Vous lisez : Diffusion de blogues par des employés : le manque de discernement peut entraîner un manquement à l’obligation de confidentialité

Dans une récente sentence arbitrale rendue en Ontario, Chatham-Kent (Municipality) v. National Automobile, Aerospace, Transportation and General Workers Union of Canada (CAW-Canada), Local 127 (Clarke Grievance)[1], un arbitre a maintenu le congédiement pour insubordination et manquement à l’obligation de confidentialité d’une employée syndiquée travaillant dans une maison d’accueil pour personnes âgées. La plaignante, qui comptait huit années de service à cet endroit, avait créé un blogue accessible au public sur Internet dans lequel elle dénigrait son employeur en plus de critiquer des résidents de la maison et d’exprimer son aversion pour eux. Comme l’a indiqué l’arbitre Williamson, le blogue était « brusque, direct et parsemé de termes ». Dans d’autres parties du blogue, la plaignante avait affiché des photos d’elle en compagnie de résidents de la maison.

La direction a été informée de l’existence de ce blogue et a congédié la plaignante pour manquement à l’obligation de confidentialité et insubordination. Un grief a été déposé. Au cours de l’arbitrage, le syndicat a fait valoir que la plaignante n’était pas consciente que son blogue était accessible au public, et que son intention avait été d’en faire un site accessible seulement aux membres de sa famille et à ses amis proches. La direction a allégué que le blogue de la plaignante constituait un grave manquement à l’obligation de confidentialité à l’égard des patients ainsi qu’une insubordination sérieuse et qu’il constituait un motif valable pour justifier son congédiement.

L’arbitre a maintenu le congédiement de la plaignante, les règles de l’employeur concernant la confidentialité des renseignements sur les résidents étant, selon lui, raisonnables et conformes aux critères applicables aux règles imposées unilatéralement. L’affichage de photos de résidents était un manquement clair à la politique en matière de confidentialité et justifiait qu’une mesure disciplinaire soit imposée. Les commentaires méprisants à l’égard de la direction équivalaient à de l’insubordination et constituaient également un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire. Malgré l’existence de certains facteurs atténuants, comme le nombre relativement élevé d’années de service de la plaignante et ses excuses immédiates, le congédiement a tout de même été considéré comme justifié et le grief a été rejeté.

Dans ses motifs, l’arbitre a mis l’accent sur la nature très publique du blogue de la plaignante. Il a conclu qu’au mieux, la plaignante avait fait preuve d’insouciance en ignorant que ses « autorisations » visaient un accès « public » et non « privé ». Même si l’arbitre ne mentionne pas qu’un site Web « privé » aurait permis d’éviter la mesure disciplinaire, puisque toute divulgation de renseignements confidentiels contrevient à la politique de l’employeur en matière de confidentialité, la nature publique de l’affichage semble avoir joué un rôle important dans sa décision.

Cette décision éclairera sûrement les employeurs préoccupés par les activités de leurs employés sur Internet. Les blogues sur Internet ainsi que les sites Web de réseautage social comme « Facebook » ou « MySpace » créent des possibilités de diffusion à très grande échelle d’opinions personnelles sur des personnes en position d’autorité et de renseignements confidentiels. Une des questions soulevées par cette décision porte sur la pertinence d’établir une distinction entre des sites Web comme Facebook, où l’accès à la page Web d’une personne est limité à ses contacts personnels, et d’autres comme Blogger.com ou MySpace où la page Web est accessible au public en général. Lorsqu’un employé est visé par une mesure disciplinaire pour avoir formulé des commentaires dénigrants au sujet de la direction, il peut être pertinent de savoir si les commentaires ont été adressés à un petit groupe d’amis ou au public en général. De même, en ce qui concerne les communications par Internet, une telle distinction peut être utile pour déterminer le degré approprié de mesures disciplinaires pour insubordination. Comme la décision Chatham-Kent le laisse toutefois entendre, il n’y aurait pas lieu de faire la même distinction dans le cas d’un manquement à une politique de confidentialité si cette politique est clairement énoncée et promulguée et qu’elle interdit la divulgation de renseignements confidentiels.

Les employeurs doivent alors retenir que les politiques en matière de confidentialité devraient être suffisamment larges pour viser toute divulgation de renseignements confidentiels, que ce soit au public en général ou autrement. La vitesse de diffusion de l’information sur Internet et son potentiel de dommages signifient également que les employeurs devraient être proactifs et informer leurs employés des limites appropriées imposées sur les communications sur Internet qui concernent le travail.

Les employeurs seraient bien avisés de se doter de politiques efficaces en matière d’utilisation d’Internet à des fins personnelles pendant les heures de travail et d’informer les employés sur les pratiques adéquates relativement à Internet, que ce soit au travail ou ailleurs.

Les employeurs devraient songer à prendre les mesures suivantes.

  • Établir des politiques claires contre la diffusion de renseignements confidentiels. Ces politiques devraient être larges et interdire la divulgation de toute information à une personne non autorisée.
  • Mettre en place une politique concernant Internet qui indique clairement les limites quant à l’utilisation de sites Web personnels et de réseautage social au travail. De fait, certains employeurs ont bloqué l’accès à ces sites.
  • Mettre en place des politiques sur les limites d’utilisation des ordinateurs et d’Internet à des fins personnelles pendant les heures de travail.
  • Mettre en place des règles claires concernant l’insubordination et informer les employés sur la façon dont ces politiques s’appliquent à certains agissements en dehors du travail.

Avec de la prévoyance et de la planification, les employeurs peuvent mieux se protéger contre les effets dommageables d’une mauvaise utilisation d’Internet par les employés.


Équipe du droit de l’emploi et du travail
, Ogilvy Renault

Publié avec l'autorisation du cabinet Ogilvy Renault [www.ogilvyrenault.com]

Source : VigieRT, numéro 20, septembre 2007.


1 [2007] O.L.A.A. No. 135 (D.R. Williamson).
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