Vous lisez : Nouvelles modifications des règles ITAR : un processus d'exemption disponible

Mise en contexte
Les règles ITAR (International Traffic in Arms Regulations) ont récemment été modifiées par le département d’État des États-Unis afin d’adopter une nouvelle exemption applicable aux ressortissants étrangers des pays proscrits et aux personnes ayant la double citoyenneté, dont celle d’un pays proscrit[1]. Cette nouvelle exemption est entrée en vigueur le 15 août dernier.

Rappelons brièvement que les règles ITAR proscrivent de manière générale le transfert de matériel de défense contrôlé à un ressortissant d’un pays autre que les États-Unis. En vertu des exemptions dites « canadiennes », un employé qui possède comme seule citoyenneté la citoyenneté canadienne peut avoir accès à du matériel contrôlé, alors qu’un employé canadien qui possède la citoyenneté d’un pays proscrit ne pourra y avoir accès. Cette situation a donné lieu à certains problèmes eu égard aux législations canadiennes protégeant les droits de la personne.  

Nouvelles modifications aux règles ITAR
Les nouvelles modifications aux règles ITAR, les Dual Nationals and Third-Country Nationals Employed by End-Users[2], visent notamment à régler ces problèmes en offrant aux entreprises la possibilité de permettre à ses employés ayant la nationalité d’un pays proscrit d’avoir accès au matériel contrôlé, à la condition qu’elles adoptent un processus visant à s’assurer qu’il n’y a pas de détournement de matériel protégé vers un pays proscrit. Nous discuterons, de façon non exhaustive, des principales conditions d’application de cette nouvelle exemption disponible aux entreprises canadiennes.

Premièrement, le matériel de défense pourra être transféré à des travailleurs canadiens possédant la citoyenneté d’un pays proscrit uniquement si ces derniers sont des « employés réguliers légitimes qui travaillent directement » à l’entreprise. Selon les règles, les « employés réguliers » sont définis comme suit : (1) les individus engagés de façon permanente directement par l’entreprise; et (2) les contractuels à long terme qui travaillent à temps plein et exclusivement pour l’entreprise, aux installations de celle-ci, sous sa direction et son contrôle, et qui signent une entente de non-divulgation. L’agence de recrutement qui fournit un tel contractuel à une entreprise visée par les règles ITAR ne doit jouer aucun rôle dans le travail qu’effectue le travailleur en question et elle ne doit pas avoir accès au matériel contrôlé.

Deuxièmement, les nouvelles règles stipulent que pour pouvoir bénéficier de la nouvelle exemption, l’entreprise doit avoir des « procédures efficaces » en place pour empêcher le détournement du matériel contrôlé. Les règles stipulent que l’entreprise pourra se conformer à cette exigence en optant pour l’une ou l’autre des alternatives suivantes :

  1. En obtenant l’attestation de sécurité appropriée pour ses employés auprès du gouvernement canadien; ou
  2. En se conformant aux obligations suivantes relatives à la vérification des « contacts significatifs » :
    • mettre en place un processus d’enquête afin de vérifier si des employés ont des « contacts significatifs » avec des pays proscrits;
    • faire signer aux employés une entente de non-divulgation assurant qu’ils ne transféreront pas de renseignements à des parties non autorisées; et
    • se doter d’un plan de technologie/sécurité qui indique en détail les mesures d’enquête visant les contacts significatifs, conserver les dossiers à cet effet et les mettre à la disposition des autorités américaines sur demande.

Quant à la première option, soit obtenir une attestation de sécurité auprès du gouvernement canadien, il est intéressant de noter que la Direction des marchandises contrôlées (DMC), du ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, estime que les entreprises canadiennes peuvent remplir l’exigence de « procédures efficaces » au moyen de l’inscription au Programme des marchandises contrôlées (PMC) du gouvernement canadien et en se conformant aux exigences de ce programme. Toutefois, puisque le gouvernement américain demeure responsable de déterminer si le PMC lui-même peut constituer des « procédures efficaces » pour les besoins des règles ITAR, les entreprises pourraient vouloir prendre des mesures intermédiaires afin d’assurer leur conformité aux règles américaines indépendamment de ce processus jusqu’à ce que le gouvernement américain reconnaisse officiellement les mesures prises par le gouvernement canadien.

En ce qui concerne la deuxième possibilité, soit de se doter d’un processus d’enquête relatif à la vérification des « contacts significatifs » et de respecter les autres obligations mentionnées ci-dessus, il est à souligner que les règles établissent que pour déterminer si un employé a des « contacts significatifs » qui le rendraient inadmissible à l’exemption, il faut tenir compte des sept critères suivants :

  • des voyages réguliers dans un pays proscrit;
  • des contacts récents ou continus avec « des représentants, des courtiers et des ressortissants de ces pays »;
  • l’« allégeance prouvée » continue envers un de ces pays;
  • le maintien d’une résidence dans l’un de ces pays;
  • le maintien de relations d’affaires avec des personnes de ces pays;
  • la réception d’un salaire ou d’une rémunération de ces pays; et
  • des actes supposant par ailleurs un risque de détournement.

Les règles stipulent expressément que la nationalité ne peut pas, en soi, interdire l’accès à du matériel contrôlé, bien qu’un employé qui a des contacts significatifs avec des personnes provenant de pays proscrits est présumé créer un risque de détournement, à moins que le Directorate of Defence Trade Controls (DDTC) du département d’État des États-Unis n’en décide autrement.

En vue de respecter les obligations relatives au plan de technologie/sécurité et d’attestation de sécurité, des procédures d’enquête sur les employés doivent être établies et tous les dossiers doivent être conservés pendant cinq ans. Le plan et les dossiers doivent être mis à la disposition du DDTC sur demande aux fins de l’application des lois civiles et criminelles.

Finalement, le transfert du matériel de défense doit également avoir lieu entièrement dans le territoire physique du pays où l’utilisateur final est situé ou dans lequel le consignataire exerce ses activités et être visé par une licence d’exportation approuvée, une autre autorisation d’exportation ou une exemption de licence.

En conclusion
La nouvelle exemption entrée en vigueur le 15 août 2011 pourra aider les entreprises à gérer les problèmes relatifs aux droits de la personne qui ont été soulevés par l’application des règles ITAR. Néanmoins, dans la mise en application et la gestion des nouvelles règles, les entreprises canadiennes devront continuer d’être attentives aux problèmes qui pourraient être soulevés eu égard à la législation en matière de droits de la personne et en matière de protection des renseignements personnels. Ainsi, une procédure rigoureuse et détaillée devra être mise en place pour pouvoir bénéficier de ces nouvelles règles.

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Source : VigieRT, septembre 2011.


1 La liste des pays proscrits actuellement visés par les règles ITAR comprend l’Afghanistan, le Bélarus, la Chine, Chypre, la Corée du Nord, la Côte d’Ivoire, Cuba, l’Érythrée, Haïti, l’Irak, l’Iran, le Liban, le Liberia, la Libye, le Myanmar, la République démocratique du Congo, la Sierra Leone, la Somalie, le Sri Lanka, le Soudan, la Syrie, le Venezuela, le Vietnam, le Yémen et le Zimbabwe.
2 CFR, parties 120,124 et 126.
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