Vous lisez : Invalidité et obligation d’accommodement : la cour suprême du canada accueille le pourvoi de l’employeur

Le 26 janvier 2007, la Cour suprême du Canada rendait un jugement fort attendu par le monde du travail. L’arrêt

Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal (2007 CSC 4) donne aux employeurs, aux syndicats, aux personnes employées et aux tribunaux, des pistes essentielles dans la détermination des obligations respectives des parties dans un contexte d’invalidité, compte tenu du caractère individualisé d’un processus d’accommodement.

Les faits
La salariée s’absente de son travail en raison d’une dépression. Elle bénéficie d’une période de réadaptation suivant les modalités de la convention collective ainsi que d’une prolongation de celle-ci, mais est incapable de reprendre le travail à temps plein aux dates successivement fixées et, dans l’intervalle, subit un accident d’automobile. L’employeur avise la personne de la rupture de son lien d’emploi à la suite de l’expiration de la période de maintien du lien d’emploi de trois ans que prévoit la convention collective.

Au moment de l’arbitrage, la salariée reçoit des prestations d’invalidité totale de la SAAQ et la date de son retour au travail demeure indéterminée.

Le jugement : La Cour suprême du Canada confirme la sentence arbitrale concluant au rejet du grief.

Les principaux motifs invoqués par la majorité (six des neuf juges) sont les suivants :

  • les parties à une convention collective peuvent négocier des clauses assurant le retour au travail des employés malades dans un délai raisonnable;
  • la détermination d’une période d’absence maximale est une forme d’accommodement négocié, indiquant que les parties ont convenu que l’employeur est en droit de mettre fin à l’emploi au-delà de cette période;
  • une clause concernant la période maximale d’absence sans rupture du lien d’emploi ne peut s’appliquer automatiquement, mais suivant les circonstances propres à chaque cas;
  • dans l’évaluation de l’accommodement individuel requis dans un cas particulier, les parties devraient analyser les clauses pertinentes de la convention collective (p. ex. période maximale d’absence et retour au travail à temps partiel);
  • suivant les circonstances et les clauses négociées par les parties, un tribunal pourrait prendre en considération la période maximale d’absence convenue, dans son examen de la preuve d’une contrainte excessive pour l’employeur;
  • la contrainte excessive résultant de l’absence d’un employé doit s’évaluer globalement à compter du moment où cette personne s’absente et non à l’expiration de la période maximale d’invalidité de trois ans;
  • l’obligation d’accommodement raisonnable n’est ni absolue, ni illimitée : la salariée doit faire sa part dans la recherche d’un compromis raisonnable et démontrer sa capacité de reprendre le travail dans un délai raisonnable si elle estime que les accommodements prévus par la convention collective sont insuffisants eu égard aux circonstances.

Pour les trois autres juges de la Cour, une clause précisant la période maximale d’absence avant la rupture du lien d’emploi ne constitue pas automatiquement une preuve de discrimination, obligeant l’employeur à démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation d’accommodement. Dans chaque cas, le délai ainsi prévu par la convention doit être apprécié suivant la nature de l’emploi et les autres facteurs pertinents tels que les protections accordées par les législations d’ordre public en droit du travail.

Ces trois juges concluent qu’une protection du lien d’emploi pour une période maximale d’invalidité de trois ans n’est pas discriminatoire à première vue et l’employeur n’est pas tenu de justifier sa décision.

Les répercussions pratiques
Au cours des prochains jours, notre cabinet diffusera un bulletin d’information plus détaillé sur les différents motifs de ce jugement.

Dans l’intervalle, les membres du groupe Travail et emploi de notre cabinet sauront contribuer à l’analyse des conséquences des balises ainsi réitérées par la Cour en matière de discrimination et d’obligation d’accommodement, que ce soit pour votre organisation en général ou à l’égard d’un dossier particulier.

Le contenu de ce communiqué fournit des commentaires généraux sur les développements récents en droit. Les textes ne constituent pas un avis juridique. Les lecteurs ne devraient pas agir sur la seule foi des informations qui y sont contenues.

Véronique Morin, CRIA, avocate du cabinet Lavery de Billy

Publié avec l'autorisation de Lavery, de Billy [www.lavery.qc.ca]

Source : VigieRT, numéro 14, janvier 2007.

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