Vous lisez : Les générations dans le milieu de travail : conflits ou synergie?

Les conflits ou les difficultés de communication entre les générations ne datent pas d’hier. Socrate en parlait déjà il y a plus de deux mille ans!

Depuis, ces difficultés se sont déplacées de la famille vers le milieu de travail : en effet, chacune des trois et parfois quatre générations qui s’y côtoient véhicule ses valeurs, sa vision, son style de communication, ses attentes.

Ces différences s’expliquent, entre autres, par le contexte social, politique et économique dans lequel les membres de ces générations ont grandi, contexte qui a façonné la pensée de chaque cohorte et son attitude envers le travail.

Comprendre ce contexte, les raisons qui expliquent ces différences de façon globale – car chaque personne conserve son individualité propre – facilite les communications et la synergie entre les membres des différentes générations.

Les quatre générations : le contexte[1]
Les traditionalistes : nés entre 1920 et 1945, ils ont 61 ans et plus. Mot-clé : loyauté. Ils ont travaillé dur et ils ont fait des sacrifices pour relancer l’économie après la dépression des années trente. Ils placent leur confiance dans les institutions. Ils pratiquent un style de gestion militaire où l’information est transmise sur la base du « need to know ».

Les baby-boomers : nés entre 1946 et 1964, ils ont entre 42 et 60 ans. Mot-clé : optimisme. L’économie florissante d’après-guerre donnait l’impression que tout était possible. Idéalistes, ils avaient la force du nombre et la foi dans leurs capacités pour améliorer la société. Ils ont cependant été forcés de travailler fort pour sortir du lot et se faire connaître. Ils sont généralement reconnus comme des bourreaux de travail. Ils respectent l’autorité, mais préfèrent être traités comme des égaux.

Les X : nés entre 1965 et 1980, ils ont de 26 à 41 ans. Mot-clé : scepticisme. Ils ont vu s’effriter les symboles de la stabilité et ont appris à croire en eux plutôt qu’aux institutions. Ils sont indépendants et pleins de ressources. Se tailler une place sur le marché du travail ne fut pas pour eux chose facile. On les désigne parfois sous le nom de la génération sacrifiée.

Les Y : nés entre 1981 et 1999, ils ont 25 ans et moins. Mot-clé : réalisme. Des gens de réseau pour qui le monde est petit. Pragmatiques, ils vivent par et dans le changement, ils recherchent des défis et des stimulations. On les décrit souvent comme des enfants rois et des enfants gâtés. Cette génération forme pourtant un composé unique de bon sens et de conscience sociale, ce qui promet un bouleversement du monde du travail. Ils veulent contribuer à la société et sont déterminés à vivre une vie pleinement remplie et satisfaisante.

Les quatre générations : leur relation avec le travail
Les différences de vision et d’attente des générations par rapport au travail touchent des aspects tels les relations avec la hiérarchie, le sens de l’engagement et de la loyauté, la vision de la carrière, la conciliation travail-vie privée, les attentes par rapport à la rétroaction et aux récompenses.

À titre d’exemple, voici la vision de chaque génération en ce qui concerne trois de ces dimensions : vision de la carrière, importance de la conciliation travail-vie privée, modes de rétroaction et de récompense.

  • Vision de la carrière

    Les traditionalistes : carrière d’une vie avec un même employeur ou du moins dans un même domaine. Ils désirent construire un héritage. Ils suivent un chemin qui signifie service, loyauté et désir de donner en retour.

    Les baby-boomers : sécurité d’emploi. Ils veulent briller, exceller dans leur carrière. Plusieurs sont maintenant aiguillés non par l’horloge biologique mais par l’horloge de la carrière : ils réalisent qu’il leur reste peu de temps pour exceller dans leur carrière et désirent maximiser les années qui leur restent.

    Les X : sécurité de carrière. Ils ne croient plus à la sécurité d’emploi. Ils veulent bâtir un porte-folio de compétences et d’expériences leur garantissant qu’ils seront capables de se remettre sur pied, quelle que soit la catastrophe qui s’abattra sur eux. Dans ce contexte, changer d’emploi devient une nécessité, une stratégie de survie.

    Les Y : carrières parallèles. Leur vie programmée les a rendus capables d’accomplir plusieurs tâches, d’assumer correctement plusieurs emplois en même temps. On prévoit qu’ils pourront expérimenter jusqu’à dix carrières différentes dans leur vie!

  • L’importance de la conciliation travail-vie privée

    Les traditionalistes : ils sont habitués à un modèle militaire du lieu de travail qui exige d’être présents lorsqu’ils doivent l’être; cependant, ils s’aperçoivent que les jeunes générations ont découvert toutes sortes de moyens de demander et d'obtenir un meilleur équilibre. Attention aux conflits et au ressentiment.

    Les baby-boomers : pour eux, concilier la recherche de sens et la valeur de leur travail va prendre de plus en plus d’importance au fur et à mesure qu’ils se rapprocheront de leur retraite. Ayant souvent beaucoup sacrifié pour le travail, ils recherchent maintenant une vie plus équilibrée.

    Les X : ils recherchent l’équilibre travail-vie privée maintenant, pas à la retraite!

    Les Y : ils ont besoin de flexibilité pour pouvoir faire face à toutes leurs activités. Le travail n’est pas tout!


  • Modes de rétroaction et de récompenses

    Les traditionalistes : la satisfaction du travail bien fait. La sécurité du travail et un bon plan de retraite; la reconnaissance de leurs services, mais de petits gestes sont suffisants; la possibilité, s’ils le désirent, de continuer à travailler pour leur employeur, mais sur une base flexible qui leur laisse du temps pour voyager ou s’occuper de leurs petits-enfants.

    Les baby-boomers : l’argent, le titre, la reconnaissance, le bureau du coin. Tout ce qui leur démontre et surtout démontre aux autres à quel point ils sont bons dans ce qu’ils font. Ils sont motivés par ce qu’ils peuvent accomplir au travail. Ils veulent aller loin et vite, mais ils veulent aussi accomplir de grandes choses.

    Les X : la liberté est la récompense ultime. Comme ils ont grandi dans un monde incertain, mais dans lequel la rétroaction est facile et rapidement disponible, ils désirent la même chose dans leur environnement de travail. Ils surveillent les résultats avec soin pour pouvoir adapter leur approche et obtenir plus de succès.

    Les Y : un travail qui a du sens. Les récompenses doivent être à la fois tangibles et non tangibles, par exemple la possibilité d’apprendre, de faire face à de nouveaux défis. Ils désirent que leur travail fasse une différence et exigent une rétroaction immédiate.

Les récompenses ne pourront plus être les mêmes pour tous, elles devront être adaptées aux attentes des employés. Il est important certes pour les entreprises de « séduire », d’attirer et de fidéliser les nouvelles générations, mais aussi de motiver et de conserver leurs autres employés, quelle que soit leur génération.

Par exemple :

  • utiliser la loyauté et l’expérience des traditionalistes pour en faire des leaders, de recruteurs, des coachs, des mentors;
  • établir une trajectoire de carrière stimulante pour les baby-boomers, leur procurer un travail qui leur procurera satisfaction et sentiment d’accomplissement;
  • permettre aux X de créer leur portfolio de compétences à l’intérieur de l’entreprise;
  • donner aux Y une bonne combinaison de défis, d’opportunités, la possibilité d’apprendre.
Par-dessus tout, il semble que le cadeau le plus recherché et le plus apprécié par toutes les générations soit le temps : temps pour s’occuper de ses enfants, de ses petits-enfants, de ses parents; temps aussi pour s’occuper de soi-même et de sa propre vie.

Conflits ou synergie?
Les différences entre les générations peuvent être une source de conflits, entraînant de l’incompréhension, du ressentiment, de la méfiance, des difficultés de fidélisation; mais ces différences, comprises et utilisées de façon positive, peuvent aussi résulter en une très belle synergie en appuyant le travail des équipes sur les forces particulières de chaque génération.

Quelques idées de lecture

Source : VigieRT, numéro 7, avril 2006.


1 Les auteurs ne s’accordent pas sur la chronologie des générations. Nous avons utilisé la chronologie de David Stillman, When generations collide.
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