Vous lisez : Agir en leader en contexte de crise

Toute crise met à l’épreuve nos compétences de leadership, quel que soit notre rôle. Yvon Chouinard, CRHA, coach exécutif et président d’Isotope Conseil, offre ses recommandations pour adopter les bons comportements et mieux raisonner, agir et décider en situation de crise.

« Les crises voient souvent émerger des leaders, car ces moments intenses représentent parfois des occasions uniques de démontrer nos capacités, souligne-t-il. Quel que soit notre rôle dans l’entreprise, nous pouvons choisir de devenir un leader. »

La posture d’un leader

La capacité d’adaptation d’un leader, comme de toute personne, dépend de sa posture face à la crise. Il y a trois manières bien connues de réagir à une situation d’urgence : figer, fuir ou attaquer. Ces réactions surviennent en général de façon séquentielle, mais elles sont aussi dynamiques : on peut passer de l’une à l’autre selon les exigences de la situation.

« Bien souvent, devant une menace importante, la réponse initiale est de figer, explique Yvon Chouinard. Le soldat bien entraîné, par exemple, s’immobilise, regarde et écoute pour analyser la situation. Ensuite, certaines personnes passent à la fuite. Cela peut être un retrait émotionnel pour se protéger, une réaction d’évitement ou le réflexe de sous-estimer la menace. Enfin, on passe en général à l’attaque, ce réflexe de combattre pour sa survie. »

L’attaque, posture privilégiée des leaders, consiste à élaborer rapidement une stratégie, à puiser dans ses habiletés de survie, à examiner les choix possibles, à prendre position et à passer à l’action. Les leaders rompus aux situations de crise, comme les policiers ou les infirmières, ont déjà appris à assurer leur survie et celle des autres. Ils réagiront donc plus rapidement et pourront mieux aider les autres.

D’autres personnes moins bien préparées peuvent aussi se révéler être des leaders. Pour adopter une posture de leadership, Yvon Chouinard recommande de se poser deux questions : « Quels sont les besoins des gens dans les circonstances actuelles? » et « Comment puis-je aider les gens dans mon organisation et dans mon entourage? »

« Comme le disait le professeur Henry Mintzberg, nous sommes des humains remplis de ressources et non des ressources humaines », rappelle le coach.

Deux atouts : l’information et l’empathie

Pour faire œuvre utile, un leader joue deux grands atouts : l’information et l’empathie. Il fait autorité en communiquant de manière juste, fiable, transparente et claire. « Les gens sont capables de gérer la vérité, mais on doit leur transmettre ce qu’ils ont besoin de connaître au bon moment, déclare Yvon Chouinard. Ils veulent savoir à quel point les choses vont mal, comment réduire les risques et comment aider les autres. »

L’empathie est tout aussi essentielle. Un leader exprime sa sollicitude envers les personnes affectées par la crise, pose des gestes pour réduire leurs difficultés et les soutient lorsqu’il le peut par les moyens dont il dispose.

Une présence et une vision rassurantes

Le leader a pour responsabilité de rassurer les gens. « Il doit trouver en lui-même les ressources de calme, de courage et de résilience dont il a besoin pour se garder, et pour garder ses collègues et son organisation, agiles et efficaces », indique le président d’Isotope Conseil. Il est en avant sans jouer les héros, montre qu’il est soutenu par une équipe et demande aussi aux gens de le soutenir. Il fait preuve d’une assurance tranquille et veille à « mettre son propre masque d’abord » pour pouvoir ensuite aider sa famille, ses enfants, ses coéquipiers et son organisation.

Conscient des besoins de sécurité, d’appartenance et d’estime de soi de ses collègues et de ses employés, il crée un espace et un climat de compassion, de service et de collaboration. Il cherche à tirer un sens des événements et à développer une vision claire qu’il transmet pour donner aux autres le pouvoir d’agir, inspirés par le sens profond des efforts collectifs.

Des outils pour gérer

Pour traverser la crise, Yvon Chouinard recommande de créer une cellule de crise qui permettra de prendre des décisions et de passer à l’action rapidement. Les responsables RH devraient d’ailleurs en faire partie. Ce mode de fonctionnement révèle souvent les habitudes et processus encombrants et inefficaces, offrant des pistes d’amélioration pour l’avenir.

Il suggère aussi d’envisager divers types de scénarios, dans un continuum entre le plus pessimiste et le plus optimiste. Entre ces deux pôles, un scénario d’optimisme modéré permet de gérer la situation, d’anticiper les événements, d’adopter une pensée stratégique, de faire preuve de flexibilité et de susciter l’espoir.

« Communiquez, communiquez, communiquez », martèle-t-il en précisant que c’est là le nerf de la guerre, et le propre de tout bon leader. En identifiant les acteurs qui doivent être informés, en communiquant clairement et régulièrement (même lorsque l’information est incomplète) et en annonçant et expliquant les décisions, les leaders s’assureront que la rumeur ne remplacera pas les faits et éviteront l’une des pires craintes des employés : le silence radio.

Des opportunités de leadership à saisir

La crise apportera à plusieurs des occasions d’assumer des responsabilités supplémentaires et de développer des compétences nouvelles. Yvon Chouinard recommande de saisir ces occasions de leadership, tout en rappelant que, pour les leaders engagés activement dans la gestion de la crise, une période de déprime et d’ennui est à prévoir lors du retour à la normale.

Les leaders RH, lors du retour au travail, devront d’ailleurs prévoir les diverses réactions possibles et s’occuper des gens en évaluant la manière dont la crise a transformé leur vie, ainsi que l’état d’esprit dans lequel ils en ressortent.

« Au sortir du confinement, il sera essentiel de prendre le temps d’écouter, de partager, de comprendre et de tirer des enseignements des événements, de conclure le coach exécutif. Cela nous permettra de revoir les valeurs essentielles de nos organisations, mais aussi de la société en général, pour nous doter d’un horizon plus inspirant, plus humain et plus bienveillant. »

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