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Article 329 et application du partage de coûts

L’article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) permet aux employeurs d’obtenir un partage de l’imputation des coûts reliés à une lésion professionnelle si le travailleur était porteur d’un handicap préexistant au moment de la survenance de la lésion.

Dans l’application des décisions reliées à l’articlen 329, la CSST utilisait la durée de consolidation moyenne des lésions comme critère afin de déterminer le pourcentage qui serait imputé à l’ensemble des employeurs. Ce pourcentage était donc déterminé selon un ratio provenant de la comparaison entre la durée de consolidation de la lésion et la durée moyenne provenant d’une table élaborée par la CSST en 1985. En fonction de ce ratio, un pourcentage des coûts d’une lésion est imputé à l’ensemble des employeurs.

Modification de la durée moyenne de consolidation
Depuis avril 2007, la CSST utilise une autre table qui fait maintenant référence à la durée maximale de consolidation des diagnostics. Cette table se trouve d’ailleurs dans le site internet de la CSST.

Voici quelques exemples de diagnostics établis avec l’ancienne et la nouvelle table de consolidation utilisées par la CSST afin de déterminer le pourcentage d’imputation à l’ensemble des employeurs. Il faut souligner que la nouvelle table comporte plus de diagnostics que l’ancienne et apporte souvent une distinction concernant la période de consolidation en fonction de la gravité de la blessure ou du type de traitement médical.

Diagnostic Durée ancienne table Durée nouvelle table
Bursite 35 119
Capsulite 49 140
Épicondylite 49 112
Épitrochléite 49 112
Entorse cervicale 35 70
Entorse dorsale 35 70
Entorse lombaire 35 84
Entorse genou 42 68

Dans la préface de cette table, la CSST indique que les partages de coûts constituent une exception à la règle générale d’imputation prévue à la LATMP. La CSST précise que, selon ses statistiques, 90 % des lésions se finalisent à l’intérieur d’une période d’indemnisation acceptable, alors qu’environ 10 % sont à risque de chronicité. Toujours selon la CSST, c’est donc cette notion de chronicisation qui devrait servir de base à l’application de l’article 329.

Lors d’une conférence organisée par le Conseil du patronat du Québec en février dernier, la CSST est venue présenter les critères et les données ayant servi à l’élaboration de la nouvelle table de consolidation.

Les intervenants de la CSST ont mentionné que la notion de chronicisation avait servi de base à l’élaboration des durées de consolidation. Toujours selon la CSST, les lésions musculosquelettiques se chronicisent dans 5 à 13 % des cas selon la littérature internationale. Le critère de chronicisation a donc été établi aux environs du 90e percentile des statistiques analysées.

Afin de fixer les durées maximales de consolidation, la CSST a procédé à une revue de littérature médicale. Des données provenant du Disability medical advisor, des Official disability guidelines de même que des statistiques de la CSST concernant les lésions des années 2003 et 2004 ont donc été analysées, pondérées et validées par des spécialistes afin de produire la nouvelle table.

Impact financier sur le pourcentage des coûts imputés dans le cas d’une entorse lombaire

Durée de consolidation
de la lésion
Nouvelle table : % imputé
à l’ensemble des employeurs
Ancienne table : % imputé
à l’ensemble des employeurs
Écart
10 semaines 0 % 50 % 50 %
12 semaines 0 % 60 % 60 %
13 semaines 10 % 60 % 50 %
6 mois 55 % 80 % 25 %
1 an 75 % 90 % 15 %
1,5 an 85 % 95 % 10 %
2 ans 90 % 95 % 5 %
3 ans et 25 jours 95 % 95 % 0 %

En raison de la nouvelle table des durées maximales de consolidation qui sont, dans la grande majorité des cas, plus longues que la durée moyenne utilisée avant avril 2007, les ratios obtenus génèrent des partages de coûts qui sont moins avantageux pour l’employeur.

Le tableau ci-dessus illustre les pourcentages transférés à l’ensemble des employeurs dans le cas d’une entorse lombaire qui est une lésion professionnelle couramment observée. En vertu de la nouvelle table, la durée de consolidation utilisée pour calculer les ratios est de 84 jours (12 semaines), alors que la valeur de l’ancienne table était de 35 jours (5 semaines).

Avant l’introduction de la nouvelle table, une entorse lombaire avec une durée de consolidation de 12 semaines occasionnait une réduction de 60 % des coûts dans le cas d’une décision de la CSST accordant un partage selon l’article 329. En vertu du nouveau barème, l’entorse lombaire consolidée en 12 semaines ne pourrait générer de partage d’imputation, car cette durée est égale à la durée maximale de consolidation.

En raison de l’échelle de pointage de la CSST établissant les pourcentages selon les ratios, on remarque que l’écart entre les résultats obtenus selon l’ancienne ou la nouvelle échelle s’amenuisent avec la durée de consolidation de la lésion. C’est donc pour les lésions de plus courte durée que l’écart du pourcentage de désimputation est le plus important. Évidemment, il faut garder à l’esprit que les coûts générés augmentent normalement avec la durée d’une lésion selon les indemnités versées et les frais d’assistance médicale. Le véritable impact financier provenant de l’utilisation de la nouvelle durée maximale de consolidation dépend donc de l’écart par rapport à l’ancienne table et des coûts imputés au dossier.

Pour une réclamation de 12 semaines totalisant des coûts 16 000 $ avec facteur de chargement, l’impact de l’utilisation de la nouvelle table sur les coûts retenus aux fins de tarification de l’employeur est de 9600 $ (60 % X 16 000 $).

Pour une réclamation d’un an totalisant 60 000 $ avec facteur de chargement, l’impact de l’utilisation de la nouvelle table sur les coûts retenus pour fin de tarification de l’employeur est de 9000 $ (15 % X 60 000 $).

On constate donc que, malgré la réduction des écarts sur le pourcentage d’imputation obtenu dans les dossiers de longue durée, l’impact net en ce qui concerne les coûts imputés peut demeurer élevé.

Impact sur la gestion des réclamations
Pour certains diagnostics (ex. : entorse lombaire), il ne sera plus possible d’obtenir un partage d’imputation selon l’article 329 si la durée de consolidation de la lésion est inférieure à la durée inscrite au nouveau barème utilisé par la CSST. L’employeur qui misait sur l’obtention d’un partage en présence d’un handicap préexistant hors de la norme biomédicale devra, dans certains cas, revoir sa position quant à la contestation de l’admissibilité et les actions à poser. L’obtention d’un partage moins élevé en raison de la nouvelle table pourra également avoir un impact sur les décisions et les stratégies à adopter en matière de gestion des réclamations.

Il sera également intéressant de voir la position de la Commission des lésions professionnelles (CLP) quant à l’utilisation de cette nouvelle table par la CSST. Si la CLP en venait à accorder des partages d’imputation plus élevés sur la base de critères différents des durées maximales de consolidation, les employeurs seraient alors tentés de contester les décisions de la CSST et de la Révision administrative. Évidemment, une analyse des gains financiers potentiels et des frais de représentation à la CLP devrait être faite afin de vérifier la pertinence de contester une décision de la CSST portant sur un partage d’imputation.

Impact sur les coûts non imputés
Les propositions concernant le financement des coûts non imputés, faites par la CSST en 2007, reposaient en partie sur la proportion croissante de ces derniers. La nouvelle table basée sur les durées maximales de consolidation viendra réduire la proportion des coûts imputés à l’ensemble des employeurs. Il est par conséquent pertinent de se demander si le changement à la table de consolidation aura des répercussions sur les propositions ou les décisions de la CSST concernant le financement des coûts non imputés.

Conclusion
Les changements apportés par la CSST concernant la durée de consolidation viendront réduire, dans la majorité des cas, l’effet bénéfique obtenu à la suite de l’obtention d’un partage de coûts. Par conséquent, il y aura une augmentation des coûts au dossier des employeurs qui se prévalent des dispositions de l’article 329 et qui obtiennent des partages d’imputation. À l’inverse, il y a aura une réduction de la portion des coûts transférés à l’ensemble des employeurs.

Ces impacts financiers pourront également avoir des répercussions sur les actions posées par les employeurs dans leur gestion quotidienne des réclamations professionnelles. La position de la CLP face à ce nouveau barème de consolidation pourra influencer la propension des employeurs à contester les décisions de la CSST en matière de partage d’imputation accordé selon l’article 329.


Gaétan Olivier, CRHA
, directeur, Santé et sécurité du travail et Invalidité, Morneau Sobeco

Source : VigieRT, numéro 27, avril 2008.

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