Vous lisez : Les enfants et le monde du travail

Les employeurs, les parents et les enfants s’interrogent fréquemment sur les droits, les obligations, les exceptions et les interdictions en matière de travail des enfants. Par exemple : La Loi sur les normes du travail (LNT) s’applique-t-elle également aux enfants? Puis-je embaucher un enfant de 15 ans comme caissier dans mon établissement? L’autorisation des parents est-elle nécessaire? L’enfant bénéficie-t-il des mêmes droits et protections qu’un employé à temps complet en poste depuis trois ans? Ai-je l’obligation de lui verser le salaire minimum?

Certaines lois particulières
Cette confusion provient notamment du fait que, jusqu’en 1981, il était pratiquement interdit à tout employeur d’embaucher un enfant de moins de 16 ans[1]. Au surplus, quelques lois prévoient actuellement un âge minimum d’admission pour l’obtention de cartes de compétence. Ainsi, pour des emplois comme électricien et mécanicien d’ascenseur[2] ou encore pour être admis à l’apprentissage des métiers de la construction[3], l’âge minimum est fixé à 16 ans. On pense aussi au travail de serveur dans une brasserie ou un bar où il est interdit d’y faire travailler un mineur[4].

Ce que prévoit la LNT
Quant à la LNT, elle ne fait aucune distinction entre l’adulte, l’adolescent ou l’enfant. L’ensemble des normes établies à la LNT s’applique donc à tous les salariés, quel que soit leur âge, y compris le taux général du salaire minimum.

Certaines situations s’appliqueront toutefois plus fréquemment aux jeunes salariés, puisqu’ils occuperont bien souvent un travail saisonnier ou à temps partiel, lié ou non à un statut d’étudiant. Ainsi, la distinction se fera sur la base du type d’emploi et non en fonction de l’âge du salarié. L’employeur doit donc garder à l’esprit les dispositions générales de la LNT applicables à ce type de salariés.

La LNT ne fait pas de distinctions basées sur l’âge du salarié, mais plutôt sur le type d’emploi.

L’importance du service continu
La notion de « service continu »[5] est importante pour l’employeur qui embauche un salarié occasionnel ou encore dans le cadre d’un emploi saisonnier. Par exemple, un étudiant embauché comme sauveteur et qui, chaque année, soumet sa candidature sans que son engagement soit remis en question, accumule du service continu au sens de la LNT. Il pourrait donc, le cas échéant, se prévaloir de la protection de l’article 124 LNT dans le cadre d’un congédiement fait sans une cause juste et suffisante, advenant que son embauche ne soit pas renouvelée pour une 3e année consécutive[6].

Les exceptions prévues par la LNT
La LNT prévoit par ailleurs certaines exceptions. À titre d’exemple, la personne qui effectue un stage approuvé par le ministère de l’Éducation en vertu d’un programme d’initiation au travail ou qui travaille au cours de l’année scolaire dans un établissement choisi par un établissement d’enseignement ne sera pas considérée comme un salarié au sens de la LNT[7]. Elle ne pourra donc pas bénéficier des protections qui y sont prévues[8], et ce, à l’exception des dispositions particulières prévues à l’article 3.1 LNT.

Une autre exclusion prévue par la LNT porte sur l’emploi d’étudiants dans une colonie de vacances. Ces salariés ne pourront réclamer le paiement des heures supplémentaires au taux majoré de 50 % au-delà d’une semaine normale (40 heures), mais devront tout de même recevoir le taux horaire régulier pour toutes les heures travaillées. De la même façon, les dispositions sur les congés annuels payés ne pourront s’appliquer à leur situation.

L’étudiant à l’emploi d’un organisme à but non lucratif et à vocation sociale ou communautaire, tel qu’une colonie de vacances ou un organisme de loisirs, se voit appliquer plusieurs des exceptions prévues par la LNT. Ainsi, le salaire minimum prescrit à la LNT ne s’applique pas à sa situation[9]. De la même façon, il ne pourra pas réclamer le paiement d’heures supplémentaires à taux majoré s’il travaille plus que la semaine normale prévue par la LNT[10], ni même l’application des dispositions sur les congés annuels payés[11]. À l’égard de cette disposition, la notion de « vocation sociale ou communautaire » pourra présenter certaines difficultés d’interprétation. À titre d’exemple, il est simple de reconnaître qu’une corporation municipale est au service de la collectivité. Toutefois, il est difficile de soutenir que sa vocation soit purement sociale ou communautaire alors qu’elle administre un territoire donné et que le mandat qu’elle obtient de la Ville en fait également la gestionnaire[12]. Chaque dossier est évidemment un cas d’espèce qui nécessite une étude particulière.

Un exemple qui nous est plus familier est celui du gardien d’enfant à domicile qui s’occupe de vos petits trésors pendant les quelques heures durant lesquelles vous vous accorderez un repas au restaurant sera exclu de l’application de la LNT. Dans ce cas particulier, la Loi considère en effet qu’il répond alors à l’exception de l’article 3 (2) LNT, puisque sa fonction exclusive est d’assumer la garde ou de prendre soin d’un enfant dans un logement, de façon ponctuelle, pour un employeur qui ne poursuit pas, au moyen de ce travail, des fins lucratives.

Mais attention, l’ensemble des critères établis à la LNT devra être rencontré pour bénéficier de cette exclusion. Ainsi, une autre forme de gardiennage soit effectué ailleurs que dans un logement, soit si l’employeur poursuit un but lucratif, serait soumise aux normes établies par la LNT. Dans cet esprit, un immeuble converti en foyer pour personnes âgées ne pourrait être considéré comme un « logement » au sens de l’exception de l’article 3 (2) LNT, et son « gardien », dont la fonction principale serait de garder des personnes âgées, serait considéré comme un salarié au sens de la LNT et ainsi couvert par cette Loi.

Les protections particulières
Dans la foulée des considérations internationales concernant le travail des enfants telles que portées par l’Organisation internationale du travail et l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail et auxquelles le Canada adhérait en 1994, la LNT adoptait en 1999 et en 2000 certaines dispositions particulières à la protection des enfants. Celles-ci visent à interdire un travail disproportionné aux capacités de l’enfant ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou bien à son développement physique ou moral[13]. Elles s’inspirent largement des concepts énoncés dans la Politique concernant le travail des jeunes de la Centrale de l’enseignement du Québec et le Conseil du patronat du Québec.

Comme la notion d’enfant n’est pas définie à la LNT, on peut conclure qu’elle s’applique à tout enfant de moins de 18 ans. Ainsi, il pourrait s’agir notamment d’un travail comportant un nombre d’heures de travail consécutives trop élevées au regard de l’âge de l’enfant ou encore trop exigeant physiquement eu égard à ses capacités.

De façon plus précise, le consentement écrit d’un parent (ou de celui qui est titulaire de l’autorité parentale) est requis préalablement à l’embauche d’un enfant de moins de 14 ans[14]. Au surplus, ce document doit être conservé par l’employeur durant trois ans[15].

De plus, dans un souci de cohérence avec la Loi sur l’instruction publique[16] qui assujettit tous les enfants de moins de 16 ans à l’obligation de fréquentation scolaire, il est interdit à un employeur de faire effectuer un travail durant les heures de classe par un enfant lié à l’obligation de fréquentation scolaire[17]. Qui plus est, le travail de nuit[18] est interdit, et la LNT prévoit qu’un enfant doit être à la résidence familiale entre 23 heures un jour donné et 6 heures le lendemain matin[19]. Cette obligation implique donc que l’employeur aménage ses heures de travail, compte tenu du lieu de résidence de l’enfant, pour faire en sorte que l’enfant soit à l’école[20] ou à son domicile, selon le cas, durant les heures ainsi déterminées par la LNT.

La LNT prévoit toutefois une exception lorsque le travail effectué par l’enfant est à titre de « (…) créateur ou d’interprète, dans les domaines de production artistique suivants : la scène y compris le théâtre, le théâtre lyrique, la musique, la danse et les variétés, le film, le disque et les autres modes d’enregistrement de son, le doublage et l’enregistrement d’annonces publicitaires »[21]. Dans ces cas précis, l’employeur sera exempté de ces restrictions quant aux heures de travail.

Les sanctions prévues en cas de non-respect des normes
Notons en terminant que la LNT prévoit, aux articles 139 à 144, les sanctions en cas de contravention à ces dispositions. Ainsi, dans le cadre des dispositions pénales prévues par la LNT, les amendes imposées à l’employeur reconnu coupable varieront de 600 $ à 1 200 $ pour une première infraction.

Le Québec au diapason des enjeux mondiaux
Nous constatons donc que la législation québécoise se situe au même point que la communauté internationale en ce qui concerne le bien-être et le développement des enfants. Leur santé, ainsi que leur développement physique, mental et moral sont à la base même des préoccupations du législateur québécois, et les dispositions de la LNT s’inscrivent dans un ensemble législatif propre au Québec qui s’inspire également des tendances mondiales à ce sujet.

Pour toute question sur les normes du travail, visitez le site de la Commission des normes du travail.

Source : VigieRT, décembre 2013.


1 Loi sur les établissements industriels et commerciaux, S.R.Q. 1964, c. 150, L.R.Q., c. E-15, art. 8. Cette loi a été remplacée par la Loi sur la santé et la sécurité du travail, L.R.Q., c. S-2.1.
2 Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d’œuvre, L.R.Q. c. F-5.
3 Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction, L.R.Q., c. R -20.
4 Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques, L.R.Q. c. I-8.1.
5 Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N-1.1, art. 1 (12).
6 Ville de Greenfield Park c. Day, D.T.E. 84T-266 (T.T.).
7 Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N-1.1, art. 3 (3) et (5).
8 Sont également exclus le stagiaire dans un cadre de formation professionnelle reconnu par une loi et le stagiaire dans un cadre d’intégration professionnelle prévu à l’article 61 de la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées (L.R.Q., c.E-20.1).
9 Règlement sur les normes du travail, R.R.Q., 1981, c. N-1.1, r.3, art. 2.
10 Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N-1.1, art. 54.
11 Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N-1.1, art. 77.
12 CNT c. Ville d’Outremont, [1986] R.J.Q. 1737 (C.P.).
13 Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N-1.1, art. 84.2.
14 La Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N-1.1, art. 84.3 et le Règlement sur la tenue d’un système d’enregistrement ou d’un registre, R.R.Q., 1981, c. N-1.1, r.6, art. 1 (r) obligent l’employeur à inscrire au registre la date de naissance du salarié de moins de 18 ans dorénavant.
15 Règlement sur la tenue d’un système d’enregistrement ou d’un registre, R.R.Q., 1981, c. N-1.1, r.6, art. 2.
16 Loi sur l’instruction publique, L.R.Q., c. I. 13.3, art.14.
17 Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N-1.1, art. 84.4.
18 Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N-1.1, art. 84.6 et 84.7.
19 Cette situation pourrait ne pas s’appliquer quant à l’enfant qui n’est plus assujetti à l’obligation de fréquentation scolaire ou au livreur de journaux, par exemple.
20 Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N-1.1, art. 84.5.
21 Règlement sur les normes du travail, R.R.Q., 1981, c. N-1.1, r.3, art. 35.1 et 35.2.
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