Près de trois ans après #metoo, l’actualité ainsi qu’un nouveau mouvement qui a pris d’assaut les réseaux sociaux dans les derniers jours rappellent que le harcèlement, qu’il soit psychologique ou sexuel, poursuit ses ravages, notamment en milieu de travail. Alors que cet enjeu n’est certainement pas propre à un seul secteur d’activité, nous devons nous sentir tous concernés et une fois pour toutes, poser collectivement des actions concrètes afin de l’enrayer.
Les impacts du harcèlement sont dévastateurs pour les travailleurs, les victimes comme leurs collègues, ainsi que leur entourage. Les organisations s’exposent également à d’importantes répercussions sur leur environnement de travail, santé financière et réputation. Par ailleurs, ne faisons pas l’erreur de croire que le harcèlement est sur pause présentement à cause du télétravail. Il peut aussi bien s’infiltrer dans les canaux de communications numériques qu’il pouvait le faire au bureau.
Le harcèlement est l’affaire de tous.
Les professionnels RH ont la responsabilité de favoriser un climat de travail sain où les travailleurs peuvent s’épanouir et les organisations prospérer. Ils doivent jouer ce rôle avec intégrité, bienveillance et courage. Pour réussir, ils doivent partager leur expertise et sensibiliser leurs pairs et pour ce faire, bénéficier de l’appui de leur direction.
Les dirigeants et conseil d’administration doivent se positionner avec conviction contre les comportements répréhensibles, voir à la prévention et s’assurer qu’aucune situation de harcèlement ne demeure impunie au sein de leur organisation, et ce, peu importe le statut de la personne mise en cause.
Les travailleurs et gestionnaires doivent remettre en question leurs agissements en prenant soin d’être à l’écoute de l’autre. Puisqu’une parole n’a de sens que pour celui qui la reçoit, une blague ou un commentaire peut prendre une tout autre signification pour autrui.
De son côté, le gouvernement a nécessairement un rôle de premier plan à jouer et je l’encourage fortement à adopter des mesures avec plus de mordant que celles mises en place par le passé. Il est illusoire de penser que l’état actuel du droit protège adéquatement nos gens. Alors que légiférer n’est pas toujours la meilleure solution, dans le cas de figure, le gouvernement doit inciter les organisations à prendre le harcèlement au sérieux, au-delà des politiques et des intentions. En écho au phénomène observable sur les réseaux sociaux, j’ajouterais qu’il faut redonner confiance aux gens envers les mécanismes de dénonciation officiels, qu’ils soient au niveau du travail ou de la justice.
Pour encourager les dénonciations et encadrer la prise en charge des plaintes par les organisations, je considère que l’enquête à la suite d’une plainte de harcèlement, avec la possibilité de médiation en tout temps, devrait être rendue obligatoire pour les employeurs. D’une part, pour s’assurer de protéger la victime alléguée et d’autre part, pour permettre que la personne mise en cause puisse faire l’objet d’un processus juste et rigoureux. De plus, en raison du risque de préjudice élevé pour toutes les parties si elle n’est pas réalisée adéquatement, cette enquête devrait être uniquement confiée à des professionnels compétents, impartiaux et liés par un code de déontologie, comme les CRHA et CRIA. En réservant cet acte aux membres d’un ordre professionnel, le public se voit mieux protégé, notamment parce qu’il a un recours en s’adressant au syndic de l’ordre concerné s’il estime que le professionnel n’a pas agi dans les règles de l’art.
À ces mesures concrètes, on oppose souvent le fardeau financier pour les organisations, notamment pour les PME. Il s’agit quant à moi d’un faux prétexte ou d’un triste constat sur nos priorités comme société. Les organisations n’hésitent pas à faire appel à un professionnel pour enquêter si une brèche apparaît dans la sécurité informatique ou s’ils se croient victimes de fraude, pourquoi seraient-elles hésitantes à déployer de telles mesures pour protéger ce qu’ils ont de plus importants, leurs employés?
Déplorer les faits ne suffit pas. Des actions concrètes pour contrer le harcèlement au travail doivent être mises en place. Il suffit qu’il y ait une volonté réelle de mettre l’humain au cœur des organisations. Il est temps de réaliser collectivement qu’en 2020, la prospérité et le succès ne sont possibles que si les gens se sentent respectés au travail et qu’ils ont envie de s’y investir pleinement.
Manon Poirier, CRHA
Directrice générale
Ordre des conseillers en ressources humaines agréés